La clinique des phrases (ppp)

La clinique des phrases, logo, 2020, Charles Malo Melançon

(À l’occasion, tout à fait bénévolement, l’Oreille tendue essaie de soigner des phrases malades. C’est cela, la «Clinique des phrases».)

Soit la phrase suivante :

J’ai dans un livre proposé d’appeler ces autres facteurs l’ennemi intérieur […].

Ce «livre proposé» a de quoi étonner. Il aurait pourtant été simple de faire plus clair.

J’ai, dans un livre, proposé d’appeler ces autres facteurs l’ennemi intérieur […].

J’ai proposé, dans un livre, d’appeler ces autres facteurs l’ennemi intérieur […].

Dans un livre, j’ai proposé d’appeler ces autres facteurs l’ennemi intérieur […].

À votre service.

P.-S.—Donner le titre du livre ? Oui, ce n’aurait pas été plus mal.

Du sans-dessein

«Les sans-abri et les sans-dessein», titre, la Presse+, 23 janvier 2021

Lisant la Presse+ de samedi dernier, l’Oreille tendue a dû se rendre à l’évidence : sur son échelle de la bêtise, elle avait oublié le sans-dessein. Elle en rougit de tous ses lobes.

Le sans-dessein a pourtant sa place à côté de l’épais, du moron, du nono, du tarla, du toton, du twit, du deux de pique, du ti-coune, du ti-clin, du niaiseux, du niochon, du cave, de l’innocent et de l’insignifiant.

Définition de ce nom invariable dans le dictionnaire numérique Usito : «Personne irréfléchie, maladroite, stupide.» Le mot est attesté depuis 1894. Synonymes : idiot, épais, niaiseux. Pluriel selon les rectifications orthographiques : sans-desseins. (On notera que la Presse+ a choisi l’invariabilité.)

Exemple romanesque et adjectival, sans trait d’union : «son frère qu’elle trouvait sans dessein» (les Clefs du Paradise, p. 972).

En version plus vive : sans dess.

Collocation proposée par Pierre DesRuisseaux : «Être (un beau) sans-dessein» (p. 281).

 

Références

DesRuisseaux, Pierre, Trésor des expressions populaires. Petit dictionnaire de la langue imagée dans la littérature et les écrits québécois, Montréal, Fides, coll. «Biblio • Fides», 2015, 380 p. Nouvelle édition revue et augmentée.

Tremblay, Michel, les Clefs du Paradise, dans la Diaspora des Desrosiers, Montréal et Arles, Leméac et Actes sud, coll. «Thesaurus», 2017, 1393 p., p. 945-1099. Préface de Pierre Filion. Édition originale : 2013.

Les journalistes aussi

«Transparence totale», la Presse+, 27 novembre 2020

Dans une de ses aventures antérieures, l’Oreille tendue avait souligné combien la transparence était devenue chose essentielle chez les politiques.

Elle ne s’étonne pas de trouver la même exigence chez les journalistes, encore que certaine formulation lui paraisse poser problème. Dans le quotidien montréalais la Presse+, la transparence semble insuffisante; on s’y réclame régulièrement de la transparence totale.

On trouve l’expression chez plusieurs journalistes et chroniqueurs. Quelques exemples des deux dernières années (merci à Jean-Patrice Martel) : 16 décembre 2020, 27 novembre 2020, 16 septembre 2020, 27 avril 2019, 5 mars 2019.

Une demi-transparence, ou un quart de transparence, ou un tiers de transparence, serait-ce encore de la transparence ? Bref, pourquoi pas, plus simplement, transparence ?

Tant de questions, si peu de jours.

Le zeugme du dimanche matin et de John R. MacArthur

«L’égoïsme crapuleux qui déforme l’espace public aux États-Unis n’a pas débuté avec Trump à la Maison-Blanche; il en est le symptôme, et non pas la cause, qui, elle, remonte à l’attitude simpliste et anticivique de Ronald Reagan (lui-même comédien de profession et grand admirateur de l’archi-individualiste Margaret Thatcher) et au narcissisme extrême de Bill Clinton, qui courait les jupons et les dons de campagne avec à peu près le même enthousiasme.»

John R. MacArthur, «L’ancien régime», le Devoir, 7 décembre 2020.

 

(Une définition du zeugme ? Par .)

Synonyme du jour

Sound Icon / Icône du son

Soit la phrase suivante, tirée d’un quotidien montréalais : «Plusieurs restaurateurs sont sortis publiquement ces derniers temps pour lancer, justement, quelques idées simples et salvatrices sur la place publique. Et elles sont bonnes.»

On savait déjà qu’au Québec s’asseoir veut dire parler ou s’exprimer.

Sortir publiquement, c’est la même chose.