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L’Encyclopédie de la Francophonie publie un texte de Marc Chevrier intitulé «La fatigue linguistique de la France». Inquiet, l’auteur s’interroge sur la «langueur» de la langue française dans le monde, sur l’«anglomanie» hexagonale, sur l’«anglo-massification» de l’Europe. Il évoque l’«euroglish triomphant», le «globisch» et le «globalesisch» aussi bien que le «denglisch», ce mélange d’anglais et d’allemand.

Le jour où l’Oreille tendue découvre cet article numérique, le Devoir publie un reportage de Guy Taillefer sur les relations de l’anglais et de l’hindi en Inde, et notamment sur cet hybride qu’est l’«hinglish» (3 mai 2010, p. B31-B2).

La veille, c’était le New York Times qui s’intéressait au «chinglish». Certains — à Shanghai ou à Pékin — mènent un combat «for linguistic standardization and sobriety» : ce sont des «Chinglish slayers» qui s’en prennent aux «Chinglishisms», ces traductions maladroites (et souvent aussi approximatives qu’hilarantes) du chinois vers l’anglais. D’autres, en revanche, sont plus pacifiques et souhaitent que la liberté linguistique — même inconsciente — continue à avoir droit de cité; la normalisation n’est pas pour eux.

Marc Chevrier en a sans aucun doute contre l’appauvrissement du multilinguisme, mais il ne me semble pas qu’il irait jusqu’à promouvoir la création d’une «Commission for the Management of Language Use» comme il en existe une dans la ville qui accueille depuis quelques jours l’exposition universelle.

La police (de la langue) n’a pas toujours bonne presse.

Souche et souches

Le mot est passé dans l’usage : il y aurait les Québécois de souche, et les autres. Devenu courant, on peut (enfin) l’utiliser avec distance.

C’est ce qui permet aux Cowboys fringants de chanter «Je suis un Québécois de souche / J’ai une fleur de lys tatouée s’a bouche.»

C’est ce qui permet à une collègue, d’origine européenne, mariée à un Américain, vivant à Montréal, d’appeler son chat La Souche; c’était le seul autochtone de la maison.

C’est ce qui permet à Carla Beauvais de lancer le magazine féminin Souche, «un nouveau magazine qui s’adresse aux femmes âgées entre 25 et 40 ans issues des communautés culturelles», dixit la Presse du 28 avril 2010 (cahier Arts et spectacles, p. 3).

Les souches ne sont plus ce qu’elles étaient.

 

[Complément du 26 octobre 2015]

Certains préfèrent néanmoins ne pas employer de souche : «Cette radio censée couvrir la grande région métropolitaine cosmopolite et multigénérationnelle semble plutôt monopolisée par des mâles “souchiens” d’un certain âge» (le Devoir, 26 octobre 2015, p. B8). Sur le plan de l’euphonie («sous-chien» ?), ce n’est pas tout à fait ça.

 

Référence

Les Cowboys fringants, «Québécois de souche», Motel Capri, 2001.

À 50 % ?

Il y a de plus en plus d’utilisateurs d’Internet qui se branchent au réseau à partir de leur téléphone mobile. L’Oreille tendue a déjà eu l’occasion de dire un mot de ces mobigoinfres.

La Presse du 20 avril décrit les mobinautes (cahier Arts et spectacles, p. 1 et 4).

Le Petit Robert (édition numérique de 2007) parle d’appareil nomade («objet de taille réduite qui permet la consultation, l’échange d’informations sans être relié à une installation fixe [téléphones, ordinateurs portables, agendas, répertoires électroniques…]») et de travailleur nomade («qui utilise ce type de technologie pour travailler en toute circonstance, lors de ses déplacements»).

Jusque-là, l’Oreille suit. (Et elle en est.)

Comble de raffinement : l’arrivée du iPad d’Apple lui permet d’apprendre l’existence d’une nouvelle catégorie, ni uniquement devant son ordinateur (internaute), ni seulement son cellulaire à la main (mobigoinfre, mobinaute, travailleur nomade), mais un mélange des deux, le half-nomad.

On pourrait donc être nomade à moitié ?

Exercice de traduction

L’informatique nous a donné nombre de mots en –ware.

On fait tourner du software (logiciel) sur son hardware (matériel). Un logiciel truffé de fonctionnalités inutiles pour la plupart de ses utilisateurs est un bloatware (boufficiel). Le logiciel annoncé mais pas encore livré ? Du vaporware (fumiciel).

Pedro Rafael Rosado consacre sa chronique du 14 avril du podcast Tech Talk à un terme utile : le crapware, le logiciel de merde.

De quoi s’agit-il ? Rosado emprunte la définition suivante à about.com :

Crapware is software that is bundled with a new PC or other software package that the user is not fully aware that they are installing. It usually consists of poor quality utilities, games, toolbars and other useless software. Crapware authors will present confusing or cluttered installation screens that have the unwanted software scheduled to be installed by default or installed automatically. Crapware is usually not malicious and therefore not considered malware.

Adaptation libre : sans vous demander votre avis, on essaie de vous fourguer des logiciels de piètre qualité. Ils ne sont pas dangereux (malware), mais ils vous emmerdent.

Traduction ?

P.-S. — C’est évidemment plus fréquent sur Windows que sur Mac.