«La ruée vers l’or ne repose toutefois pas sur un processus d’élimination réputé pour rajouter du stress, de l’intérêt et des parts de marché aux BBM» («Le plan Grand Nord», le Devoir, 24 mars 2012).
(Une définition du zeugme ? Par là.)
« Nous n’avons pas besoin de parler français, nous avons besoin du français pour parler » (André Belleau).
«Agée de 20 ans, elle a terminé son secondaire à 18 ans. Elle admet que, depuis, elle a “fait du ski l’hiver et fait du surplace le reste du temps”.»
David Santerre, «Poker, ski et surplace. L’ex-copine de Jonathan Duhamel et ses coaccusés décrivent leur vie au juge», la Presse, 6 janvier 2012, p. A10.
(Une définition du zeugme ? Par là.)
Derrière les apparences se cachent parfois des choses troubles. Les journaux ne cessent de le répéter : là, c’est sombre.
«Le côté sombre de l’art public» (la Presse, 3 décembre 2011, cahier Arts, p. 20).
«Le côté sombre de Bobby Hull» (la Presse, 15 octobre 2011, cahier Sports, p. 3).
«Le côté sombre d’une grande actrice» (la Presse, 24 février 2011, cahier Arts et spectacles, p. 10).
«Le côté sombre de l’Ohio» (la Presse, 30 juillet 2010, cahier Arts et spectacles, p. 1).
«Le côté sombre d’une victoire» (le Devoir, 3 novembre 2009, p. A3).
«Le côté sombre du modèle» (la Presse, 6 décembre 2003, cahier Plus, p. 3).
«Le côté sombre de l’assiette» (la Presse, 20 juin 2009, cahier Cinéma, p. 6).
«Le côté sombre des Golden Globes» (la Presse, 21 janvier 2004, cahier Arts et spectacles, p. 1).
«Le “côté sombre” des nouvelles technologies» (la Presse, 15 mai 2006, cahier Auto, p. 5).
«Le côté sombre des nouvelles technologies» (le Devoir, 6 mai 2002).
«Le côté sombre de Stephen Harper» (le Devoir, 9 décembre 2008, p. A8).
Mais il n’y a pas que sombre. Il y a aussi obscur, négatif ou noir.
«Le côté obscur du cœur» (le Devoir, 21-22 août 2010, p. E7).
«Le côté obscur de Herbert Black» (la Presse, 26 novembre 2005, cahier Affaires, p. 1).
«Le côté obscur de Miami» (le Devoir, 29-30 juillet 2006, p. E5).
«Le côté obscur de Wall Street» (le Devoir, 15 septembre 2003).
«Le côté obscur de l’internet» (la Presse, 15 février 2010, cahier Affaires, p. 3).
«Le côté négatif de l’embourgeoisement» (la Presse, 21 novembre 2004, cahier Plus, p. 3).
«Le côté noir des femmes» (la Presse, 8 mars 2002).
Ce n’est pas rassurant tout ça.
En première page du cahier «Sports» de la Presse du 30 novembre, ceci : «Poolers. Des joueurs à acquérir. D’autres à se départir.»
N’aurait-il pas fallu écrire D’autres à se départir de ?
Charentaises et pyjama, l’Oreille tendue sort sur son balcon, en un doux samedi de novembre, en quête de son Devoir. Elle jette un coup d’œil aux grands titres, et elle a une montée de lait.
(Que les lecteurs non autochtones soient informés : la montée de lait québécoise désigne un état subit d’indignation. Qui a une montée de lait est offusqué, d’un coup, et le fait savoir, haut et fort.)
Pourquoi cette réaction de l’Oreille (un brin excessive, elle n’en disconvient pas) ? Parce qu’elle vient de lire le titre suivant, en haut de la première page : «Fred Pellerin, le dernier des Québécois ?» Que lui reproche-t-elle ? Ce qu’il laisse entendre implicitement du Québec.
D’une part, elle lui reproche de cultiver ce vieux discours canadien, puis canadien-français, avant d’être québécois, celui de la menace d’extinction des habitants du Québec, pauvre petit peuple / État / nation / province menacé(e) par les autres. Des curés du XIXe siècle au documentaire Disparaître de Lise Payette (1989) en passant par l’analyse répétée (et contradictoire) des données démolinguistiques montréalaises, la rengaine est toujours la même : on veut nous rayer de la carte. Si Fred Pellerin risque d’être le dernier des Québécois, c’est bien que les autres seraient en voie de disparition, non ?
D’autre part, de renvoyer à une définition essentialiste du «Québécois». Pourquoi «le Québécois» serait-il un conteur folklorique né à l’extérieur de Montréal ? Si on veut que le dernier spécimen autochtone de l’espèce en voie d’extinction vienne des «régions», pourquoi ne s’agirait-il pas plutôt d’une jeune fille née en Thaïlande et élevée dans le Bas-du-Fleuve, passionnée par Twilight ? On pourrait même imaginer ce spécimen — pourquoi pas ? — sous les traits d’un quinquagénaire montréalais (presque) chauve et non nationaliste, plus porté, en matière de culture, sur la Malaisie que sur Saint-Élie-de-Caxton. Certains Québécois seraient-ils plus «authentiques» que d’autres ?
L’Oreille n’a pas lu l’article coiffé de ce titre. À chaque jour suffit sa montée de lait.