(Une définition du zeugme ? Par là.)
Autopromotion 303
En 2016 paraissait l’ouvrage suivant :
Lejeune, Philippe, Aux origines du journal personnel. France, 1750-1815, Paris, Honoré Champion, coll. «Les dix-huitièmes siècles», 189, 2016, 648 p. Ill.
L’Oreille tendue en rend compte pour H-France Review (volume 17, numéro 70, avril 2017) ici.
Mort aux complexes !
Depuis quelques mois, l’Oreille tendue s’est mise à la chasse à l’épithète décomplexé. Elle a même prédit que ce pourrait être un des mots de 2017. Allons-y voir de nouveau.
Qu’est-ce qui peut être décomplexé ?
Une personne, bien sûr.
Une ballerine (la Presse+, 1er mars 2017).
Mais, surtout, des choses moins tangibles.
Des confidences (le Devoir, 1er mars 2017, p. B8).
La diversité (en colloque universitaire).
Une entrevue (@hugopilonlarose).
La prononciation du mot fuck (le Devoir, 31 décembre 2016, p. E1).
Des «paroles extrêmes» (la Presse+, 31 décembre 2016).
Une société (la Presse+, 16 décembre 2016).
Un style (la Presse+, 4 novembre 2016).
Des poètes (le Devoir, 1er-2 octobre 2016, p. C8).
Une écriture (@recruedumois).
Arrêtons-nous pour l’instant à ces dix occurrences, continuons à tendre l’oreille et restons décomplexés. Il semble que ce soit bien.
[Complément du 6 septembre 2020]
Et une glande.
Entrée à saveur de lundi matin
À l’occasion (2009, 2010, 2011, 2013, 2014, 2015), l’Oreille tendue pratique un tri sélectif dans sa corbeille de à saveur, cette calamité québécoise.
L’expression peut être suivie par un nom.
«Moreau fait une offre finale à saveur d’ultimatum» (la Presse+, 24 février 2017).
«Kim Kardashian déclenche une controverse à saveur de médicament» (Radio-Canada, 7 août 2015).
«Une passe à saveur de jeu au sol» (Pierre Vercheval, Réseau des sports [RDS], 27 août 2015).
«Synode sur la famille : un revers à saveur de victoire pour le pape François» (le Devoir, 20 octobre 2014, p. A1).
«Une discussion à saveur Big Brother» (Marie-France Bazzo, Télé-Québec, 20 février 2014).
Le plus souvent, un adjectif fait l’affaire.
«Coup de circuit à saveur québécoise» (la Presse+, 17 octobre 2016).
«Une aventure fantastique à saveur québécoise par un auteur d’ici» (@QuebecBD).
«Environnement. Un début de mandat à saveur internationale» (la Presse+, 3 novembre 2015).
Un carnet Web «à saveur langagière» (le Devoir, 7 décembre 2003).
«une télé à saveur locale» (la Presse, 6 septembre 2013, cahier Affaires, p. 6).
Les épithètes en -ique sont particulièrement prisées.
«essais à saveur érotique» (le Devoir, 3-4 septembre 2016, p. F8).
«une fiction biographique à saveur psychanalytique» (le Devoir, 23-24 janvier 2016, p. F4).
«Mais de longs, longs textes, à saveur sociologique, ethnologique et journalistique» (la Presse, 5 décembre 2011, cahier Arts, p. 6).
«ses billets ironiques à saveur sociologique» (le Devoir, 19 août 2011, p. B10).
Stephen Harper en Colombie : «une visite à saveur économique» (Radio-Canada, 10 août 2011).
Ce qui est le plus souvent évoqué ? L’échéance électorale.
«Des millions à saveur électorale» (le Devoir, 28 juillet 2015, p. A2).
«Publicité à saveur électorale pour l’ex-ministre Penashue» (la Presse, 19 mars 2013, p. A14).
«Budget à saveur électorale à Washington» (la Presse, 13 février 2012, cahier Affaires, p. 4).
«Remaniement mineur à saveur électorale» (la Presse, 5 janvier 2011, p. A1).
«Déjà des pubs à saveur électorale» (la Presse, 23 mars 2011, p. A5).
À votre service.
Une nation ou deux ?
Dimanche soir, dans une mosquée de la ville de Québec, six hommes ont été assassinés. Comment les désigner ?
On a parlé de «musulmans». Beaucoup ont préféré dire qu’il s’agissait de «Québécois» ou de «Canadiens». Le premier ministre du Québec, à juste titre, évoque les «Québécois de confession musulmane» (la Presse+, 31 janvier 2017).
L’Agence France-Presse (AFP) utilise, elle, une expression inattendue : «Les six personnes tuées étaient toutes des Canadiens binationaux, a indiqué Mohamed Labidi, vice-président du Centre culturel islamique de Québec.» Sa dépêche a été reprise par plusieurs publications françaises et québécoises.
«Binationaux» ? L’adjectif étonne, vu du Québec : si l’on en croit la banque de données médiatique Eureka.cc, aucun média du Canada français n’a utilisé le mot pour désigner les victimes de l’attentat de Québec (sauf pour reprendre la dépêche de l’AFP).
On peut légitimement s’interroger sur son sens. Azzedine Soufiane vivait au Québec depuis près de trente ans. Khaled Belkacemi a obtenu deux diplômes de l’Université de Sherbrooke, l’un en 1986, l’autre en 1990, et il était professeur à l’Université Laval. Que voudrait dire «binationaux» dans leur cas ?
Voilà un adjectif qui en dit long sur la conception que l’on se fait, d’un côté et de l’autre de l’Atlantique, de la citoyenneté.
P.-S. — Merci à Clément Laberge et à Mélika Abdelmoumen d’avoir attiré l’attention de l’Oreille tendue là-dessus.
Hein?! https://t.co/I5hRLIuw6X
— Clément Laberge (@remolino) January 31, 2017