Surtout, ne jamais reculer

En France, dès sa nomination, Amélie Oudéa-Castéra, la ministre de l’Éducation nationale, de la Jeunesse, des Sports et des Jeux olympiques et paralympiques (salmigondis certifié d’origine), se met à raconter des bobards sur la scolarisation de ses enfants. On la contredit, arguments à l’appui; elle refuse de se rétracter. (Résumé ici.)

Dès 1776, dans son Essai sur le caractère et les mœurs des François comparés à ceux des Anglois, Jean-Jacques Rutlidge relevait ce trait de caractère (supposé national) :

Il y a en eux [les Français] une insensibilité qui rend vains tous les traits qu’on leur décoche, et qui fait qu’il est presque impossible de les confondre, quelque puissants que soient les antagonistes et les arguments : surprenez-les en mensonge, convainquez-les de bassesse, peignez-les au naturel, c’est peine perdue; ils se moquent des assertions et des preuves les mieux appuyées, et réfutent l’évidence même la plus claire qu’on a à leur opposer (p. 131)

Plus ça change, etc.

 

Référence

Essai sur le caractère et les mœurs des François comparés à ceux des Anglois, À Londres, 1776, 284 p. Paru anonymement. Texte de Jean-Jacques Rutlidge. Orthographe modernisée.

Divergences transatlantiques 073

«Crachoir en porcelaine à décor, avec un trou au centre du couvercle en forme de large entonnoir et une ouverture latérale pour le vider»

Parlons, si vous le voulez bien, crachoir.

Selon le Petit Robert (édition numérique de 2018), on le tiendrait, tenir le crachoir signifiant «parler sans arrêt». (Voir ici un exemple chez Jean-Bernard Pouy.)

Au Québec, il arrive qu’on le prenne : «Je ne me souviens d’aucun grand discours, cette journée-là, seulement la prise de parole, à tour de rôle et sans micro, de femmes suffisamment décomplexées pour prendre le crachoir» (Au Québec, c’est comme ça qu’on vit, p. 34). Dans cet exemple, il s’agit moins de parler sans arrêt que de prendre la parole.

C’est comme ça.

Illustration : «Crachoir en porcelaine à décor, avec un trou au centre du couvercle en forme de large entonnoir et une ouverture latérale pour le vider», photo déposée sur Wikimedia Commons

 

[Complément du 29 janvier 2024]

Au sens premier, le crachoir est un «Petit récipient muni d’un couvercle dans lequel on peut cracher» (le Petit Robert, édition numérique de 2018). Au Québec, le couvercle était facultatif. C’était le cas chez le grand-père paternel de l’Oreille tendue, qui en garde un souvenir peu ragoûtant : pas de couvercle. C’est aussi le cas dans cette photo probablement prise à l’Hôtel du Canada de Berthierville (merci à l’Ahuntsicoise qui l’a envoyée à l’Oreille). On notera l’avis hygiénique sans équivoque : «Cracher à terre c’est attenter à la vie d’autrui.» C’est noté.

Intérieur de l’Hôtel du Canada, Berthierville, sans date

 

Référence

Pelletier, Francine, Au Québec, c’est comme ça qu’on vit. La montée du nationalisme identitaire, Montréal, Lux éditeur, 2023, 213 p.

Fil de presse 045

Charles Malo Melançon, logo, mars 2021

La canicule n’empêche pas de publier des livres sur la langue. Récolte récente ci-dessous.

Amaya Dal Bó, Gisèle, Martín Macías Sorondo, Sabrina Morán, Natalia Prunes et Agostina Weler (édit.), les Langues de l’émancipation. Quelles traductions pour la démocratie ?, Paris, L’Harmattan, coll. «La philosophie en commun», 2023, 190 p.

Cahiers de lexicologie, 122, 2023, 293 p. Dossier «Dictionnaires, ressources lexicales et didactique des langues», sous la direction d’Ophélie Tremblay et Paolo Frassi.

Cassin, Barbara, Plus d’une langue, Paris, Bayard, coll. «Les petites conférences», 2023, 80 p. Réédition.

Durand, Émeline, le Temps de la langue. Sur l’œuvre de Franz Rosenzweig, Paris, Vrin, coll. «Bibliothèque d’histoire de la philosophie», 2023, 296 p.

Galleron, Ioana et Geoffrey Williams (édit.), Dictionnaires et réseaux des lexicographes aux XVIIe et XVIIIe siècles, Paris, Honoré Champion, coll. «Lexica Mots et dictionnaires», 42, 2023, 270 p.

GLAD ! Revue sur le langage, le genre, les sexualités, 14, 2023. Dossier «Varia».

Goasmat, Grégory, Langue des signes et malaise du sujet, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2023, 410 p. Préface de Jean-Claude Quentel.

