Transports collectifs

Vous cherchez quelqu’un pour vous aider à vous déplacer, généralement en voiture ? Dans le français populaire du Québec, il vous faut un lift.

Selon Thierry Horguelin, vous pouvez le «quémander» (p. 31). Si votre demande est entendue, suivant Julien Grégoire, on pourra vous «lifter» (p. 79).

Dans sa publicité pour Lou-Tec, l’agence W communication joue du double sens du mot lift. On peut avoir d’un besoin d’un lift comme moyen de transport, mais on peut aussi avoir besoin d’une plateforme hydraulique (un lift, en anglais).

«Besoin d’un lift ? Lou-Tec», t-shirt

À votre service.

P.-S.—L’Oreille tendue a présenté le livre de Thierry Horguelin le 6 juillet 2023.

 

Références

Grégoire, Julien, Météo. Nouvelles, Montréal, Del Busso éditeur, 2017, 147 p.

Horguelin, Thierry, Ma vie d’espion, Montréal, L’Oie de Cravan, 2023, 73 p.

N’exagérons rien

Dans le français populaire du Québec, on trouve des conseils. «Pousse, mais pousse égal», par exemple, suppose une forme d’exagération, mais limitée : «Mets-en, mais pas trop.»

Cela peut même s’appliquer dans le domaine agricole. Des exemples ?

«Pousse mais pousse local», suggère W communication pour l’Union des producteurs agricoles du Québec.

«Pousse mais pousse local. -Réalisé au Québec pour l'Union des Producteurs Agricoles», t-shirtr

«Pouce vert mais pousse égal», chante Québec Redneck Bluegrass Project (p. 67).

Vive la culture !

P.-S.—Les cinéphiles, façon de parler, se souviendront du film Pousse mais pousse égal (1975), de Denis Héroux.

 

Référence

Québec Redneck Bluegrass Project, J’ai bu, Spectacles Bonzaï et Québec Redneck Bluegrass Project, 2020, 239 p. Ill. Avec un cédérom audio.

Pas grand-chose, version locale

«Des mesurettes et des pinottes», tweet de Marc Cassivi, 13 septembre 2018

Deux fois, durant la journée d’hier, l’Oreille tendue a rencontré, dans le même sens, l’expression des pinottes : «Ça représente peut-être des pinottes, dans le grand ordre des choses, mais les gouvernements ne pourraient-ils pas prêcher par l’exemple, en cessant de s’approvisionner sur la plateforme d’Amazon ?» (la Presse+, 28 janvier 2025); «La fin des musées gratuits pour économiser des pinottes» (Tourniquet, 28 janvier 2025).

Dans le français populaire du Québec, des pinottes, c’est bien peu, pas grand-chose, presque rien, dérisoire.

Pinottes, comme dans l’anglais peanuts (arachides, cacahuètes).

À votre service.

P.-S.—Nous avons, en effet, déjà croisé le chemin de la pinotte : dans un virelangue; sur la route.

 

[Complément du 10 avril 2025]

Coup double dans la Presse+ du jour.

En titre : «Trahis par leur comptabilité dans un pot de pinottes.»

Dans le texte : «Un groupe de distributeurs de drogue affilié à la mafia a perdu bien plus que des “pinottes” après que des enquêteurs de la police de Montréal ont copié secrètement sa comptabilité cachée dans un pot d’arachides.»

 

[Complément du 25 juillet 2025]

Qui travaille pour des pinottes ne gagne pas beaucoup.

Exemple : un t-shirt conçu par l’agence Humeur design dans les années 1990.

«J’travaille… pour des pinottes !», t-shirt, années 1990

Qu’on se le magne !

Fromage Déguédine !, emballage

S’agissant de fromage, l’Oreille tendue, il y a jadis naguère, annonçait qu’il lui faudrait bien, un de ces jours, se pencher sur déguédine. Ce jour est arrivé.

Soit les quatre phrases suivantes :

«Calmez-vous, calmez-vous, comment ça, me calmer ? Toi, fais ta job de 911 pis déguédine, si j’étais calme, madame, je serais pas normalement constituée» (Venir au monde, p. 30).

«Laisse faire, on va protéger la tienne ! Viens-t’en, passe en avant, déguédine ! lui cria Lalonde» (Atavismes, p. 173).

«Enwèye, dégéduine» (publicité).

«Déguédine Dan déguédine Dan Dan comme Zinédine Zidane» (Loco Locass, «Groove Grave», Amour oral, 2004).

Déguédine, donc, du verbe déguédiner. Il s’agit, dans le français populaire du Québec, d’une injonction de mouvement : allez, hop ! On se grouille !

Phonétiquement (façon de parler), Pierre Corbeil propose «Dziguédzine» (p. 131). De même, Léandre Bergeron connaît aussi bien «déguédine» que «diguidine» (p. 91).

Quelle serait l’étymologie de ce mot ? Sur Twitter, en 2019, on proposait ceci : «“Déguédine” vient de l’anglais “dig it in”. Ordre du foreman au bûcheron pour dégager un arbre avant de le couper.» En 2022, Gabriel Martin est bien sceptique devant cette explication : «Elle semble donc inventée de toutes pièces» (p. 32). Mais alors ? «Sans qu’on puisse l’affirmer avec fermeté, il se pourrait que ce mot puise ses origines dans la vocalisation onomatopéïque diguedaine à laquelle recouraient fréquemment les chansons populaires d’autrefois» (p. 32).

Depuis peu, ce verbe, employé «surtout à l’impératif», se trouve dans la nomenclature du dictionnaire le Robert; voir ici.

À votre service — et plus vite que ça !

 

[Complément du 23 novembre 2024]

La forme réfléchie est attestée : «Il faut que le ministre de l’Éducation Bernard Drainville se déguédine» (la Presse+, 23 novembre 2024).

 

Références

Bergeron, Léandre, Dictionnaire de la langue québécoise précédé de la Charte de la langue québécoise. Supplément 1981, Montréal, VLB éditeur, 1981, 168 p.

Bock, Raymond, Atavismes. Histoires, Montréal, Le Quartanier, coll. «Polygraphe», 03, 2011, 230 p.

Corbeil, Pierre, Canadian French for Better Travel, Montréal, Ulysse, 2011, 186 p. Ill. Troisième édition.

Martin, Gabriel, «L’origine du québécisme déguédiner », Histoire Québec, 28, 1, 2022, p. 32-33.  https://id.erudit.org/iderudit/100334ac

Olivier, Anne-Marie, Venir au monde, Montréal, Atelier 10, coll. «Pièces», 14, 2017, 101 p. Précédé d’un «Mot de la metteure en scène», Véronique Côté. Suivi de «Contrepoint. Tenir bon», par Catherine-Amélie Côté

Alimentation linguistique

Les produits de la fromagerie La ChaudièreLa fromagerie La Chaudière (Lac-Mégantic, Québec) — slogan : «Un produit aux accents bien de chez nous» — aime les expressions populaires québécoises. Elle en a choisi quelques-unes comme marques de commerce.

L’Oreille tendue a déjà abordé Tiguidou, Ayoye, Rightrou, Tabarouette (juron mou).

Il faudra, un jour, qu’elle se penche sur Déguédine (injonction de mouvement).

Youpelaï ? Fou raide ? Mamamia ? Bingo ? Skouik skouik ? Menoum ? Ce ne devrait par être nécessaire.

Ben d’adon ? On verra.

P.-S. — Merci à Marie-Hélène Voyer et à René Audet pour le filon.