L’oreille tendue de… Arnaldur Indridason

Arnaldur Indridason, le Mur des silences, 2022, couverture

«Cherchant à nouveau à distinguer la respiration de Stan à ses côtés, elle se redressa dans le lit et comprit aussitôt pourquoi elle ne l’entendait pas. Il n’était plus là. Il avait dû se lever. Elle attendit quelques instants, l’oreille tendue, puis sortit du lit, alluma la lampe du couloir et descendit l’escalier à pas de loup en appelant le nom de Stan à plusieurs reprises à voix basse pour ne pas réveiller leur fille. Son mari ne répondait pas.»

Arnaldur Indridason, le Mur des silences, Paris, Métailié, coll. «Métailié noir», 2022, 332 p., p. 50. Édition originale : 2020. Traduction d’Éric Boury.

L’oreille tendue de… Ragnar Jónasson

Ragnar Jónasson, Dix âmes, pas plus, 2022, couverture

«Allongée sur le canapé, elle sentait son cœur s’emballer dans sa poitrine. Jamais elle ne parviendrait à retrouver le sommeil, elle n’en avait même pas envie. Frissonnant, elle tendit la main vers sa couverture restée au sol, craignant presque que quelqu’un saisisse son bras au passage, puis elle l’étala sur elle pour se réchauffer.
Elle ferma les yeux.
Tendit l’oreille.
Les battements de son cœur, les craquements de la maison et le souffle du vent dehors se joignaient en un capharnaüm étourdissant. À cet instant, elle était presque reconnaissante pour la tempête qui s’était levée, car celle-ci dissimulait les autres sons émis par les ténèbres.»

Ragnar Jónasson, Dix âmes, pas plus, Paris, Éditions de La Martinière, 2022, 344 p., p. 202-203. Édition originale : 2019. Traduction de Jean-Christophe Salaün.

L’oreille tendue de… Arnaldur Indridason

Arnaldur Indridason, la Pierre du remords, 2021, couverture

«L’homme dans la cuisine continuait à hurler, surplombant sa femme d’un air menaçant. Les enfants restaient silencieux. L’homme se raidit brusquement et tendit l’oreille. Il avait entendu un bruit. Sa femme gisait sur le sol, il la releva, lui remit un peu d’ordre dans les cheveux et lui fit signe de rester tranquille et de l’attendre.»

Arnaldur Indridason, la Pierre du remords, Paris, Seuil, coll. «Points. Policier», P5547, 2021, 375 p., p. 9. Édition originale : 2019. Traduction d’Éric Boury.

Le zeugme du dimanche matin et d’Arnaldur Indridason

Arnaldur Indridason, le Roi et l’horloger, éd. de 2023, couverture

«Le monarque resta un long moment silencieux devant les pièces de l’horloge, chaussé de ses grandes bottes, sa cravache à la main, les jambes aussi chancelantes que son pouvoir absolu.»

Arnaldur Indridason, le Roi et l’horloger, Paris, Métailié, coll. «Bibliothèque nordique», 2023, 315 p., p. 107. Traduction d’Éric Boury. Édition originale : 2021.

 

(Une définition du zeugme ? Par .)

Divergences transatlantiques 073

«Crachoir en porcelaine à décor, avec un trou au centre du couvercle en forme de large entonnoir et une ouverture latérale pour le vider»

Parlons, si vous le voulez bien, crachoir.

Selon le Petit Robert (édition numérique de 2018), on le tiendrait, tenir le crachoir signifiant «parler sans arrêt». (Voir ici un exemple chez Jean-Bernard Pouy.)

Au Québec, il arrive qu’on le prenne : «Je ne me souviens d’aucun grand discours, cette journée-là, seulement la prise de parole, à tour de rôle et sans micro, de femmes suffisamment décomplexées pour prendre le crachoir» (Au Québec, c’est comme ça qu’on vit, p. 34). Dans cet exemple, il s’agit moins de parler sans arrêt que de prendre la parole.

C’est comme ça.

Illustration : «Crachoir en porcelaine à décor, avec un trou au centre du couvercle en forme de large entonnoir et une ouverture latérale pour le vider», photo déposée sur Wikimedia Commons

 

[Complément du 29 janvier 2024]

Au sens premier, le crachoir est un «Petit récipient muni d’un couvercle dans lequel on peut cracher» (le Petit Robert, édition numérique de 2018). Au Québec, le couvercle était facultatif. C’était le cas chez le grand-père paternel de l’Oreille tendue, qui en garde un souvenir peu ragoûtant : pas de couvercle. C’est aussi le cas dans cette photo probablement prise à l’Hôtel du Canada de Berthierville (merci à l’Ahuntsicoise qui l’a envoyée à l’Oreille). On notera l’avis hygiénique sans équivoque : «Cracher à terre c’est attenter à la vie d’autrui.» C’est noté.

Intérieur de l’Hôtel du Canada, Berthierville, sans date

 

[Complément du 12 juillet 2024]

Le traducteur Éric Boury, dans le Roi et l’horloger, propose «boîte crachats» (p. 112).

 

Références

Indridason, Arnaldur, le Roi et l’horloger, Paris, Métailié, coll. «Bibliothèque nordique», 2023, 315 p. Traduction d’Éric Boury. Édition originale : 2021.

Pelletier, Francine, Au Québec, c’est comme ça qu’on vit. La montée du nationalisme identitaire, Montréal, Lux éditeur, 2023, 213 p.