Oui 002

Patrick Roy, la Ballade de Nicolas Jones, 2010, couverture

S’il y a mettez-en, c’est qu’il y a mets-en.

Soit la phrase suivante, tirée du journal la Presse : «Blues Gitan ? Mets-en !» (12 décembre 2003, cahier Arts et spectacles, p. 10). Traduction : oui, en plus fort.

Le même mets-en se trouve chez des écrivains contemporains.

Voir le Dégoût du bonheur (2001) de Mélika Abdelmoumen :

— Je sais. Je raisonne comme une comptable. C’est terrible.
— Mets-en ! (p. 170)

Voir aussi, plus récemment, la Ballade de Nicolas Jones (2010) de Patrick Roy :

«Mets-en», dit-il en souriant, puis il verrouille doucement (p. 87).

Avant eux, dès 1990, Réjean Ducharme, ce romancier à l’oreille si fine, connaissait-il déjà l’expression ? Il écrit :

Tout plein tout plein ? Mets-en mets-en !… (p. 87)

Ce ne serait pas étonnant. Voilà pourquoi, entre autres raisons, il faut périodiquement rouvrir les livres de Ducharme.

P.-S. — Pourquoi ce titre («Oui 002») ? C’est qu’il y eut, il y a jadis naguère, un Oui 001.

 

Références

Abdelmoumen, Mélika, le Dégoût du bonheur, Montréal, Point de fuite, 2001, 174 p.

Ducharme, Réjean, Dévadé. Roman, Paris et Montréal, Gallimard et Lacombe, 1990, 257 p.

Roy, Patrick, la Ballade de Nicolas Jones. Roman, Montréal, Le Quartanier, coll. «Polygraphe», 01, 2010, 220 p.

Tatou et tatou

Sandra Gordon, les Corpuscules de Krause, 2010, couverture

Si les Québécois aiment bien leur tatou, ce n’est pas par zoophilie. Ils n’ont pas d’attirance particulière — ni de dégoût — pour ce «Mammifère d’Amérique (édentés), cuirassé de plaques cornées disposées en bandes articulées» (le Petit Robert, édition numérique de 2010). Le tatou, dans la langue populaire — mais pas seulement — québécoise désigne un tatouage, cela après avoir transité par l’anglais tattoo.

Démonstration en double registre dans le roman les Corpuscules de Krause de Sandra Gordon (2010). Le narrateur : «Le tatouage de Lucie s’étalait sous la lumière crue d’une soixante watts dépourvue de réflecteur» (p. 86). Le personnage principal : «À chaque matin je zyeute mon tatou pis je le trouve beau» (p. 198).

L’Oreille tendue est la première à s’en étonner : c’est la cinquième fois qu’elle parle de tatouage (numérique, ethnique, musical, sportif). Elle en profite pour signaler que la boutique d’une banlieue montréalaise affichant, en vitrine, «V.I.P. tattoo» a pondu un bel oxymore, certes involontaire.

 

Référence

Gordon, Sandra, les Corpuscules de Krause. Roman, Montréal, Leméac, 2010, 237 p.

Citation non euphémisante du jour

Code-barres, 1, hiver-printemps 2011, couvertureL’Oreille tendue a déjà eu l’occasion de déplorer la généralisation du verbe décéder. Pierre Popovic met en poème cette euphémisation de la mort.

«[…]
Nous mourons emportés mais incapables de colère
Étonnés que l’autre soit mort avec euphémisme
Et qu’il sera décédé se sera éteint aura disparu aura expiré aura mal fini
Aura péri aura passé aura trépassé aura péri
Au péril de sa vie sera parti aura été ad patres
Aura perdu la vie sera descendu dans la tombe
Aura tout rendu, l’âme, le dernier soupir, l’esprit
Aura fermé les yeux aura fini ses jours et surtout le dernier
Aura été rappelé par Dieu quoique cela ne soit plus de mode
Aura calanché clamecé claqué crevé une fois pour toutes
Aura cassé son extrait de naissance et avalé sa pipe
Aura passé l’arme à gauche entre autre planches les pieds devant
Oui, lui ne sera mort qu’une fois, aura mouru et sera mort et bien mort
[…]»

Pierre Popovic, «Cérémonial pour un massacre», Code-barres, 1, hiver-printemps 2011, p. 30-33, p. 33.