En lisant François Bon

François Bon, l’Incendie du Hilton, 2009, couverture

Les concitoyens de l’Oreille tendue reconnaîtront sans mal la ville où se déroule le plus récent roman de François Bon, l’Incendie du Hilton. Il n’est pas sûr, en revanche, qu’ils en reconnaissent les dessous. (À eux de le lire. L’Oreille le leur recommande.)

S’agissant du Québec et de sa langue, trois choses l’y frappent.

Un verbe, d’abord : «tes insomnies, ton fichu compte en banque et tes projets qui te foirent dans les mains, l’inutilité de tout ça, ton découragement» (p. 66). Autour de l’Oreille, on dirait plutôt faire dans les mains. Par exemple : «Mais là, la femme de ménage vient de lui faire dans les mains. Alors, c’est la panique» (la Presse, 5 octobre 2000). À la limite : foirer (tout court).

Un substantif, ensuite, dont FB a saisi l’usage obsessif qui en est fait au Québec : salon (comme dans Salon du livre). On en compte douze échantillons aux pages 181-182.

Finalement, une marque de commerce : «Le monde du dollar» (p. 167). Définition ? Entre parenthèses : «sorte de bazar à pas cher». L’Oreille aime.

 

Référence

Bon, François, l’Incendie du Hilton. Roman, Paris, Albin Michel, 2009, 182 p.

P.-S. — Ce «bazar à pas cher» a plusieurs incarnations, outre «Le monde du dollar». En voici deux.

Magasin Dollarthèque, chemin de la Côte-des-Neiges, Montréal, 6 septembre 2009

Boutique Dollarama, rue Sainte-Catherine, Montréal, 6 septembre 2009

Leçon anthropologique à tirer de cet intérêt pour les boutiques à camelote ?

Retard du blogueur non tatoué

Toute contente, hier, de découvrir, à l’émission de radio Citoyen numérique de Michel Dumais, l’expression «tatouage des fichiers», dans la bouche de Gilles Herman des Éditions du Septentrion. Quelle jolie expression !

Par acquit de conscience, l’Oreille tendue jette un coup d’œil au Grand dictionnaire terminologique de l’Office québécois de la langue française. Déception : elle y est.

Tatouage numérique : «Technique de marquage qui consiste à insérer une signature invisible et permanente à l’intérieur des images numériques transitant par les réseaux, tel Internet, afin de lutter contre la fraude et le piratage et d’assurer la protection des droits de propriété intellectuelle.»

Le mot existe en ce sens depuis… 1999.

Selon le GDT, le tatouage numérique, ou filigranage numérique, ou marquage numérique, est seulement affaire d’image ou de «document audiovisuel numérique». En fait, désormais, on l’emploie aussi pour les fichiers textuels; il faudrait le préciser.

Maigre consolation.

Le message ne passait plus

Motif fréquent de congédiement d’entraîneur dans le sport professionnel. Ne s’emploie que dans un sens : du haut vers le bas, du chef vers ses employés. Exemple : «Il semble que le message n’ait pas passé, comme ils disent dans les arénas» (la Presse, 8 juillet 2009, Sports, p. 6).

Du temps où il était entraîneur, on a pu utiliser ce motif pour expliquer le sort réservé à Jacques Demers. Ça ne risque pas de lui arriver au Sénat, où il a un contrat garanti (pour rester dans le jargon sportif) de dix ans.

Heureuseté

Gravure représentant Louis-Sébastien Mercier

En 1994, Jean-Claude Bonnet nous avait donné les éditions de référence du Tableau de Paris et du Nouveau Paris (Paris, Mercure de France) de Louis Sébastien Mercier (1740-1814). En 1999, c’était Mon bonnet de nuit suivi de Du théâtre (Paris, Mercure de France), puis, en 2005, Songes et visions philosophiques (Houilles, Manucius).

Chez Belin (Paris), il vient de faire paraître la Néologie (1801). Pierre Assouline donne quelques exemples des inventions de Mercier, dans son blogue, en date du 28 juillet 2009 : dévotieux, exulcérer, heureuseté, joculateur, s’obombrer.

 

Référence

Mercier, Louis Sébastien, Néologie, Paris, Belin, coll. «Littérature et politique», 2009, 596/xxxvii p. Ill. Texte établi, annoté et présenté par Jean-Claude Bonnet. Édition originale : 1801.

Parlons geek

Excellentes capsules linguistiques, par Pedro Rafael Rosado, dans le cadre de Tech Talk, l’émission baladodiffusée hebdomadairement par le New York Times. Un mot du vocabulaire informatique y est expliqué chaque semaine : «And now it’s time fot the NYT Tech Talk term of the day, where we explain the geek speak, nerd words and communications jargon you may encounter on the Internet