Dictionnaire des séries 26

Quand sonne l’heure de la retraite, que fait un joueur de hockey ? Il n’accroche ni son bâton ni ses gants, mais ses patins.

les dieux sont rentrés dans leur temple
au clou de la renommée
ils ont accroché leurs patins
et le peuple fidèle vient admirer les reliques suspendues
(Bernard Pozier, «Postérité», p. 70)

J’ai débarqué, j’les ai accrochés
(Pierre Bertrand, «Hockey», chanson, 1978)

Accrocher ses patins pour n’être plus rien
Qu’un vendeur de bière ou un vendeur de char
(Robert Charlebois, «Champion», chanson, 1987)

C’pas à matin non qu’on accroche nos patins
(Loco Locass, «Le but», chanson, 2009)

Bon, c’est le temps de le rendre officiel ! On passe à la prochaine carrière. http://t.co/I2ox9Evc (@matdarche52)

Il y a un équivalent au football :

Brian Urlacher accroche ses crampons (le Devoir, 23 mai 2013, p. B6).

P.-S. — Dans un registre plus cru, John Burdett, parlant de prostituées «retraitées», écrit : «They hung up their tits […]

 

[Complément du 2 juin 2013]

Cela se pratique aussi en politique :

La députée libérale Lucienne Robillard a annoncé hier qu’elle accrochait ses patins politiques (le Devoir, 5 avril 2007).

Après Bill Graham, c’était au tour de l’ex-ministre libéral ontarien Jim Peterson d’accrocher ses patins politiques hier après-midi (le Devoir, 21 juin 2007).

 

[Complément du 6 décembre 2014]

Le ministre de la Santé du Québec, Gaétan Barrette, propose de modifier en profondeur les conditions de travail des médecins de la province. Réaction d’un de ceux-ci, dans le Devoir du 3 décembre : «Je songe à accrocher mes patins.»

 

[Complément du 12 mars 2018]

Selon Serge Bouchard, que fait un camionneur qui prend sa retraite ? «Le routier arrive un jour ou l’autre à ses derniers kilomètres, il doit “accrocher ses clés”, le pouvoir de la route lui échappe, l’envergure des voyages aussi» (les Yeux tristes de mon camion, p. 10).

 

[Complément du 31 octobre 2018]

Dans le cadre du concours Délie ta langue ! du Bureau de valorisation de la langue française et de la Francophonie de l’Université de Montréal, l’Oreille tendue dit quelques mots de cette expression.

https://www.youtube.com/watch?v=II5txUCQcPw

 

[Complément du 15 septembre 2024]

Dans la police ? «Le commandant Patrice Vilcéus accroche son képi après 30 ans au sein de la police montréalaise» (la Presse+, 25 septembre 2024).

 

[Complément du 5 février 2014]

Les 57 textes du «Dictionnaire des séries» — repris et réorganisés —, auxquels s’ajoutent des inédits et quelques autres textes tirés de l’Oreille tendue, ont été rassemblés dans le livre Langue de puck. Abécédaire du hockey (Montréal, Del Busso éditeur, 2014, 128 p., illustrations de Julien Del Busso, préface de Jean Dion, 978-2-923792-42-2, 16,95 $).

En librairie le 5 mars 2014.

Langue de puck. Abécédaire du hockey (Del Busso éditeur, 2014)

 

Références

Bouchard, Serge, les Yeux tristes de mon camion. Essai, Montréal, Boréal, coll. «Boréal compact», 303, 2017, 212 p. Édition originale : 2016.

Burdett, John, Vulture Peak. A Bangkok Novel, New York, Alfred A. Knopf, 2012. Édition numérique.

Pozier, Bernard, Les poètes chanteront ce but, Trois-Rivières, Écrits des Forges, coll. «Radar», 60, 1991, 84 p. Ill. Réédition : Trois-Rivières, Écrits des Forges, 2004, 102 p.

