Autopromotion 163

Colloque «(Re)négocier les frontières», 27 février 2015, affiche

Le vendredi 27 février 2015, à partir de 9 h 30, se tiendra à l’Université de Montréal la journée d’étude «(Re)négocier les frontières. Dialogue entre littérature et numérique». L’Oreille tendue y causera.

Au programme…

René Audet : Comment se numérise la littérature québécoise ?

Marianne Côté-Beauregard : Mise en scène de soi et hyperspectacle dans Nous voir nous (Cinq visages pour Camille Brunelle)

Sophie Marcotte : La sociabilité numérique comme ressort de la fiction

Benoît Melançon : Communautés littéraires et numérique

Élisabeth Routhier et Jean-François Thériault : Remédiation, coopération et pratiques numériques : l’exemple d’Hongrie-Hollywood Express d’Éric Plamondon

Chloé Savoie-Bernard : Communauté, solitude et médiatisation chez Guillaume Morissette

Michaël E. Sinatra : Lire à l’ère du numérique le Nénuphar et l’araignée de Claire Legendre

Marcello Vitali-Rosati : Littérature numérique et production de l’imaginaire

Lieu :

Centre de recherche interuniversitaire sur la littérature et la culture québécoises (CRILCQ)
Université de Montréal
Pavillon Lionel-Groulx
3150, Jean-Brillant
Montréal (Québec)
Salle C-8119

 

[Complément du 28 février 2015]

Twitter a rendu compte des communications et des discussions. Voir ici.

Heureuse découverte sur Twitter

L’Insoutenable Gravité de l’être (ou ne pas être), 2015, couverture

«Tempus fugit, tabarnac.»

Twitter sert à toutes sortes de choses : ne pas regarder #TLMEP (quoi que soit TLMEP), partager ses commentaires sur le sport, découvrir des textes et des auteurs.

Parmi les découvertes de l’Oreille tendue, il y a d’abord eu les tweets de @machinaecrire, puis le petit recueil qu’il a tiré de ses tweets de 2010 à 2014, l’Insoutenable Gravité de l’être (ou ne pas être).

«Pseudonyme : Se faire un nom», peut-on y lire (p. 52). Ici, il y en a trois. Derrière @machinaecrire et son alter ego @nanopoesie se dessine Nicolas Guay, informaticien de son état. On ne s’étonnera donc pas de le voir multiplier les allusions à l’informatique dans ses textes : «“Je fais de l’informatique dans le nuage”, dit-il. Elle sourcilla et répondit : “Moi je suis travailleuse sociale. Dans la vraie vie”» (p. 73).

@machinaecrire et @nanopoesie sont particulièrement doués pour les définitions («Petit dictionnaire imaginaire», p. 49-53). Un exemple (de saison) ? «Intégrisme : Avertissement de foi intense» (p. 50). Un autre (numérique) ? «Dictature : Système d’exploitation» (p. 50). Ils aiment prouver l’absurde par l’absurde : «Plus rien ne sera comme avant mais plus ça change, plus c’est pareil» (p. 13) ou «Le franglais, c’est full overrated» (p. 98), au moins autant que débusquer le paradoxe : «l’air bête de l’employée du comptoir de courtoisie» (p. 68) ou «en mode veille, l’ordinateur dort» (p. 92).

Ils connaissent leurs classiques. La mièvrerie du Petit Prince, ce n’est (heureusement) pas pour eux (p. 31-32). En revanche, ils s’amusent de (avec) Sartre, Jarry, Hergé, Mary Shelley, Shakespeare, Gainsbourg, Homère, Rimbaud, Defoe (ou Tournier), Baudelaire.

Quelques-uns des textes rassemblés, plutôt que de seulement jouer sur les mots, jouent aussi sur les sonorités : «Elle rit créole. Il rit collant» (p. 28). Pour comprendre «Le poète paranoïaque s’imagine que les odes sont contre lui» (p. 56), il faut, de plus, connaître l’anglais (the odds are against him).

@nanopoesie — son pseudonyme le dit — fait dans la poésie condensée. Ses courts poèmes ne sont toutefois pas que des pirouettes stylistiques. On y lit aussi des propos critiques :

La poésie fait dire
Qu’elle n’aime pas les poèmes
Qui ont pour thème
La poésie (p. 85).

Bref, suivez @machinaecrire et @nanopoesie, lisez-les.

P.-S. — Et il y a le blogue.

 

Référence

Guay, Nicolas, l’Insoutenable Gravité de l’être (ou ne pas être), 2015, 100 p. Deuxième édition. Édition numérique.

Tuer deux fois Place de la toile ?

Pendant des années, France Culture a diffusé une passionnante émission de radio sur le numérique, Place de la toile. (Merci à toi l’inventeur du podcast, ô bienfaiteur de l’humanité !)

