Le 16 septembre, à l’émission Dessine-moi un dimanche de la radio de Radio-Canada, à laquelle l’Oreille collabore à l’occasion, on a pu entendre parler d’arguments ad populum et d’arguments ad misericordiam. Plus tôt cette année, il y avait été question de reductio ad Hitlerum et de reductio ad Prattum.
Le docteur Duguay du roman Arvida de Samuel Archibald «aimait saupoudrer du latin un peu partout dans ses phrases», par exemple felis concolor couguar (2011, p. 57). Six des chants poétiques de Toute l’œuvre incomplète de François Hébert comportent des mots dans cette langue : «C’est du latin, ici point incongru» (2010, p. 142).
Nulla dies sine linea, affirme un personnage de Vie et mort d’Anne-Sophie Bonenfant de François Blais (2009, p. 237). Dans Tiroir no 24 de Michael Delisle, c’est Ave Maria gratia plena qui remonte du passé (2010, p. 21). Hope, dans Tarmac de Nicolas Dickner, souffre d’amenorrhoea mysteriosa, «une “inexplicable absence de menstruation”» (2009, p. 98). Un personnage du Ciel de Bay City de Catherine Mavrikakis hurle, «en polonais et en latin, une variante de vade retro Satanas» (2008, p. 77).
L’Oreille tendue elle-même ne dédaigne pas, à l’occasion, de montrer son intérêt pour les langues anciennes. Aux Presses de l’Université de Montréal, elle a fondé une collection appelée «Socius» et elle a publié, de Jean-François Cottier, un petit ouvrage intitulé Profession latiniste. Il lui est aussi arrivé, à Dessine-moi un dimanche, de s’emmêler les pinceaux en essayant de montrer sa connaissance de certaines phrases usuelles dans la langue de Cicéron.
Dans la langue de tous les jours, du moins au Québec, la popularité de versus ne se dément pas.
Pourquoi aborder cette question aujourd’hui ? Parce que le Devoir des 15-16 septembre faisait paraître un cahier spécial «Éducation. Écoles privées». Publicité de l’Académie Sainte-Thérèse : «L’éducation totale. Quo non ascendet» (p. G3). Publicité du Collège de Montréal : «Programme de concentration artistique artis magia» (p. G10).
Qui a dit que le latin était une langue morte ?
P.-S. — À une époque, il y avait même du latin aux murs du vestiaire des Canadiens de Montréal (c’est du hockey). Ça ne paraît plus être le cas.
Références
Archibald, Samuel, Arvida. Histoires, Montréal, Le Quartanier, coll. «Polygraphe», 04, 2011, 314 p. Ill.
Blais, François, Vie d’Anne-Sophie Bonenfant. Roman, Québec, L’instant même, 2009, 241 p.
Cottier, Jean-François, Profession latiniste, Montréal, Presses de l’Université de Montréal, coll. «Profession», 2008, 66 p. Ill.
Delisle, Michael, Tiroir no 24, Montréal, Boréal, 2010, 126 p.
Dickner, Nicolas, Tarmac, Québec, Alto, 2009, 271 p. Ill.
Hébert, François, Toute l’œuvre incomplète, Montréal, l’Hexagone, coll. «Écritures», 2010, 154 p.
Mavrikakis, Catherine, le Ciel de Bay City, Montréal, Héliotrope, 2008, 291 p.