Chronique gastronomique estivale

La Presse de samedi leur consacrait un reportage sur deux pages (2 juillet 2011, cahier Affaires, p. 2-3).

Ils s’appellent Chez Ben on s’bourre la bédaine (Granby), Henri la patate (Joliette) ou Chez Roger (Farnham). Quiconque voudrait y consacrer plus de temps qu’elle ne le souhaite elle-même pourrait trouver dans les branches basses de l’arbre généalogique de l’Oreille tendue un parent éloigné surnommé Mononc’ la patate.

Il s’agit d’une forme de restauration populaire au Québec (il y aurait des milliers de pareils restaurants, mais personne n’a jamais fait leur décompte). Ses caractéristiques ? Ces établissements — cantines, casse-croûte ou roulottes à patates — sont ouverts surtout l’été, ils sont situés hors des grands centres, le plus près possible (littéralement) d’un axe routier, ils ont souvent une dimension artisanale, leur budget de décoration est inexistant. Leur menu est résolument non santé : frites — graisseuses, dans le meilleur des cas —, poutines, hamburgers et hot-dogs, pogos, guedilles (ou guédilles). Les plus élaborés jouxtent un bar laitier — également nommée crèmerie —, histoire de rafraîchir (crème glacée oblige, molle ou dure) leur clientèle. C’est une forme de restauration rapide; elle n’a pourtant rien à voir avec les grandes chaînes, de McDonald à Quick, leurs menus standardisés et leur propreté calibrée. Les Américains parlent de «greasy spoon», mais cela ne rend pas la dimension saisonnière de ce type de cuisine de route (comme on dit cuisine de rue).

Pour appâter ses lecteurs, la Presse parle d’«incontournables de la gastronomie québécoise» (p. 1). C’est probablement vrai, encore que ce genre de péché, évidemment véniel, gagne à rester secret.

 

Référence

Théoret, Charles-Alexandre, Maudite poutine ! L’histoire approximative d’un plat populaire, Montréal, Héliotrope, 2007, 160 p. Photos de Patrice Lamoureux.

Mon royaume pour un a

Affiche fautive de restaurant, New York, 2011

Retour de New York, l’Oreille tendue se souvient qu’elle y a entendu pas mal de français (et de Français), notamment dans le domaine de l’alimentation : Au Bon Pain, Le Pain Quotidien, Pret A Manger. Les Américains en auraient-ils fini avec la transformation des French Fries en Freedom Fries ? Cela semble être le cas.

On pourrait cependant espérer que ce retour en grâce ne se fasse pas au détriment de l’orthographe.

Perplexité culinaire, bis

Soit la mention «Saveur simulée» sur les deux sacs ci-dessous.

Emballages de croustilles Lays, 2011

Le consommateur doit-il penser qu’il existe une telle chose qu’une saveur naturelle de chips au ketchup ou de chips aux cornichons à l’aneth ?

On serait étonné à moins.

P.-S. — La première «perplexité culinaire» de l’Oreille tendue date du 5 novembre 2009. Elle n’est pas moins troublante que celle-ci.

L’eau à la bouche

Les critiques gastronomiques sont des poètes. Quand ils se doublent d’experts en décoration, on en redemande.

Exemple tiré de la Presse du 26 février, cahier Gourmand, p. 4, s’agissant d’un restaurant montréalais, le Lawrence.

La Presse avait déjà parlé de la «déco rétro-saxonne» de l’endroit (9 décembre 2010, cahier Affaires, p. 10). Maintenant, sous le titre «Au-delà du néo-rustique», on précise : les tenanciers du Lawrence viennent du Sparrow, dont ils ont conservé «l’ambiance vaguement rétro», «mais le style néo-britannique façon gastro-pub de la déco n’y est plus». Plus avant dans la description, on découvre que l’ambiance est désormais «romantique sur fond post-industriel»; bref, un «style pub moderne». Voilà qui rassure.

Qui fréquente ce gastro-pub «d’inspiration britannique réinterprété façon Mile End» ? «Clientèle de hipsters du quartier, de “foodies” en goguette et d’amateurs de vin nouvelle génération.» C’est sûrement très bien.

Les plaisirs de la bouche ? Au Lawrence, il y a «une bonne carte de vins nature». La tarte aux cèpes «plaira aux amateurs»; c’est la moindre des choses. La côte de porc provient «d’un cochon heureux»; c’est peut-être ce qui explique que sa cuisson soit «seyante». La cuisine devrait plaire à tous : «Là encore, un plat solide, mais équilibré qui conserve une certaine élégance malgré sa consistance.» Que demander de plus ?

En un mot : «Le Lawrence se veut un resto de quartier sans prétention. Et c’est ce genre de plats qui fait tout son charme.»

L’Oreille tendue ne voit rien à ajouter à ce bijou en prose.

Par ici la bonne soupe

On se souviendra que des Américains, il y a quelques années, avaient souhaité modifier, pour des raisons supposées de politique internationale, le nom de leurs frites : plus de French fries, place aux Freedom fries. On se méfiait de ce qui était French.

Existerait-il la même chose chez les francophones ? Comment expliquer la traduction suivante ?

Boîte de soupe à l'oignon

Faut-il voir là un simple refus du mot French ? Y a-t-il plutôt un lien à établir entre French et gratiné(e) ? L’on sait que, selon le Petit Robert (édition numérique de 2010), ce mot a deux sens en français : «Cuit au gratin»; «Extraordinaire, dans l’outrance ou le ridicule.»

L’Oreille est perplexe.