Dictionnaire des séries 25

Le Devoir, 23 mai 2013

«She knows ev’ry blooming sub that plays on the bench»
(Eugene Platzman, «Hockey», chanson, 1929)

«They rioted in the streets of Montreal
when they benched Rocket Richard»
(Jane Siberry, «Hockey», chanson, 1989)

 

Quand l’entraîneur, celui qui officie derrière le banc, décide, en plein match, de ne plus utiliser certains joueurs, on dit qu’il coupe son banc (voir ici).

Les joueurs alors laissés de côté sont réputés jouer sur le banc ou réchauffer le banc. Pire : ils sont cloués au banc. (Qui s’inspire de la langue de Don Cherry préférera le verbe, du 1er groupe, bencher.)

Tu v’nais m’voir jouer presque tout l’temps
Mais j’jouais pas souvent, j’réchauffais le banc
(Pierre Bertrand, «Hockey», chanson, dans Beau dommage, Passagers, 1978)

Quand, inversement, il y a trop de joueurs en même temps sur la glace, l’équipe fautive reçoit une punition de banc. (Ce n’est pas le seul cas où une punition de banc peut être décernée. Passons.)

L’entraîneur de l’équipe punie désigne alors un joueur qui ira s’asseoir au banc des punitions, même s’il n’a rien fait de répréhensible.

Tout joueur puni est d’ailleurs envoyé au cachot pour au moins deux minutes. Dans ce cachot, il y a donc un banc.

Quand j’entends parler de salaires de joueurs professionnels,
je me souviens que je n’ai jamais compris comment Maurice Richard avait pu marcher dans la publicité de Gracian Formula où, lui-même arbitre, il se fait donner un «deux minutes au banc» par un autre arbitre […] (Je suis né en 53…, p. 121).

On aura compris qu’il ne faut pas confondre banc et banc.

 

[Complément du 5 février 2014]

Les 57 textes du «Dictionnaire des séries» — repris et réorganisés —, auxquels s’ajoutent des inédits et quelques autres textes tirés de l’Oreille tendue, ont été rassemblés dans le livre Langue de puck. Abécédaire du hockey (Montréal, Del Busso éditeur, 2014, 128 p., illustrations de Julien Del Busso, préface de Jean Dion, 978-2-923792-42-2, 16,95 $).

En librairie le 5 mars 2014.

Langue de puck. Abécédaire du hockey (Del Busso éditeur, 2014)

 

Référence

Lefebvre, Michel, Je suis né en 53… Je me souviens, Montréal, Hurtubise HMH, coll. «amÉrica», 2005, 132 p.

Dictionnaire des séries 24

«C’est pas l’armée ni les pompiers ni la police
Qui m’empêcheront de voir Maurice»
Denise Filiatrault, «Rocket Rock and Roll», chanson, 1957

 

Les hommes de hockey n’ont probablement pas, du moins pour la majorité d’entre eux, lu l’Art de la guerre. Pourtant, le vocabulaire militaire leur vient naturellement.

Au football, on lance et on attrape, quand on ne les cueille pas, des passes et des bombes. Au hockey, les tirs des joueurs sont des boulets.

Duplessis admire le Rocket et envie un peu sa popularité. Il va le voir jouer le plus souvent possible. Il l’a invité quelques fois. Il lui a écrit des notes personnelles pour le féliciter de certains succès. […] Duplessis lance des mots qui pénètrent dans les consciences comme un boulet du Rocket dans le filet (le Rocket, p. 155).

Quand, à la suite d’une attaque en zone adverse, les joueurs reviennent dans leur propre territoire, on parle de repli défensif : il s’agit de résister à la contre-attaque de l’autre équipe. Les défenseurs sont d’ailleurs regroupés dans la brigade défensive, elle-même dirigée par un général à la ligne bleue.

Les compteurs sont des francs-tireurs, qui n’hésitent pas à armer un tir. Ils sont particulièrement utiles quand, pour départager deux équipes, on doit se rendre en fusillade. S’ils sont blessés, il leur faut retraiter au vestiaire.

