Blanc

Cas général : au Québec est dit Blanc tout non-autochtone. Les Québécois de souche à la peau pâle sont des Blancs, comme le sont les Québécois d’adoption, africains, haïtiens, asiatiques, etc. Exemple : «La députée fédérale de Châteauguay–Saint-Constant, Carole Freeman, veut sceller la réconciliation entre les Blancs de sa circonscription et les Mohawks de Kahnawake» (le Devoir, 7 juillet 2010, p. A3).

Cas spécifique : le Blanc serait surtout francophone. Exemple : «La société québécoise est extrêmement tournée sur elle-même, dit [Jacob] Tierney. Notre art et notre culture ne présentent que des Blancs francophones. Les anglophones et les immigrants sont ignorés. Ils n’ont aucune place dans le rêve québécois. C’est honteux» (la Presse, 6 juillet 2010, cahier Arts et spectacles, p. 7).

«Des goûts et des couleurs, il ne faut pas disputer», dit le proverbe. Heureusement.

 

[Complément du 2 juillet 2022]

Peut-on trouver un mot plus juste que blanc ? Le dictionnaire numérique Usito propose allochtone : «Non autochtone.» Merci.

Physique sportive

Football (non FIFA)

À son plus grand plaisir, un neveu de l’Oreille tendue vient d’être sélectionné par une équipe de football (pas celui de la FIFA). Pour le dire en sportif québécois, il a percé l’alignement. Cela entraîne pas mal de questions.

Un alignement, de quoi est-ce fait ? D’humains (les joueurs qu’aligne un entraîneur) ? D’autre chose ? Si ça se perce, avec quel outil (ni le niveau ni la varlope ne paraissent idoines) ? Si c’est fait d’humains, n’est-ce pas un peu cruel ? Si ce n’est pas fait d’humains, la percée fait-elle beaucoup de poussière (l’Oreille sort de gros travaux à la maison et on y est sensible à la question) ?

Faudra sonder le neveu là-dessus.

Éloge de la varlope

Un tweet récent de Martine Sonnet a rappelé à l’Oreille tendue l’importance capitale de la varlope. (Dans le panthéon de l’Oreille, le niveau — à bulle, laser, sur fil, dans son iPhone — occupe la place la plus haute, mais la varlope n’est pas bien loin.)

@msonnet renvoyait au site de Cécile Portier, petite racine, où l’on trouve la photo d’un outil hybride — bois et métal —, surmontée du mot varlope, mais suivie d’un texte où il n’est question que de raboter.

À peu près au même moment, toujours sur Twitter, Vicky Lapointe (@vickylapointe) reproduisait l’image ci-dessous, tirée du journal le Canadien du 17 mai 1875 (p. 4), célébrant les épousailles d’un r(R)abot et d’une v(V)arlope.

Le Canadien, 17 mai 1875, p. 4

Bref : rabot ou varlope?

Selon le Petit Robert, dans la famille des mots apparentés — bouvet, doucine, feuilleret, gorget, guillaume, guimbarde, riflard, varlope —, rabot est le terme de base, le plus englobant qui soit.

Cela ne paraît pas être la position de l’abbé Étienne Blanchard. Dans son ouvrage 2000 mots bilingues par l’image, section «41—Outils divers. II», il propose l’énumération suivante :

Parmi les varlopes, on distingue : le racloir, le grattoir, le rabot à semelle, le rabot à dents, le rabot cintré, le bouvet à embrever, le bouvet à queue, le feuilleret, la mouchette à joue, le quart-de-rond, le congé[,] la noix du menuisier, le pestum, le jet d’eau, la gueuledeloup, la platebande, la doucine à baguette (p. 84).

Un peu plus bas, il y aura le rabot anglais, puis le rabot américain. Un peu plus haut, il y avait le guillaume.

Étienne Blanchard, 2000 mots bilingues par l’image, 1920, p. 84

Étienne Blanchard, 2000 mots bilingues par l’image, 1920, p. 83

Et si c’est Étienne Blanchard qui avait raison ?

P.-S. — Une dernière chose. Au Québec, on peut certes varloper une planche de bois, mais on peut aussi varloper des personnes, des idées, des projets. Il s’agit alors de s’en prendre, sans ménagement, à quelque chose ou à quelqu’un. Exemples :

«Le [musée] McCord varlope les clichés entourant la communauté montréalaise pure laine des Écossais» (le Devoir, 18-19 octobre 2003).

«Québec varlope le plan d’aide fédéral de 246 millions» (la Presse, 9 octobre 2002).

«Embraer varlope Bernard Landry et Investissement Québec» (la Presse, 20 février 2003).

 

[Complément du 30 avril 2025]

«Critiquer avec véhémence», demandent les mots croisés du jour du Devoir. Réponse ?

«Critiquer avec véhémence» = «Varloper»

 

Référence

Blanchard, abbé Étienne, 2000 mots bilingues par l’image, Montréal, L’Imprimerie des marchands limitée, 1920, 112 p. Ill.

Littérature concrète

François Bon, Bob Dylan, 2007, couverture

Après tout le monde, l’Oreille tendue vient de lire Bob Dylan. Une biographie de François Bon (2007).

Parmi toutes les choses à retenir de ce livre, un mot : gravier, et ses trois occurrences.

«Dans The Times They Are a-Changin’, cette déconstruction de la syntaxe, traitée comme du gravier, passe pour la première fois à l’avant-plan, devient la matière même de la voix […]» (p. 240).

«Des textes qu’il appelle, comme nous-mêmes écrivains ne l’oserions jamais, des “objets rythme”, just rhythm things : si on se lance dans une biographie, c’est aussi pour y recueillir, à suffisant grossissement de microscope, ces graviers qu’on garde, et qui nous déplacent dans notre propre rapport au langage» (p. 392-393).

«L’immense gravité des chansons de 1963 : pas seulement les paroles, mais l’enregistrement musical (Rocks And Gravel, Moonshiner) et le gandin de vingt-deux ans qui s’agite, rit, fume et boit plus qu’il ne faudrait, fait la fête et écrit dans les bistrots» (p. 465-466).

Syntaxe, rapport au langage, paroles — et gravier : les mots sont des choses dures.

P.-S.—FB aime le mot gravier.

P.-P.-S.—Dans ce cas-là, garnotte ferait moins bien l’affaire.

 

Référence

Bon, François, Bob Dylan. Une biographie, Paris, Le grand livre du mois, 2007, 485 p.