Les 13 néologismes numériques du jour

Nicolas Dickner, Six degrés de liberté, 2015, couverture

«Twitter, especially, is an ideal
incubator for neologisms»
(Ian Crouch, The New Yorker).

Algorédacteur : «journaliste» assisté (Thierry Berthier).

Bluedildonique : vibrateur (dildo dans la langue de Shakespeare) couplé à une connexion Bluetooth (la Presse+).

Copinaute : «J’ai entendu “copinautes”, pour amis du web. Étrangement, j’aime bien» (@revi_redac).

Crowdcensoring : «“Chine : 2 M d’agents en charge de censurer Internet” Après le sourcing et le funding, le crowdcensoring» (@piotrr70).

Pour traduire crowdfunding, on a proposé sociofinancement. Sociocensure pour crowdcensoring ? Non.

Cyberdildonique : voir Bluedildonique.

Gallicanaute : «internaute utilisant Gallica et participant activement à la diffusion des documents de la bibliothèque numérique sur le Web (blogs, réseaux sociaux)» (Lettre de Gallica, 40, 15 mai 2013).

Métajournalisme : «Ce métajournalisme se situera à la racine du traitement algorithmique et assurera la supervision et l’orientation des systèmes de rédaction automatisés» (Thierry Berthier).

Racketiciel : logiciel que le consommateur est obligé d’acheter en achetant son ordinateur (Non aux racketiciels).

So-Lo-Mo : «À l’heure du So-lo-mo (social-local-mobile), la radio est le MÉDIA de choix selon l’animatrice» (la Presse, 13 août 2011, cahier Arts et spectacles, p. 3).

Télédildonique : voir Bluedildonique.

Textambulisme : «art de texter pendant son sommeil» (@FabienDeglise).

Torrenter : télécharger avec le protocole BitTorrent, selon le Nicolas Dickner de Six degrés de liberté (p. 321).

Webnaliste : «Le webnaliste n’existe pas encore officiellement, mais cela ne saurait tarder. Il combinera les expertises du journaliste à celles de l’analyste, mais dans un contexte numérique» (François Descarie).

 

Référence

Dickner, Nicolas, Six degrés de liberté, Québec, Alto, 2015, 292 p.

Autopromotion 175

Colloque d'avril 2015

Les 21 et 22 avril se tiendront, à l’Université de Montréal, deux journées d’études sur le thème «Éditorialisation et nouvelles formes de publication». Elles sont organisées par Marcello Vitali-Rosati, Michaël Sinatra et l’Oreille tendue.

Pour tout savoir, on clique ici.

Point ou point de ?

À certains égards, l’Oreille tendue n’est pas de son temps. (Ça ne l’inquiète pas outre mesure.)

Ainsi, quand, essentiellement pour des raisons familiales, il lui arrive de texter, elle ne laisse tomber aucun code de ses modes habituels de communication. Elle met toutes les majuscules, elle n’utilise jamais d’abréviation, elle ponctue soigneusement (et avec mesure), aucune binette n’est jamais apparue (ni n’apparaîtra) sous son clavier.

Et elle met un point final. Vous imaginez son étonnement quand elle a appris que ce simple geste, parfaitement banal pour elle, est potentiellement lourd de significations.

Des exemples de gens évoquant ce risque de faux pas ?

Ben Crair, dans The New Republic, le 25 novembre 2013, dans l’article «The Period Is Pissed. When did our plainest punctuation mark become so aggressive ?». (Merci à @jdesjardins1861.)

Des élèves ayant pour la plupart fini leur secondaire, témoignant sur Facebook.

@aurelberra, sur Twitter : «Remarque entendue : le sentiment de la ponctuation change et le point final est perçu comme froid dans les SMS, les courriels».

Jessica Bennett, dans le New York Times du 27 février dernier, dans le texte intitulé «When Your Punctuation Says It All (!)». (L’Oreille remercie @Nonym7 pour le lien, même si elle n’a pas tout bien compris.)

Un banal point final pourrait donc être déplacé dans certaines situations de communication ? Perdre sa neutralité ? Être synonyme de froideur, voire de refus de dialoguer ?

Le fossé des générations se creuse sous nos pas.

 

[Complément du 10 juin 2016]

Le New York Times d’hier, avec l’aide de David Crystal, remet ça : «Period. Full Stop. Point. Whatever It’s Called, It’s Going Out of Style

 

[Complément du 22 octobre 2021]

Plus tôt cette semaine, l’Oreille tendue est allée voir un match des Canadiens de Montréal — c’est du hockey — en compagnie d’un de ses fils. À l’entracte, il a fallu penser ravitaillement. D’où cet échange :

Échanges de textos père-fils, Montréal, octobre 2021

Ledit fils a été outré : «C’est quoi cette histoire de mettre un point après “Oui” ? Ça va pas la tête ?» (version édulcorée)

Pour le fossé des générations, les choses ne vont pas s’améliorer.

