Grève féline

C’était au début de mai. Les associations étudiantes et le gouvernement (du moins le croyait-on) venaient de s’entendre pour mettre un terme à la grève étudiante au Québec (ou faire une pause). Le président de la Fédération des travailleurs du Québec, Michel Arsenault, avait participé aux négociations menant à ce (non-)accord.

Quelques jours plus tard, interrogé à la radio de Radio-Canada, il résumait sa conception de l’art de négocier : «Quand t’as réussi à faire monter le chat dans l’arbre, il faut que tu l’aides à redescendre.»

Traduction libre : une fois l’autre partie poussée dans ses derniers retranchements, il faut l’aider à sauver la face.

Pour Michel Arsenault, ce devait être considéré comme un conseil adressé aux leaders des associations étudiantes.

A-t-il été entendu ?

Un seul mot vous manque, et tout est dépeuplé

La grève de milliers d’étudiants québécois, qui a débuté il y a plusieurs semaines, a donné lieu à des masses de discours, de textes, de conversations. On y retrouve souvent les mêmes mots. L’Oreille tendue en discutait l’autre jour, à la radio de Radio-Canada, avec Simon Jodoin.

Il y a cependant des mots que l’on n’entend pas du tout et qui seraient utiles pour comprendre certaines déclarations, d’un camp comme de l’autre.

L’Oreille suggère ainsi que se généralise l’emploi du mot casuistique.

Au sens strict, la casuistique relevait d’abord de la théologie : «Relig. Partie de la théologie morale qui s’occupe des cas de conscience» (le Petit Robert, édition numérique de 2010). Elle a par la suite pris une signification différente : «Péj. Subtilité complaisante (en morale)» (bis).

C’est en ce second sens que le mot pourrait être utile pour comprendre la crise actuelle.

Quand on demande à un porte-parole étudiant s’il est prêt à dénoncer la violence et qu’il répond que cela n’est pas inscrit dans son mandat, il donne dans la casuistique : personne n’a besoin de mandat pour dénoncer la violence.

Quand les représentants gouvernementaux et universitaires ergotent sur la nature des mouvements étudiants (grève ou boycottage des cours ?), ils donnent dans la casuistique : nombre d’étudiants ont choisi de ne pas être en classe pour donner du poids à leurs demandes, et ils n’y sont pas.

Ceux-là ne sont certes pas les seuls casuistes parmi nous.

P.-S.—Attention : au moins un logiciel de correction orthographique vous suggère de remplacer casuiste par caquiste. Ce n’est pas pareil.

P.-P.-S.—Dans sa collecte des mots de la grève, l’Oreille tendue vient de mettre en ligne un blogue consacré aux Pancartes de la GGI. Les contributions sont les bienvenues.

Manifestation culturelle

Le gouvernement du Québec veut augmenter les droits de scolarité dans les universités. Tout le monde n’est pas d’accord.

C’est notamment le cas d’étudiants qui sont allés manifester devant le parlement de Québec le 2 mars.

Qui dit manifestation dit pancartes. Qui dit université dit — devrait dire — culture. Ce jour-là, on a fait se rejoindre les deux.

Voici trois jeux de mots repérés par des journalistes de la Presse, les deux premiers dans l’édition papier du journal (3 mars 2012, cahier Sports, p. 5), le troisième sur Twitter : «Ça Baudelaire qu’on est contre l’augmentation des frais de scolarité»; «Y Perec qu’on n’est pas d’accord»; «Kant t’es tanné des choix du gouvernement».

Difficile de s’étonner après cela de voir un dentiste appeler son cabinet Al Denté.

 

[Complément du 4 mars 2012 ]

Une des antennes américaines de l’Oreille tendue se demande s’il ne faudrait pas, dès lors, parler de «Grevisstes» ?