Néologisme animal du jour

Le palmipède est trompeur. Il glisse sur l’eau sans faire de mouvements apparents. Pourtant, pour y parvenir, il faut que ses pattes s’agitent sous lui.

Les étudiants de l’Université Stanford, rapporte Ken Auletta dans le New Yorker du 30 avril, sont semblables au canard : calmes en surface, ils vibrionnent dessous. Cela s’appelle le Stanford duck syndromestudents seem cheerful, but all the while they are furiously paddling their legs to stay afloat»).

Bref, ils rament, mais ça ne doit pas paraître.

Néologie numérique

Le livre n’est pas mort avec l’arrivée du numérique. Il est toujours là, mais il est désormais entouré d’autres supports de lecture.

Pour les Kindle, Kobo et autres Nook, on a proposé toutes sortes de mots : livre électronique, livre numérique, livre bibliothèque, livre rechargeable, livre-ordinateur, livrel, bouquineur, ebook, reader (prononcé rideur). Comme Virginie Clayssen, l’Oreille tendue utilise volontiers liseuse.

Inversement, certains ont cru nécessaire de créer de nouveaux termes pour distinguer le livre papier du livre numérique. En anglais, cela a donné pbook (paper + book) et, péjorativement, selon @emckean, spine (dos).

Mais il n’y a pas que les livres. Comment appelle-t-on, au Japon, un livre-magazine électronique accompagné d’un cadeau collector ? Un e-mook (electronic + magazine + book). Après le blook (blog + book), le vook (video + book) et le pbook, cela va de soi.

Une question reste cependant ouverte. Des éditeurs hexagonaux veulent publier des livres instantanés, des «quick-books», dès après le second tour des élections présidentielles qui se déroulent actuellement en France, sur le candidat élu, sur le candidat défait, sur la campagne. (C’est Livres hebdo qui l’annonçait deux jours avant le premier tour.) Si on les distribue en numérique, faudra-t-il inventer e-quick-book (prononcé iquouikbouc) ? Exemple : T’as téléchargé l’e-quick-book sur Sarko ? On peut rêver plus euphonique.

Mourir le premier

L’Oreille tendue se répète (radote, diraient certains) : mourir lui sied mieux que décéder.

Mais il y a pire que décéder : pré-décéder.

Un exemple ? «Pré-décédée par son époux […]» (le Devoir, 14-15 avril 2012, p. C8).

Les bras de l’Oreille lui en tombent. Et elle attend avec appréhension post-décéder.

 

[Complément du 24 août 2016]

Le mot existe en anglais : «Today his son, who has predeceased him, lies no stiller and quieter, ensconsed in scarlet satin, than his father stands, half-eclipsed in shadow at the rear of the church» («The Weary Chronicles», p. 189).

 

Référence

Allen, Robert, «The Weary Chronicles» (1983), reproduit dans Michael Benazon (édit.), Montreal mon amour. Short Stories from Montreal, Toronto, Deneau, 1989, xix/290 p., p. 186-208, p. 189.

Néologisme international du jour

Oulipo, C’est un métier d’homme. Autoportraits d’hommes et de femmes au repos, 2010, couverture

Il vous faut un adjectif pour ONG (organisation non gouvernementale) ? Il existe, bien sûr. On le trouve par exemple sous la plume de Jacques Jouet : «Je me prépare aussi pour ces libérations tonitruantes et sans lendemain que les ingérences onusiennes ou ongistes nous imposent» (p. 63-64).

Ça peut toujours servir.

P.-S. — Les joueurs de ping-pong travaillant pour une ONG seront donc des pongistes ongistes.

 

Référence

Jouet, Jacques, «Autoportrait du tyran», dans Oulipo, C’est un métier d’homme. Autoportraits d’hommes et de femmes au repos, Paris, Mille et une nuits, 2010, p. 61-66.