Les neuf néologismes neufs du mercredi matin

Pour les gens cultivés / à cultiver : «Le souci pour la malbouffe est omniprésent à l’école. À quand la préoccupation pour la “malculture” ?» (le Devoir, 18 février 2013, p. A6).

Pour les hipsters qui s’ennuient de la banlieue (suburbia) : «Quand les hipsters de Brooklyn déménagent en banlieue. “Creating Hipsturbiahttp://nyti.ms/14XmtiC» (@mcbeaucage).

Pour les mordus du mouvement numérique : «La gifification de l’éco RT @strem RT @suzlortie Vimeo acquires GIF-making app Echograph to challenge Vine & Cinemagram http://venturebeat.com/2013/02/14/vimeo-acquires-gif-making-app-echograph-to-challenge-vine-cinemagram/#YWC6Moe870y4F7o6.02» (@fdaudens).

Remarque. L’Oreille tendue se serait contentée de gification et s’interroge sur ce fifi.

Pour les amateurs de musique (pour) jeune(s) : «Le batteur des Black Keys a passé les dernières journées à en découdre avec les inconditionnels de Justin Bieber, surnommés les “Beliebers”, sur Twitter» (la Presse, 19 février 2013, cahier Arts, p. 2).

Pour les amis de la nature : croisez un ours blanc (polar bear) et un grizzly, et vous aurez un grolar. Ou un pizzly. (Merci à @PhAnnocque.)

Pour ceux qui aiment se prendre à leur propre jeu : «Idée de nouveau mot : le “johnnisme”. Qui voudrait dire “Écouter un truc ringard au 2nd degré tant de fois qu’on en devient vraiment fan”» (@Bouletcorp, via @PimpetteDunoyer).

Pour les jumeaux : «Happy birthday, twin ! http://bit.ly/RToWHI #twin You are my two-ther. Twin+Brother» (@vassb, via @sabouria).

Pour les fans d’étymologie : «Le “sextage”, vraiment ? C’est quoi ce mot-là, une combinaison de sexe et… ?» (@caroline_gm).

Unités de mesure hospitalières

C’est @JoseeLegault, sur Twitter, qui a mis la puce à l’oreille de l’Oreille tendue : «Réalise-t-on au Qc qu’on parle des personnes vulnérables en termes de “lits” ?».

Une lecture cursive de la presse confirme que @JoseeLegault a vu juste : «Hôpital de Lachine. Le cinquième des lits supprimé» (la Presse, 9 janvier 2013, p. A5); «Québec suspend la fermeture de lits à l’hôpital de Lachine» (la Presse, 10 janvier 2013, p. A5); «Urgences débordées. Des opérations seront reportées pour libérer des lits» (la Presse, 18 janvier 2013, p. A5).

Un lit «fermé», pour le dire dans le jargon médical, n’est-ce pas un patient de moins ?

Remarque. En revanche, les civières, elles, ne sont jamais fermées. Poussées (ou pas) par des périsoignants, elles sont toujours prêtes à accueillir de nouveaux bénéficiaires.

Les douze néologismes du mercredi matin

Dans le monde du numérique. «Podcastiner : remettre au lendemain l’écoute d’une émission de radio» (Jean-Yves Duhoo, cité par @Jean_no).

Dans le monde du bling-bling. «Et, surtout, elles n’ont pas peur d’amener ce que j’appelle du “glumour” dans leur travail, c’est-à-dire un mélange de glamour et d’humour» (la Presse, 2 février 2013, cahier Maison, p. 7).

Dans le monde du voyage. «Après le “surbooking”, le “surluggaging” ? Une entrée de blogue de Lio Kiefer http://bit.ly/Uv5HXe» (@LeDevoir).

Dans le monde de l’âge d’or : «Des géronto-GPS pour boomers presbytes» (la Presse, 14 mai 2012, cahier Auto, p. 5).

Dans le monde de la musique : «La chanson Fuck You [de Bad Religion] est particulièrement “rentre-dedans” et défoulatoire» (la Presse, 26 janvier 2013, cahier Arts, p. 12).

Dans le monde numérique, bis et de l’alimentation. «Le #baguetting à l’Université de Montréal. #UdeM. #Montréal http://t.co/CdUPP8aG» (@uMontreal_news).

Dans le monde de l’alimentation (en quelque sorte), bis. «Les végésexuels sont ceux qui choisissent de n’avoir des relations intimes qu’avec des végétariens» (Radio-Canada, via @PimpetteDunoyer).

Dans le monde familial. «JPRosenczweig, pdt du trib. pour enfts de Bobigny: les enfts font les frais d’une société “adultocentrée@f_inter http://www.rosenczveig.com/» (@ademorel).

Dans le monde urbain. «Un projet de “vélorues” à l’étude» (la Presse, 9 janvier 2013, p. A6).

Dans le domaine de l’aptonymie et de la toponymie. «Se faire voler son chapeau à Latuque, #aptoponymie ? http://ow.ly/gW76g» (@ChroniquesTrad).