Pendant qu’son corps partait au cimetière
Pour le grand repos éternel
Son âme retraitait au vestiaire
Pour enfiler la Sainte-Flanelle
(Mes Aïeux, «Le fantôme du Forum», chanson, 2008)

Du temps où ils jouaient au Forum de Montréal, les porte-étendards des Canadiens pouvaient lire une exhortation du militaire John McCrae dans «In Flanders Field» apparue sur les murs du vestiaire au mitan du XXe siècle : «Nos bras meurtris vous tendent le flambeau, à vous toujours de le porter bien haut» («To you from failing hands we throw / The torch; be yours to hold it high»). Cette citation, en français d’un côté, en anglais de l’autre, orne encore aujourd’hui les murs du vestiaire de l’équipe locale au Centre Bell, l’ex-Centre Molson, et ceux de son centre d’entraînement à Brossard; on peut la voir ici.

Pour prévoir les stratégies à utiliser contre une équipe qu’on va bientôt rencontrer, il est normal d’envoyer un éclaireur l’épier.

À défaut de pouvoir protéger une position, il importe de savoir protéger une avance.

Le sport a une longue et vivace tradition guerrière.

P.-S. — Le 2 février 2011, l’Oreille tendue avait un long texte sur les bras meurtris et le flambeau qu’ils portent.

 

[Complément du 5 février 2014]

Les 57 textes du «Dictionnaire des séries» — repris et réorganisés —, auxquels s’ajoutent des inédits et quelques autres textes tirés de l’Oreille tendue, ont été rassemblés dans le livre Langue de puck. Abécédaire du hockey (Montréal, Del Busso éditeur, 2014, 128 p., illustrations de Julien Del Busso, préface de Jean Dion, 978-2-923792-42-2, 16,95 $).

En librairie le 5 mars 2014.

Langue de puck. Abécédaire du hockey (Del Busso éditeur, 2014)

 

Référence

Carrier, Roch, le Rocket, Montréal, Stanké, 2000, 271 p. Réédition : le Rocket. Biographie, Montréal, Éditions internationales Alain Stanké, coll. «10/10», 2009, 425 p. Version anglaise : Our Life with the Rocket. The Maurice Richard Story, Toronto, Penguin / Viking, 2001, viii/304 p. Traduction de Sheila Fischman.

Dictionnaire des séries 23

Caricature, d’André-Philippe Côté, dans la Presse du 21 mai 2013 (p. A16) : Marc Bergevin, le directeur général des Canadiens de Montréal, et Michel Therrien, leur entraîneur, se trouvent devant une rangée de joueurs tous de la même taille, dont l’uniforme porte le mot «Recrue»; derrière ces joueurs, un mastodonte. Titre de la caricature : «Repêchage, que fera le Canadien ?». Commentaire de Therrien : «Cette année, il faudrait faire le bon choix !».

Traduction libre : les Canadiens ont été éliminés des séries d’après-saison de la Ligue nationale de hockey par les Sénateurs d’Ottawa parce que leurs joueurs sont trop petits. Cela doit changer.

Morale : les Canadiens doivent se grossir, aller chercher un gros bonhomme, de pas se contenter des petites pestes. Ils ne pourront toutefois pas le faire en recrutant John Scott, qui restera l’an prochain où il est actuellement, avec les Sabres de Buffalo : «Les Sabres ont embauché Scott sur le marché des joueurs autonomes l’été dernier afin d’ajouter du poids et du caractère à la formation» (la Presse, 21 mai 2013, cahier Sports, p. 6; l’Oreille tendue souligne).

Sur la glace, tout serait donc affaire de gabarit.

P.-S. — Il arrive à l’Oreille de se sentir vieille. À une époque, il existait une recette éprouvée pour grossir son équipe : y ajouter du bœuf de l’Ouest. Ni cette expression (qui renvoyait à la géographie de l’élevage bovin au Canada) ni la réalité qu’elle aurait révélée (les joueurs de l’ouest du Canada auraient été plus costauds que ceux de l’est) n’ont plus guère d’écho.

 

[Complément du 21 mai 2017]

L’Oreille tendue, dans la Presse+ du 19 mai, découvre l’expression au pluriel : «L’époque des bœufs de l’Ouest est révolue […].» Elle ne la connaissait pas.

