L’oreille (dure) de Philippe Delerm

Philippe Delerm, Et vous avez eu beau temps ?, 2018, couverture

Pages 133-135 de Et vous avez eu beau temps ? La perfidie ordinaire des petites phrases de Philippe Delerm (2018) : chapitre «Ils n’articulent plus, maintenant !»

Que cache cette «petite phrase», s’agissant de ceux qu’on imagine être «les jeunes» ? «Ils n’articulent plus, leur diction est ambiguë, traduit un manque de consistance et de rigueur. Ils ne sont pas assez forts, pas assez nets. Ils ont été élevés dans du coton — par qui ? —, ne connaissent pas grand-chose aux difficultés de l’existence» (p. 133).

Comment y réagir ? «Si cela était vrai, ce serait oublier que, dès l’Antiquité, des contempteurs ont décrété : “Le niveau baisse !” Et si, depuis, le niveau n’avait cessé de fléchir, nous en serions au six centième sous-sol. Allons, il n’est pas si honteux de se l’avouer, cela semble encore plus vrai que tout le reste, et ne vaut pas que pour maintenant : avec le temps, on devient dur d’oreille !» (p. 134-135)

Source : Delerm, Philippe, Et vous avez eu beau temps ? La perfidie ordinaire des petites phrases, Paris, Éditions du Seuil, 2018, 176 p.

Pour en savoir plus sur cette question :

Melançon, Benoît, Le niveau baisse ! (et autres idées reçues sur la langue), Montréal, Del Busso éditeur, 2015, 118 p. Ill.

Benoît Melançon, Le niveau baisse !, 2015, couverture

Le niveau baisse ! (1887)

Arthur Buies selon Albert Chartier dans Séraphin illustré

«Ô mon siècle ! se peut-il que tu marches si vite malgré tous nos efforts pour te retenir ? Qu’avons-nous donc fait si ce n’est d’essayer de jouir des quelques années de jeunesse que tu jettes en courant aux cœurs avides et sitôt stupéfaits de les voir si vite envolées ? Si encore nous étions remplacés ! mais nous ne le sommes pas; notre génération est à jamais éteinte comme le Canada d’autrefois qui a disparu sous la lourde, triviale et uniforme casaque des mœurs modernes; les hommes deviennent de plus en plus raides affairés, poseurs, faiseurs, gobeurs et jobbeurs. Le niveau est devenu le même et pour tous, mais c’est un niveau singulièrement abaissé… Ah ! Ah ! n’allons pas plus loin, s’il vous plaît ! Nous allons tomber dans l’exécration de notre espèce, ce qui ne convient pas à un chroniqueur qui veut rester populaire.»

Source : Arthur Buies, «En route», l’Électeur, 25 juin 1887, p. 1.

Pour en savoir plus sur cette question :

Melançon, Benoît, Le niveau baisse ! (et autres idées reçues sur la langue), Montréal, Del Busso éditeur, 2015, 118 p. Ill.

P.-S.—Oui, le même Arthur Buies qu’ici.

Illustration : Albert Chartier, dans Claude-Henri Grignon et Albert Chartier, Séraphin illustré, préface de Pierre Grignon, dossier de Michel Viau, Montréal, Les 400 coups, 2010, 263 p., p. 139.

Benoît Melançon, Le niveau baisse !, 2015, couverture

Le niveau baisse ! (2017)

«La décomposition de la France est plus que jamais à l’œuvre. On est mille fois mieux à Damas qu’à Paris, et je préfère le bruit du canon à celui d’une langue française devenue du petit nègre.»

Source : Richard Millet, «Retour de Syrie», blogue de l’écrivain, 18 novembre 2017.

Pour en savoir plus sur cette question :

Melançon, Benoît, Le niveau baisse ! (et autres idées reçues sur la langue), Montréal, Del Busso éditeur, 2015, 118 p. Ill.

Benoît Melançon, Le niveau baisse !, 2015, couverture

Le niveau baisse ! (depuis l’Académie française)

«Le patrimoine n’est plus enseigné. […] Mais la langue aussi se rabougrit. La syntaxe s’effondre. L’orthographe n’existe plus. Le vocabulaire se raréfie. Le français n’est plus qu’un moyen de communication. Les Français n’habitent plus leur propre langue. Et celle-ci n’est plus comme autrefois façonnée par la littérature. Et quand l’Académie française dit que l’écriture inclusive est un péril mortel, tout le monde s’en moque.»

Alain Finkielkraut, Zemmour & Naulleau, émission du 15 novembre 2017, 40e minute

Pour en savoir plus sur cette question :

Melançon, Benoît, Le niveau baisse ! (et autres idées reçues sur la langue), Montréal, Del Busso éditeur, 2015, 118 p. Ill.

Benoît Melançon, Le niveau baisse !, 2015, couverture

Le niveau baisse ! (en Allemagne aussi)

Gilles Marcotte, Notes pour moi-même, 2017, couverture

«Curieusement, je tombe — c’est curieux, je tombe toujours chez George Steiner, dans n’importe lequel de ses livres je tombe, en l’ouvrant par hasard, sur des textes qui rejoignent ce que je viens de lire ailleurs! — sur un essai où, plus violemment que nos amis français, il annonce la mort d’une autre langue européenne, l’allemande. “Ce qui est mort, c’est la langue allemande. Ouvrez les journaux, les magazines, le flot des livres populaires ou savants qui s’écoule des nouvelles imprimeries; allez entendre une pièce de théâtre; écoutez l’allemand tel qu’on le parle au Bundestag. Ce n’est plus le langage de Goethe, Heine ou Nietzsche. Ce n’est même plus celui de Thomas Mann. Quelque chose d’immensément destructeur lui est arrivé. Cela fait du bruit. Cela peut même communiquer, mais non créer un sentiment de communion”.»

Source : Gilles Marcotte, Notes pour moi-même. Carnets 2002-2012, Montréal, Boréal, coll. «Papiers collés», 2017, 354 p., p. 291-292.

Pour en savoir plus sur cette question :

Melançon, Benoît, Le niveau baisse ! (et autres idées reçues sur la langue), Montréal, Del Busso éditeur, 2015, 118 p. Ill.

Benoît Melançon, Le niveau baisse !, 2015, couverture