Du méchant

Il a déjà été question ici de l’utilisation, au Québec, de l’adjectif méchant. Un mot aujourd’hui du substantif, à l’occasion de cette publicité :

«Faites sortir le méchant», publicité, 2010

La définition que nous proposions en 2004 dans le Dictionnaire québécois instantané tient toujours :

Ce qui nuit au bien-être. Se saouler à la Torrieuse, ça fait sortir le méchant. «Purge, exutoire, appelez ça comme vous voulez : avec elle, le méchant sort, la vérité sue de tous les pores» (le Devoir, 29 janvier 2001). «Cynisme assumé par l’auteur : fallait bien que le méchant sorte» (le Devoir, 1er-2 juin 2002).

Laissons-le donc sortir : le bien-être est intérieur. De plus, «On est bien mieux joyeux et en bonne santé que triste et malade».

 

[Complément du 19 janvier 2015]

Une collègue de l’Oreille tendue, Claire Legendre, lancera, au début février, un nouveau livre, le Nénuphar et l’araignée (Montréal, Les allusifs), où il sera question de peur. Prédiction de Josée Lapointe, dans la Presse+ d’hier : «Elle utilise sa plume vive, son intelligence et son sens de l’humour pour décortiquer ce sentiment, son origine, ses symptômes et ses mécanismes psychologiques, physiques et sociaux. Petites tranches de vie, exemples imparables, voilà un livre qui permettra aux angoissés de faire sortir le méchant, et aux autres de comprendre un peu mieux ce qui se passe dans la tête de ceux qui ont peur de tout…»

 

Référence

Melançon, Benoît, en collaboration avec Pierre Popovic, Dictionnaire québécois instantané, Montréal, Fides, 2004 (deuxième édition, revue, corrigée et full upgradée), 234 p. Illustrations de Philippe Beha.

Benoît Melançon, en collaboration avec Pierre Popovic, Dictionnaire québécois instantané, 2004, couverture

De P en P en P

L’Oreille tendue s’est déjà interrogée sur l’extension du domaine du PPP.

Deux nouvelles définitions, celles de Stéphane Laporte : «PPP à la québécoise : le public paie pour le privé» (la Presse, 8 avril 2006, p. A1); «Le CHUM [Centre hospitalier de l’Université de Montréal] demeure un PPP : Projet Pas Prêt» (la Presse, 2 décembre 2010, p. A1).

Joli.

Mêlée politique

Hier, à la radio de Radio-Canada, la chef du Parti québécois, Pauline Marois, disait se trouver sur la «ligne de départ» électorale. Il est vrai qu’elle aime avoir recours au vocabulaire sportif pour causer politique. Elle ne recule jamais devant les trois périodes et autres quatre quarts (elle ne pense pas gâteau).

Elle n’est pas la seule.

Le plan de match a la cote, lui qui devrait faire plus musclé que le programme : «Un bar ouvert plutôt qu’un plan de match serré» (le Devoir, 16-17 avril 2005, p. B3); «Les faiblesses d’un plan de match. Le désintérêt affiché jusqu’à récemment par le gouvernement Harper à l’égard de l’ONU n’est pas passé inaperçu parmi les pays membres» (le Devoir, 16-17 octobre 2010, p. B1).

Pour obtenir du succès avec un plan de match, il faut que ses concepteurs désignent un porteur de ballon : «Porteur de ballon recherché» (la Presse, 9 octobre 2005, p. A12). Ce joueur, dont on espère qu’il sera majeur, a de plus grandes responsabilités que les autres. Il ne doit pas, pour reprendre une bien étrange image d’un ministre du gouvernement du Québec, «échapper la rondelle». (Il est vrai que ce ministre échappe toutes les rondelles linguistiques qui lui passent entre les mains.)

À défaut d’un porteur de ballon, il faut compter sur quelqu’un qui puisse aller au bâton : «Les radiodiffuseurs n’iront pas au bâton pour CHOI-FM» (le Devoir, 20 juillet 2004).

Pourtant, quoi que fassent ces joueurs, ils risquent d’être critiqués par des gens qui se tiennent à l’extérieur de l’aire de jeu : «Impatients d’accéder à l’indépendance de leur pays, quelques gérants d’estrade ruent dans les brancards avec des stratégies et des tactiques brouillonnes» (le Devoir, 1er novembre 2010, p. A9). Le gérant d’estrade, on l’aura compris, est un genre de belle-mère.

Cela ne devrait empêcher personne de donner son 110 % : «Tout juste s’il ne nous dit pas qu’il a donné son 110 %, qu’il travaillait fort dans les coins et que la puck roulait pas pour lui» (Voir, 29 mars 2001).

 

[Complément du 3 décembre 2010]

À l’instant, à la radio de Radio-Canada, un représentant politique : «Nous ne voulons pas rester sur les lignes de touche.»

La bosse de la publicité

Le Réseau de transport de la Capitale — il s’agit évidemment de Québec — est en campagne publicitaire.

Publicité pour les transports en commun, Ville de Québec, 2010

Celle-ci permet de rappeler une fois de plus la forte présence du tutoiement dans la publicité québécoise : «ton quotidien», «essaie-le».

Elle donne l’occasion d’indiquer au non-autochtone que le mot bus au Québec rime parfois avec prépuce (le busse), mais aussi avec crosse (le bosse). Par ailleurs, le verbe bosser désigne moins le travail («T’as intérêt à bosser») que le fait de donner des ordres («Arrête de me bosser»).

Cette campagne publicitaire oblige surtout à se poser une question : que fait là le mot «bus» ? Est-il simplement juxtaposé à «ton quotidien» ? Faut-il plutôt l’entendre comme un verbe, ce qui nécessiterait la prononciation en –osse ? Busse ton quotidien n’aurait, en effet, aucun sens. Bosse ton quotidien, guère plus, objectera-t-on, mais ce ne serait pas la première fois qu’un publicitaire sacrifierait le sens à un effet de manche.

On ne saurait mieux dire

Un spectacle sera bientôt consacré au chanteur québécois Jean-Pierre Ferland. Le metteur en scène, Serge Postigo, expliquait cette semaine à la radio de Radio-Canada qu’il ne voulait pas que Ferland se sente «hommagé» par ce spectacle. L’Oreille tendue est parfaitement d’accord avec Serge Postigo : elle ne souhaite pas elle non plus que Ferland soit «hommagé».