Dans le domaine de l’aptonymie, bis. «En passant, voulez-vous un “contraptonyme” ? Bureau de la Fédération de l’âge d’or à MTL est située… rue LAJEUNESSE» (@Ant_Robitaille). Autre exemple : Mme Samson, professeure de musique.

Dans le domaine du livre. Publier beaucoup, pour un écrivain, c’est souffrir de bibliorrhée, dit (disent) Marc Zaffran / Martin Winckler (p. 285 et 299).

 

Référence

Winckler, Martin et Marc Zaffran, «Alter et Ego sont dans un bateau», @nalyses, 8, 1, hiver 2013, p. 284-301. https://doi.org/10.18192/analyses.v8i1.847

Au sauna, dude

Chaleur sèche ou pas, l’Oreille est toujours tendue.

L’autre jour, au sauna, elle écoutait son fils cadet et un pote d’icelui disserter de leur vie scolaire.

Conclusion ? Swag tient toujours le haut du pavé. Yolo est connu. Genre reste fréquent (mais pas style). On aime beaucoup lol et trololol. Et dude constitue la formule d’interpellation par excellence : «Hey, dude, je sue.»

Ils ne connaissent toutefois pas encore le verbe dudoyer : «to address someone as “Dude”», pour reprendre la définition repérée par @emckean.

Cela viendra bien assez tôt.

 

[Complément du 12 juin 2014]

Dude est d’un emploi ancien au Québec. On le trouve dans une bande dessinée du journal la Patrie, «Les aventures de Timothée», le 3 décembre… 1904 : «Quoi est-ce qu’y veut ce dude là» (p. 13). Cette BD est reproduite dans Pierre Véronneau, «Introduction à une lecture de la bande dessinée québécoise, 1940-1910», Stratégie. Lutte idéologique, 13-14, printemps 1976, p. 59-75, p. 67.

Les treize néologismes du jeudi matin

Martin Winckler, Petit éloge des séries télé, 2012, couverture

Les gens s’intéressent vraiment à toutes sortes de choses. Ces choses, arrive un moment où il faut les (re)nommer.

Vous voulez «participer à la création d’une base de données scientifique à partir des millions de photos des plantes de l’herbier de Paris» ? Vous ferez partie des herbonautes.

Des gens de bon sens ont démontré depuis plusieurs années l’existence du sous-financement dans les universités québécoises, mais vous refusez de les croire ? «Pour les recteurs, il faut parler de sous-financement. Pour les étudiants, de “malfinancement”» (le Devoir, 17 janvier 2013, p. A8).

Vous pensez que l’opinion «littéraire» de Gildor Roy est de bien peu de poids ? Vous en aurez probablement contre la «gildorisation de la critique littéraire».

Vous trouvez que l’expression «Il n’y a pas de problème» est trop banale ? Préférez-lui «Ça n’existe même pas». Cela viendra de l’anglais : «OH [overheard] at Starbucks, new (to me) expression : “not even a thing” to mean “no problem”» (@foundhistory).

Vous aimez les séries télévisées et vous souhaitez bien les distinguer les unes des autres ? «Les épisodes de dramas durent en général une heure (publicité incluse); ceux des comedies, trente minutes. Le mot dramedy désigne les fictions hybrides, flirtant avec les deux genres. Ally McBeal (FOX, 1997-2002) et Sex and the City (HBO, 1998-2004) furent les premières associées à ce mot-valise que l’expression française “comédie dramatique”, une fois n’est pas coutume, traduit parfaitement» (Petit éloge des séries télé, p. 87).

Vous trouvez votre téléphone (phone) trop petit, mais votre tablette (tablet) trop grosse ? Optez pour la phablet.

Vous êtes un col bleu de la bonne ville de Québec et vous vous faites porter pâle au travail ? Attention ! Votre maire, Régis Labeaume, pourra se moquer de votre arénalose comme de votre zambonellose (le Devoir, 6 novembre 2012). La première maladie se terre dans les arénas; la seconde frapperait, du moins on peut le croire, les conducteurs de surfaceuses (Zamboni).

Vous regarderez le Super Bowl du 3 février, qui mettra un terme à la saison 2012-2013 de football américain ? Les frères Jim et John Harbaugh s’y affronteront. Ce sera donc le Super Baugh. (On voit aussi Har Bowl et Super Bro.)

Vous appelez l’être cher sweetheart ? Sur Twitter, pourquoi ne pas parler de tweetheart ? Cela fera plaisir à Oprah.

Amateur de Twitter, vous préférez ne plus parler de hashtag ? La Commission générale de terminologie et de néologie du gouvernement français vous propose (Journal officiel du 23 janvier 2013) de mettre mot-dièse à la place. (Au Québec, on a plutôt, et plus tôt, choisi mot-clic.) Si l’Oreille tendue se fie à ses abonnés sur Twitter, hashtag a encore de belles années devant lui.

 

Référence

Winckler, Martin, Petit éloge des séries télé, Paris, Gallimard, coll. «Folio 2 €», 5471, 2012, 116 p.