Une préposition vous manque, et tout est dépeuplé

L’Oreille tendue a eu l’occasion, à quelques reprises, de causer apocope (il y a une catégorie pour ça).

Plus rarement, elle a parlé ellipse, ici ou .

Au rayon de l’économie linguistique, un nouveau (?) phénomène vient d’attirer son attention : la disparition de la préposition avec dans partager avec, à moins qu’il ne s’agisse d’une réduction de faire partager en partager.

Deux exemples venus de Twitter (il y en a plein d’autres sur Google).

«Je vous partage ma recette de cupcakes en cornets. Super facile à faire et les enfants adoreront (Les adultes aussi…)» (@ElleMlaMode).

«Apprendre une langue étrangère en ligne & Pascale Buissière nous partage ses sites favoris» (@julielaferriere).

Un mot suffira : non.

 

[Complément du 11 juin 2013]

Dans la Presse de ce matin : «“Ce que j’aime dans cette pièce, c’est la liberté laissée aux acteurs”, a partagé Normand Chouinard au sujet de la pièce Un homme, deux patrons, qu’il met en scène» (cahier Arts, p. 3).

Encore sur Twitter : «Jean-Pierre Bergeron, notre ancien agent de dével., nous partage son opinion sur le dossier du Marché Richelieu : http://www.soreltracy.com/liter/2012/oct/27o.html» (@GA_VieuxSorel).

C’est toujours non.

Autopromotion 043

La 4e Journée québécoise des dictionnaires se tiendra le 4 octobre à Montréal. Son thème ? «Du papier au numérique : la mutation des dictionnaires.» L’Oreille tendue en présidera une des séances.

Le journal le Devoir des 29-30 septembre lui consacre un cahier spécial.

Le programme du colloque est disponible ici.

Autopromotion 042

Wikipédia, logo, 9 juin 2021

L’Oreille tendue ne s’intéresse pas qu’à la langue. La preuve ?

Dans le cadre des Belles soirées de l’Université de Montréal, elle prononcera bientôt une conférence, le 20 septembre (à Longueuil), puis de nouveau le 29 octobre (à Laval), intitulée «Diderot : de l’Encyclopédie à Wikipédia».

Renseignements ici.

Autopromotion 040

La 4e Journée québécoise des dictionnaires se tiendra le 4 octobre 2012, à Montréal, sur le thème «Du papier au numérique : la mutation des dictionnaires».

L’Oreille tendue fait partie du Comité scientifique et organisateur, et elle vous invite à participer à cette journée.

On apprend tout ici.

L’Oreille tendue chez les Helvètes

L’Oreille tendue rentre d’un colloque, à Genève, sur Jean-Jacques Rousseau. Ci-dessous, notes dépareillées.

L’ami François Bon est frappé de l’utilisation endémique, en France, de voilà. La Suisse n’est pas moins touchée. (La remarque vaut autant pour pas de souci, opportunité, quelque part et morale citoyenne.)

Le français parlé sur les rives du lac Léman a ses particularités. Les mouettes y sont aquatiques, mais motorisées. Les cornets y sont en plastique. Bien sûr y tient lieu de oui.

Ça a beau être universitaire, mais ça ne sait pas la différence entre mettre à jour (actualiser) et mettre au jour (révéler). Et ça s’attarde à qui mieux mieux, même un instant.

Du groupie en sciences humaines : appeler Jean-Jacques Rousseau «Jean-Jacques». Personne ne dit pourtant «Denis» pour Diderot. Heureusement.

Au restaurant, on ne doit pas confondre le service (ce qui est remis au serveur pour son travail) et le pourboire (ce qui est remis au serveur pour son travail).

Quand, en colloque, l’Oreille entend parler d’«une personnalité remarquable mais trop peu étudiée», elle se dit toujours que ce silence de la critique est probablement justifié.

Mme X est «la future grande tante d’Alfred de Musset» ? Grand bien lui fasse.

Lui : «C’est une jeune femme, 20 ans peut-être.» Un autre : «Une retraitée d’environ 58 ans.» Ils parlent de la même personne. Il y en a un des deux que sa perspicacité honore.

Sur sa tombe, l’Oreille demande que soit gravé ceci : «Dans les colloques, il respectait scrupuleusement son temps de parole. R.I.P.»

Rassurez-la : dites à l’Oreille que ses présentations PowerPoint ne sont pas aussi nulles, car bavardes, que celles-là. Elle vous en implore.

Oxymores à éviter : «la convergence d’horizons antagonistes»; «une neutralité bienveillante».

Entre deux communications, il y a toujours la télé, et les joies de l’Euro(pe) : dans sa chambre d’hôtel, l’Oreille avait le même match de foot sur au moins huit chaînes. C’est pendant Suède-Angleterre qu’elle a découvert l’autogoal, soit le fait de marquer contre son propre camp (scorer dans son but). La télé n’est pas complètement inutile. (Le but suivant, comme il se doit, était «incroyable».)

«Vous tenez un blogue ? Vraiment ?» «Vous utilisez Twitter ? Pourquoi ?» L’avenir du numérique ne passe pas par le Siècle des lumières.

Les interlocuteurs de l’Oreille avaient presque tous suivi le «printemps érable» dans les médias européens, sans y comprendre grand-chose. Manifestement, ces derniers n’ont guère fait leur travail.

Les voyages, particulièrement en avion, ne font pas ressortir ce que l’humanité a de meilleur. (L’Oreille ne s’exclut pas de l’humanité.)

Du temps où il y descendait (Hergé, l’Affaire Tournesol, p. 17-19), Tryphon Tournesol devait-il parler anglais pour se faire comprendre des employés de l’Hôtel Cornavin, dont certains baragouinent à peine le français ?

Quoi qu’on puisse en penser, l’Oreille est casanière. Elle n’aime pas trop être dépaysée. La preuve.

P.-S. — Dans le même ordre d’idées, l’Oreille a déjà publié quelques «Scènes de la vie de colloque» (en PDF ici).

 

Référence

Melançon, Benoît, «Scènes de la vie de colloque (extraits)», le Pied (journal de l’Association des étudiants du Département des littérature de langue française de l’Université de Montréal), 4, 29 février 2008, p. 12-13. Repris dans la Vie et l’œuvre du professeur P. Sotie, Montréal, À l’enseigne de l’Oreille tendue, 2022, p. 43-48. https://doi.org/1866/13167