Les occasions de sourire sont bien rares dans l’œuvre de Simenon. Signalons néanmoins ce passage, tiré de Monsieur La Souris :
Est-ce que le commissaire Lucas prenait les mots à la lettre quand il avait dit à l’inspecteur [Lognon] :
— Il y a peut-être quelque chose… Mettez vous sur le bonhomme [le clochard surnommé Monsieur La Souris]…
Le fait est que Lognon était presque dessus, au sens littéral du terme. […] Dès le matin, il avait suivi le vieux à moins de trois mètres et il n’avait pas bronché quand La Souris s’était arrêté.
— Dites donc, monsieur l’inspecteur… Vous ne croyez pas que nous avons l’air bête à nous suivre ainsi sans un mot ?… Sii vous voulez, on pourrait marcher ensemble… Sans compter que ce serait plus gai…
Lognon s’était contenté de tourner la tête de l’autre côté et de rester debout au milieu du trottoir, comme si on ne lui eût pas adressé la parole.
— Bon !… C’est comme vous voudrez !… Ce que j’en disais, c’était autant pour vous que pour moi… Paraît-il que, dans le temps, les grands seigneurs se faisaient suivre dans la rue par un larbin…
La Souris enrageait ! Il ne savait où aller, ni que faire et il essaya d’écœurer l’inspecteur par les allées et venues les plus fantaisistes, se mettant soudain à courir, s’arrêtant un quart d’heure au même endroit, repartant au ralenti pour entrer soudain dans une boutique (p. 427-428).
On n’a plus les filatures policières qu’on avait.
Référence
Simenon, Monsieur La Souris, dans Tout Simenon 21, Paris et Montréal, Presses de la Cité et Libre expression, coll. «Omnibus», 1992, 383-481. Édition originale : 1938.