De la germaine

Dans la faune québécoise, une espèce nouvelle est apparue : la germaine.

Qu’est-ce qu’une germaine ?

Le journal la Presse propose la définition suivante : «Dans un couple, la Germaine, c’est elle qui gère et qui mène. D’où son surnom : Germaine» («La Germaine d’Occupation double encaisse son 4 %», 2 décembre 2008, cahier Arts et spectacles, p. 3).

Plus largement, c’est une forte femme, qui aime prendre des initiatives, être aux commandes, conduire plutôt que suivre. Si son efficacité ne laisse aucun doute, on ne peut pas toujours en dire autant de ses qualités en matière de relations interpersonnelles. La germaine ne recule pas, quels que soient les obstacles.

Quels sont les deux verbes préférés de la germaine ?

Opérer. La germaine opère. C’est une fonceuse, une proactive plus que proactive, une de celles qui font ce qu’il faut pour obtenir ce qu’elles veulent, et qui le font vite. Qui opère n’aime pas perdre son temps.

Regarder. Ce verbe, toujours à la deuxième personne du présent de l’impératif, introduit un éclaircissement (je vais t’expliquer), qui devrait être inutile (puisqu’il le faut), doublée d’une menace (mais t’as intérêt à comprendre). Par aphérèse, on entend aussi ’garde.

Exemple :

Heye, t’es une vraie germaine, toé ! T’opères !
’Garde, là : j’chus là pour ça.

Remarque : le mot n’existe qu’au féminin; il n’est pas de germain.

 

[Complément du 26 août 2019]

Le mot est passé dans la langue populaire depuis un certain temps déjà, mais certains, tel Patrick Émiroglou dans Salut l’écrivain ! (2019), hésitent encore à l’utiliser librement : «Il faisait ressortir la “Germaine” en moi, ce que je détestais plus que tout !» (p. 80)

 

[Complément du 23 février 2021]

Se trouve aussi en position adjectivale : «Le gars un peu gnochon avec la fille germaine, Laurent Paquin n’en avait pas envie pour sa série de capsules humoristiques intitulée Je t’aime, sur ICI Tou.tv» (la Presse+, 22 février 2021).

 

[Complément du 1er juin 2021]

On voit aussi la graphie gère-mène, par exemple dans la pièce de théâtre documentaire Tout inclus de François Grisé (2021, p. 44).

 

Références

Émiroglou, Patrick, Salut l’écrivain !, Montréal, Del Busso éditeur, 2019, 167 p. Ill.

Grisé, François, Tout inclus. Tome 1, Montréal, Atelier 10, coll. «Pièces», 26, 2021, 122 p. Ill. Précédé d’un «Mot des dramaturges». Suivi de «Contrepoint. La ruée vers l’or gris : risques et rentabilité», par Anne Plourde.

L’art d’être grand-père

Les photos ont fait le tour du monde : une jeune Brésilienne participe au sommet du G8 en Italie.

Le Devoir d’aujourd’hui commente, mais sur deux registres, un par photo.

En première page, pour la photo de Reuters, on joue sur le fripon, sous le titre «Accord franco-américain» : «La marche est haute vers le sommet du monde et le chemin, semé d’embûches de toutes sortes. C’est sous l’œil torve et l’attention enjouée de deux très importants présidents, l’un français, l’autre américain, que la jeune déléguée brésilienne du Sommet junior a rejoint celui de son pays, le président Lula da Silva, sur le podium […]» (p. A1).

En dernière page du premier cahier, pour la photo de l’Agence France-Presse, on fait dans le familial : «Comme un grand-père bienveillant, le président du Brésil, Lula da Silva, entraîne de sa main protectrice une des jeunes déléguées de son pays au Sommet junior 8» (p. A10).

Ils ont «l’œil torve»; il a la «main protectrice». Une photo ne vaut pas toujours mille mots.