À la fin de la saison 2013-2014, l’émission a cessé d’exister. Pleurs et grincements de dents.

Puis, discrètement, une chronique Place de la toile est apparue, à l’automne 2014, dans le cadre de l’émission le Rendez-vous, encore à France Culture. Xavier de La Porte était toujours au micro — pour quatre ou cinq minutes, plutôt que pour les 50 de l’ancienne version de l’émission. Réjouissances, malgré la brièveté et les interventions sans intérêt de l’animateur du Rendez-vous.

Depuis deux semaines, toutefois, au lieu de faire entendre Xavier de La Porte, l’émission donne la parole à un certain Thomas Clerc, qui ne parle pas du tout de numérique. (Il est peut-être des gens que ses interventions intéressent.) Nouveaux pleurs et grincements de dents.

Ironiquement (?), cela se passe au moment où un séminaire de l’École des hautes études en sciences sociales (ÉHÉSS) était consacré, le 19 janvier, à «8 ans de “Place de la toile”» (voir le storify ici).

Place de la toile vient-elle de mourir de nouveau ?

 

[Complément du 24 janvier 2015]

Sur Twitter, @franceculture explique que Xavier de La Porte intervient dorénavant, toujours à l’enseigne de Place de la toile, le vendredi matin (on peut (ré)entendre sa chronique du 23 janvier à l’émission de Laurent Goumarre ici). Nouvelles réjouissances.

En revanche, les abonnés du podcast Place de la toile sur iTunes et les visiteurs du site de l’émission n’ont pas accès à cette chronique, mais à celle de Thomas Clerc. Pleurs et grincements de dents, encore.

Prête-moi ta plume

L’histoire est banale. L’un est laid, mais sa parole est d’or. L’autre est beau, mais les mots lui font défaut. Cela donne Cyrano de Bergerac d’Edmond Rostand : Cyrano y prête sa plume à Christian, pour le cœur de Roxane.

La pièce est de 1897; la situation, d’aujourd’hui. Trois exemples.

Que font les adolescents français qui veulent séduire par texto, mais qui ont peur de pas suffisamment bien s’exprimer ? Ils demandent à un tiers d’écrire à leur place. C’est l’«effet Cyrano». (Élisabeth Clément-Schneider rapporte le cas en 2013.)

Vous cherchez l’âme sœur, mais vous craignez de ne pas être à votre avantage par écrit ? Vous pouvez faire appel à Guillaume Dumas, «cet “aspirant Cyrano” du web». Sur le site datective.ca, contre rétribution, il vous offre ses services d’«assistance à la séduction». (C’est la Presse+ du 1er janvier 2015 qui le dit.)

Comment utiliser la technologie actuelle dans la célèbre scène du balcon (acte III, sc. X), celle où le personnage éponyme, profitant de l’obscurité, se fait passer pour son rival et obtient pour lui un baiser de celle qu’il(s) aime(nt) ? Au Théâtre de l’Odéon, à Paris, en 2014, Dominique Pitoiset propose une conversation Skype qui réunit les personnages : Cyrano peut alors «avec vraisemblance prendre la place de Christian en éteignant sa caméra vidéo». (Cette mise en scène est décrite par Pierre Antoine Lafon Simard dans le plus récent numéro de Jeu. Revue de théâtre, dans le dossier «Réseaux sociaux».)

Tout est affaire de technique. Et rien ne l’est.

 

[Complément du 9 février 2015]

Dans une entrevue au quotidien la Presse+ («Unir comme Cyrano de Bergerac»), Guillaume Dumas persiste et signe : «Il y a quelque chose d’intéressant d’être le séducteur secret, la plume de quelqu’un.»

 

[Complément du 16 août 2022]

L’«effet Cyrano» existe aussi en musique. Selon la notice nécrologique que lui consacre le Washington Post, Lamont Dozier, encore adolescent, vendait les paroles de ses chansons pour qu’elles soient transformées en lettres : «He began writing songs while still a teen, turning some lyrics into love letters he sold to friends, Cyrano de Bergerac-style, for 50 cents

 

Références

Clément-Schneider, Élisabeth, «Économie scripturale des adolescents : enquête sur les usages de l’écrit de lycéens», Caen, Université de Caen, thèse de doctorat, octobre 2013, 503 p. http://tel.archives-ouvertes.fr/tel-00911228

Lafon Simard, Pierre Antoine, «Une lointaine proximité, oxymore de l’intime», Jeu. Revue de théâtre, 153, 2014, p. 41-45. Le passage cité se trouve p. 43. https://id.erudit.org/iderudit/73028ac

Rostand, Edmond, Cyrano de Bergerac. Comédie héroïque en cinq actes, Paris, L’école des loisirs, coll. «Classiques», 2007, 374 p. Ill. Présentation et commentaires de Dominique Guerrini. Illustrations de Philippe Dumas.