L’oreille tendue de… Andrée Chedid

Andrée Chedid, l’Artiste et autres nouvelles, 2016, couverture

«Au bout de trois jours, Maxime reconnut l’enfant. Celui-ci et Madeleine, dont la robe fuchsia illuminait les murs grisâtres, se tenaient par la main. Le médecin les avait prévenus : il ne restait aucun espoir de sauver le forain.
Pourtant Maxime souriait et remuait les lèvres. Omar-Paul se baissa, tendit l’oreille.
Tu as quatre noms à présent…» (p. 22-23)

«Dans un coin de l’atelier, le maître d’école et le gendarme supputaient les prix que ces toiles pourraient atteindre. Ajoutant des zéros à des zéros, ils faisaient grimper les enchères à plaisir.
Batine cessa de tendre l’oreille, tous ces chiffres lui donnaient la migraine !» (p. 87)

Andrée Chedid, l’Artiste et autres nouvelles, Paris, Librio, 2016, 90 p.

Le zeugme du dimanche matin et de Bertrand Leclair

Surveillances, recueil collectif, 2016, couverture

«Un spectre sans identité ? Le parfait inconnu, je suis bien placé pour savoir que ça n’existe pas, un parfait inconnu — mais c’est une autre histoire, ça, on verra plus tard si j’ai le courage et encore de la mine, je n’ai plus l’habitude aussi, je finis par avoir des crampes à l’index.»

Bertrand Leclair, «Dimenticator», dans Surveillances, publie.net, 1996, 166 p., p. 83-97, p. 89.

 

(Une définition du zeugme ? Par .)

L’oreille tendue de… Benjamin Hoffmann

Benjamin Hoffmann, «Évaporée», 2023, titre

«Sans me regarder ni répondre à mes questions, elle s’est installée aussitôt au comptoir, elle a commandé deux whiskys à une serveuse vêtue d’un T-Shirt Nirvana alors que dans les haut-parleurs de la petite salle bondée, c’étaient les Pixies qui passaient un peu trop fort, et Namiko a dû forcer sa voix pour se faire entendre au téléphone qu’elle a sorti de sa poche, parlant en japonais avec un débit continu et, m’a-t-il semblé, un ton plaintif, presque implorant, tandis que la jeune femme apportait nos verres avec une expression trop absente pour ne pas révéler qu’elle tendait l’oreille à ce que disait Namiko et qu’incapable de rien comprendre à son propos, à ce qui se passait, je m’accrochais à la seule parole qu’il m’était possible d’identifier dans le flot continu de son discours où elle revenait régulièrement, une parole qu’elle a fini par répéter une dernière fois comme si elle était le point culminant de ce qui ressemblait fort à une plaidoirie : nikagetsu, “deux mois”.»

Benjamin Hoffmann, «Évaporée», article électronique, AOC, 7 mai 2023.