Goux, Mathieu et Pascale Mounier (édit.), la Corrélation en diachronie longue (1450-1800). Phrase, texte et discours, Paris, Honoré Champion, coll. «Linguistique historique», 16, 2023, 356 p.

La Ramée, Pierre de, Grammaire (1572), Paris, Classiques Garnier, coll. «Textes de la Renaissance», 40, série «Traités sur la langue française», 3, 2023, 167 p. Édition de Colette Demaizière. Réimpression de l’édition de 2001.

Marcilhac, David et Miguel Rodriguez (édit.), À l’origine des études aréales. Langues et cultures étrangères en Sorbonne, Paris, Sorbonne université presses, 2023, 350 p.

Marouzeau, Jules, la Phrase à verbe être en latin, Paris, Honoré Champion, coll. «Bibliothèque de grammaire et de linguistique», 72, 2023, 514 p. Édition par Jorge Juan Vega y Vega, avec la participation de Jean-Paul Brachet . Suivi de Genèse linguistique du verbe être. Une approche cognitive, par Jorge Juan Vega y Vega.

Minon, Sophie (édit.), Lexonyme. Dictionnaire étymologique et sémantique des anthroponymes grecs antiques. Volume 1. A-E, Genève, Droz, coll. «Hautes études du monde gréco-romain», 2023, 496 p.

Nahon, Peter, les Parlers français des israélites du Midi, Strasbourg, Éditions de linguistique et de philologie, 2023, xii/476 p.

Neologica, 17, 2023, 190 p. Dossier «Néologie et langues régionales», sous la direction de Pascale Erhart et Christophe Rey.

Ponsonnet, Aurore, le Français pour adultes consentants. Un livre aussi instructif que délirant pour réviser les bases du français, Paris, First éditions, 2023, 288 p. Illustrations de Rodolphe Urbs. Préface d’Arnaud Hoedt et Jérôme Piron.

Rapport annuel 2022 de la Commission d’enrichissement de la langue française, Paris, ministère de la Culture, Délégation générale à la langue française et aux langues de France, 2023, 171 p.

Sylvius, Jacques Dubois dit, Introduction à la langue française suivie d’une grammaire (1531), Paris, Classiques Garnier, coll. «Textes de la Renaissance», 22, série «Traités sur la langue française», 1, 2023, 443 p. Traduction et édition critique par Colette Demaizière. Réimpression de l’édition de 1998.

Verhaart, Floris et Laurence Brockliss (édit.), The Latin Language and the Enlightenment, Liverpool, Liverpool University Press, coll. «Oxford University Studies in the Enlightenment», 2023, 440 p. Ill.

Wagner, Jacques, Parler des livres, changer la langue au XVIIIe siècle d’après le Journal encyclopédique de Pierre Rousseau (1756-1785) et le Journal littéraire, des sciences et des arts de l’abbé Grosier (1756-1785), Clermont-Ferrand, Presses universitaires Blaise-Pascal, 2023, 266 p.

Xiyin, Zhou, Philosopher en chinois. À la croisée de la linguistique et de la philosophie avec Chen Jiaying, Paris, Hémisphères / Maisonneuve & Larose, 2023, 464 p.

Accouplements 210

Frédéric Lenormand, Ne tirez pas sur le philosophe !, 2017, couverture

(Accouplements : une rubriquel’Oreille tendue s’amuse à mettre en vis-à-vis deux œuvres, ou plus, d’horizons éloignés.)

Dans Candide, son conte de 1759, Voltaire se moque de Leibniz. Quand le personnage de Pangloss parle du «meilleur des mondes possibles», c’est le nom du philosophe allemand qu’il faut entendre.

Dans son roman Ne tirez pas sur le philosophe !, Frédéric Lenormand suppose un chien à un de ses personnages. Son nom ? Leibniz.

Mathieu Bock-Côté est un omnicommentateur québécois formé en sociologie. Selon Wikipédia, il est «favorable à l’indépendance du Québec et défend des positions nationalistes, libérales et conservatrices».

Les concepteurs de l’émission de radio À la semaine prochaine lui supposent un chien. Son nom ? Duplessis.

Dans le premier cas, le nom marquerait la distance. Dans le second, la proximité.

Ce sera tout en matière de bestiaire imaginaire pour aujourd’hui.

 

Référence

Lenormand, Frédéric, Ne tirez pas sur le philosophe ! Roman, Paris, JC Lattès, série «Voltaire mène l’enquête», 2017, 280 p., chapitre sixième. Édition numérique.

Autopromotion 713

Titre de la Presse+, 25 juin 2023

Dans la Presse+ d’hier, l’Oreille tendue répondait aux questions du journaliste Hugo Pilon-Larose sur le statut du français au Québec aujourd’hui. C’est par ici.

L’article prend notamment appui sur le tract Le français se porte très bien, merci. Voyez par là.