 

[Complément du 30 octobre 2025]

Exemple littéraire, dans le récit Je mets mes rêves sur la table (2025), de Martina Chumova, quand un fils adolescent s’adresse à sa mère : «ponctuer ses textos c’est arrogant» (p. 77).

 

Référence

Chumova, Martina, Je mets mes rêves sur la table. Récit, Montréal, Le Cheval d’août, 2024, 135 p. Ill.

Pierre Foglia et le numérique

Pierre Foglia, le chroniqueur de la Presse, a annoncé ce matin qu’il était à la retraite depuis l’automne. Cela explique son absence quasi totale des pages du quotidien depuis quelques mois.

Comme beaucoup, l’Oreille tendue le lisait systématiquement depuis plusieurs lustres. Il lui est même arrivé de parler de lui en classe, pour décrire les conditions particulières de la lecture numérique. Explication.

L’Oreille est, à ses heures, historienne de la littérature, et plus particulièrement encore de la lecture. À ce titre, elle insiste toujours sur l’importance fondamentale des supports de lecture. On ne lit pas le journal comme un roman, à l’écran comme sur du papier.

Les lecteurs peuvent aujourd’hui aller chercher, dans une base de données, les chroniques de Foglia sans avoir besoin de tenir dans leurs mains le journal où elles ont paru à l’origine. Or la lecture que l’on fait de ces chroniques n’est pas exactement la même dans les deux cas.

Dans une base de données, les lecteurs pourront bien sûr découvrir l’article dans lequel le chroniqueur raconte la mort d’une jeune fille renversée par un chauffard alors qu’elle rentrait chez elle (à bicyclette ?), écouteurs aux oreilles.

S’ils se contentent de la base de données, ils ne sauront pas que cette chronique a paru, dans la version papier du journal, à côté d’un fait divers racontant la mort d’une autre jeune fille qui rentrait chez elle (à bicyclette ?), écouteurs aux oreilles. Bref, dans des circonstances identiques.

La base de données, ce sont des écrits isolés. Le journal, c’est un lieu vivant, dans lequel les chroniques sont (involontairement) en dialogue avec les articles qui les entourent, jusqu’à l’ironie noire de pareille juxtaposition.

L’Oreille pourra continuer à utiliser cet exemple, mais pas, malheureusement, à attendre les nouvelles chroniques de l’auteur.

P.-S.—On a souvent déploré le fait que Pierre Foglia n’ait pas rassemblé ses chroniques en recueil. L’aurait-il fait, qu’il les aurait sorties de leur écosystème. Cela aussi aurait déterminé leur lecture.

P.-P.-S.—L’Oreille cite de mémoire. Si elle se trompe, il n’est pas indispensable de le lui dire.

Autopromotion 163

Colloque «(Re)négocier les frontières», 27 février 2015, affiche

Le vendredi 27 février 2015, à partir de 9 h 30, se tiendra à l’Université de Montréal la journée d’étude «(Re)négocier les frontières. Dialogue entre littérature et numérique». L’Oreille tendue y causera.

Au programme…

René Audet : Comment se numérise la littérature québécoise ?

Marianne Côté-Beauregard : Mise en scène de soi et hyperspectacle dans Nous voir nous (Cinq visages pour Camille Brunelle)

Sophie Marcotte : La sociabilité numérique comme ressort de la fiction

Benoît Melançon : Communautés littéraires et numérique

Élisabeth Routhier et Jean-François Thériault : Remédiation, coopération et pratiques numériques : l’exemple d’Hongrie-Hollywood Express d’Éric Plamondon

Chloé Savoie-Bernard : Communauté, solitude et médiatisation chez Guillaume Morissette

Michaël E. Sinatra : Lire à l’ère du numérique le Nénuphar et l’araignée de Claire Legendre

Marcello Vitali-Rosati : Littérature numérique et production de l’imaginaire

Lieu :

Centre de recherche interuniversitaire sur la littérature et la culture québécoises (CRILCQ)
Université de Montréal
Pavillon Lionel-Groulx
3150, Jean-Brillant
Montréal (Québec)
Salle C-8119

 

[Complément du 28 février 2015]

Twitter a rendu compte des communications et des discussions. Voir ici.