Éphéméride vilarienne

Jean-François Vilar, Nous cheminons entourés de fantômes aux fronts troués, 1993, couverture

Vous le savez : l’Oreille tendue est une lectrice de l’œuvre de Jean-François Vilar.

Elle se réjouit donc que France Culture ait décidé d’adapter pour la radio, en trois livraisons, le roman Nous cheminons entourés de fantômes aux fronts troués (1993).

La première livraison, dans le cadre de Fictions / Samedi noir, a été diffusée le 6 janvier 2018. On y entend le personnage de Victor Blainville lire le journal intime d’Alfred Katz que lui a mystérieusement remis Abigail Stern, la maîtresse d’Alex Katz, le fils d’Alfred. Qu’y trouve-t-on en date du 12 janvier (1938) ?

Café de la Boule d’or, place Saint-Michel, 16 h 15.
Je n’ai pas dormi de la nuit. À l’atelier, j’ai eu l’impression que la matinée n’en finirait pas. J’espère qu’on ne regardera pas mon travail de trop près. À la sortie, un copain m’attendait. Il m’a remis un paquet de tracts à diffuser pour ce soir — encore et toujours l’Espagne ! J’ai juste eu le temps de passer chez moi pour le déposer et me changer.
C’est ensuite, en marchant le Quartier latin, que l’impatience a fait place à l’affolement. Qu’est-ce qui m’a donc pris ? Comment ai-je pu être assez idiot pour croire que mes petits poèmes pourraient intéresser André Breton ? Maintenant je suis piégé. Dans moins de trois quarts d’heure, ce sera le verdict. Tant pis pour moi, je n’aurai pas volé la leçon (p. 106).

La suite demain soir.

 

Référence

Vilar, Jean-François, Nous cheminons entourés de fantômes aux fronts troués. Roman noir, Paris, Seuil, coll. «Fiction & Cie», 1993, 475 p.

Désolé, cher Olivier Niquet

Olivier Niquet, le Bêtisier 2017

Olivier Niquet vient de mettre en ligne, sur le site de Radio-Canada, son Bêtisier 2017 : c’est un pur délice.

L’Oreille tendue est toutefois tenue, professionnellement, de chipoter sur un passage de l’émission. À la deuxième minute, on entend ceci :

[Olivier Niquet] Je suis prêt à vous montrer que tout va pour le mieux dans le meilleur des ondes. Introspection. [Voix féminine] Ce segment sur la candeur est une présentation de Voltaire, qui disait : «Mentez, mentez, il en restera toujours quelque chose. Il faut mentir comme le diable, non pas timidement, non pas pour un temps, mais hardiment et toujours.»

Voilà donc deux allusions à Voltaire.

L’initiale, dite par Olivier Niquet, fusionne plusieurs citations de Candide (1759), par exemple celles-ci : «Pangloss enseignait la métaphysico-théologo-cosmolonigologie. Il prouvait admirablement qu’il n’y a point d’effet sans cause, et que, dans ce meilleur des mondes possibles, le château de monseigneur le baron était le plus beau des châteaux, et madame la meilleure des baronnes possibles» (chapitre premier); «Il n’y a point d’effet sans cause, répondit modestement Candide, tout est enchaîné nécessairement et arrangé pour le mieux» (chapitre troisième). Bref, «tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles» ne se trouve pas sous cette forme dans ce conte philosophique de Voltaire — mais Niquet ne dit pas explicitement qu’il le cite.

Ça va plus mal pour la citation sur le mensonge, dite par la voix féminine, une de ces «citations pompeuses de Voltaire pour se donner un air cultivé» (18e minute) : il n’a pas écrit cette phrase. On trouve plutôt ceci, dans une lettre à Thiriot du 21 octobre 1736 : «Le mensonge n’est un vice que quand il fait du mal; c’est une très-grande vertu quand il fait du bien. Soyez donc plus vertueux que jamais. Il faut mentir comme un diable, non pas timidement, non pas pour un temps, mais hardiment et toujours. […] Mentez, mes amis, mentez; je vous le rendrai dans l’occasion» (source).

En matière de citations apocryphes, on ne prête qu’aux riches (pour Voltaire, les exemples sont nombreux : voyez ici et ).

 

[Complément du 30 décembre 2022]

Autre bêtisier, celui de 2022, autres nombreux moments de bonheur (notamment une entrevue sur la guerre en Ukraine par l’actuel ministre de l’Éducation du Québec du temps où il était animateur de radio), autre allusion à Voltaire.

Que dit celui-ci dans Candide ? Au début du vingt-troisième chapitre, «Candide et Martin vont sur les côtes d’Angleterre; ce qu’ils y voient», Candide discute avec Martin sur le pont d’un navire hollandais : «Vous connaissez l’Angleterre; y est-on aussi fou qu’en France ? — C’est une autre espèce de folie, dit Martin. Vous savez que ces deux nations sont en guerre pour quelques arpents de neige vers le Canada, et qu’elles dépensent pour cette belle guerre beaucoup plus que tout le Canada ne vaut.»

Olivier Niquet ? «Quelques arpents d’asphalte perdus.»

L’Oreille tendue va de ce pas ajouter cette phrase à sa collection.

 

[Complément du 25 janvier 2023]

Autopromotion 334

Un segment de l’émission Plus on est de fous, plus on lit !, qu’anime Marie-Louise Arsenault à la radio de Radio-Canada, est consacré à la définition de mots beaucoup présents dans l’espace public.

L’Oreille tendue a déjà eu l’occasion d’y réfléchir à débat, à expert, à authenticité, à porte-parole et à transparence.

Cet après-midi, entre 14 h et 15 h, elle abordera le mot mononcle.

Elle se servira notamment de quelques textes publiés ici, le 15 mai 2011, le 6 octobre 2015 et le 20 octobre 2017.

 

[Complément du jour]

On peut (ré)entendre l’entretien ici.

Autopromotion 330

Un segment de l’émission Plus on est de fous, plus on lit !, qu’anime Marie-Louise Arsenault à la radio de Radio-Canada, est consacré à la définition de mots beaucoup présents dans l’espace public.

L’Oreille tendue a déjà eu l’occasion d’y réfléchir à débat, à expert, à authenticité et à porte-parole.

Cet après-midi, entre 14 h et 15 h, elle abordera le mot transparence.

Elle se servira notamment de ce texte, qu’elle a publié le 3 septembre 2013.

 

[Complément du jour]

On peut (ré)entendre l’entretien ici.

Autopromotion 326

L’Oreille tendue, entre 14 h et 15 h, causera dictionnaires. Ce sera à l’émission de radio Plus on est de fous, plus on lit !, au micro de Marie-Louise Arsenault.

 

[Complément du jour]

On peut (ré)entendre l’entretien ici.

Deux lectures recommandées :

Stamper, Kory, Word by Word. The Secret Life of Dictionaries, New York, Pantheon, 2017, xiii/296 p.

Le compte rendu de l’Oreille tendue est .

Villers, Marie-Éva de, Profession lexicographe, Montréal, Presses de l’Université de Montréal, coll. «Profession», 2006, 70 p. Ill.

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