 

[Complément du 10 octobre 2020]

Léandre Normand emploie l’expression dans sa biographie du Pocket Rocket, mais avec guillemets : «Henri Richard a établi des records de longévité et d’endurance malgré son petit gabarit. Il est l’exemple parfait à l’encontre de ceux qui prédisent périodiquement la disparition des petits joueurs au profit des “bœufs de l’Ouest”» (p. 227).

Richard, Denis, en collaboration avec Léandre Normand, Henri Richard. La légende aux 11 coupes Stanley, Montréal, Éditions de l’Homme, 2020, 234 p. Préface de Ronald Corey. Avant-propos de Léandre Normand.

 

[Complément du 5 février 2014]

Les 57 textes du «Dictionnaire des séries» — repris et réorganisés —, auxquels s’ajoutent des inédits et quelques autres textes tirés de l’Oreille tendue, ont été rassemblés dans le livre Langue de puck. Abécédaire du hockey (Montréal, Del Busso éditeur, 2014, 128 p., illustrations de Julien Del Busso, préface de Jean Dion, 978-2-923792-42-2, 16,95 $).

En librairie le 5 mars 2014.

Langue de puck. Abécédaire du hockey (Del Busso éditeur, 2014)

Dictionnaire des séries 22

Forum de Montréal (1924)

Où joue-t-on au hockey ?

Réponse la plus évidente : dans un aréna (au masculin). «Pour tous les p’tits matins passés à l’aréna d’quartier» (Vilain Pingouin, «Les Habitants (GO Habs GO !)», chanson, 2009).

Réponse romaine : dans un amphithéâtre. «Et lorsque ses mains traduisent chaleureusement son enthousiasme, c’est son intelligence davantage encore, qui de l’amphithéâtre obscur à la patinoire illuminée, salue une sœur complice dans son moment d’apothéose et de gloire» (Louis Chantigny, 1974, cité dans Maurice Richard. Album souvenir, p. 93-94).

Réponse poétique : dans une enceinte. «et un peu partout dans l’enceinte / l’odeur du passé» (Bernard Pozier, «Aréna», p. 35).

Réponse religieuse : dans la Mecque du hockey (le Forum, devenu le Centre Molson, puis le Centre Bell; plus généralement, Montréal). «L’édifice reste la Mecque du hockey, son locataire reste la Sainte Flanelle et flottent un peu partout les fantômes du Forum» (Jean Dion, «Plus grand que nature»).

Tout bien considéré, peu importe. C’est sur la glace (sur la patinoire) que les matchs se gagnent.

 

[Complément du 5 février 2014]

Les 57 textes du «Dictionnaire des séries» — repris et réorganisés —, auxquels s’ajoutent des inédits et quelques autres textes tirés de l’Oreille tendue, ont été rassemblés dans le livre Langue de puck. Abécédaire du hockey (Montréal, Del Busso éditeur, 2014, 128 p., illustrations de Julien Del Busso, préface de Jean Dion, 978-2-923792-42-2, 16,95 $).

En librairie le 5 mars 2014.

Langue de puck. Abécédaire du hockey (Del Busso éditeur, 2014)

 

Illustration : Forum de Montréal, 1924, collection du Musée McCord, photo déposée sur Wikimedia Commons

 

Références

Dion, Jean, «Plus grand que nature», le Devoir, 29 mai 2000, p. A1-A10.

Lamarche, Jacques, Maurice Richard. Album souvenir, Montréal, Guérin, 2000, 133 p. Ill.

Pozier, Bernard, Les poètes chanteront ce but, Trois-Rivières, Écrits des Forges, coll. «Radar», 60, 1991, 84 p. Ill. Réédition : Trois-Rivières, Écrits des Forges, 2004, 102 p.

Vilain Pingouin, «Les Habitants (GO Habs GO !)», 2009, 3 minutes 6 secondes, fichier audionumérique. http://www.youtube.com/watch?v=0JkZkMQyPeo