Une tabarnac de maestria

L’Oreille tendue a déjà eu l’occasion de causer jurons, notamment ici, et d’avouer sa longue relation affectueuse avec le mot tabarnac. Elle ne peut donc que s’incliner devant la maestria dont fait preuve Julien Poulin, l’interprète du personne d’Elvis Gratton, quand il se plie aux demandes du réalisateur Pierre Falardeau.

Cela, en effet, mérite applaudissements.

 

[Complément du 27 janvier 2019]

En version hexagonale, avec putain, cela donnerait ceci :

Clémentine Latron, blogue Dessine-moi un expat, Courrier international, 12 octobre 2018Source : Clémentine Latron, blogue Dessine-moi un expat, Courrier international, 12 octobre 2018

Un tabarnac de scoop

L’entrepreneur numérique Guy Kawasaki lancera Enchantment. The Art of Changing Hearts, Minds, and Actions, son prochain livre, en mars 2011. Il y démontrera notamment que l’utilisation bien dosée du juron peut contribuer à cet enchantment qui, dans le domaine commercial, est à la fois séduction et conviction. Il est possible, oui, d’enchanter son client en sacrant.

Lecteur, tu l’auras d’abord lu chez l’Oreille tendue.

P.-S. — Il est vrai que tu l’auras peut-être entendu ici. Mais ce n’est pas la même chose.

Dépositaire de jurons

Dans la 462e  livraison de ses Notules dominicales de culture domestique (et de villégiature exotique), servie le 26 septembre, Philippe Didion narre des problèmes de plomberie.

Vie domestique. J’avais dit il faut appeler un plombier. Même si ce n’était pas grand-chose, un système de robinet à changer, du nanan même pour le débutant. Seulement quand j’ai voulu couper l’eau et que j’ai confondu l’avant et l’après compteur, le robinet d’arrivée d’eau avec celui de la vidange et que ce dernier m’est resté dans la main, ça s’est vite transformé en Laurel et Hardy plombiers avec ma pomme dans les deux rôles. Un geyser dans la cuisine. Impossible de remettre le robinet à cause de la pression. Une seule arme, mon doigt, pour colmater la fuite en attendant que Caroline trouve à la cave le moyen de couper l’arrivée d’eau de l’immeuble. Cela n’a duré que quelques minutes, meublées d’un flot de jurons dont je ne me savais même pas le dépositaire, et puis on a réussi à s’en sortir. J’ai appelé le plombier. Après, je me suis changé et j’ai pris en route la manifestation qui passait sous nos fenêtres légèrement embuées. 11 000 personnes. J’étais le seul à avoir les cheveux mouillés.

Les jurons : créatures de l’ombre et de la lumière.

Paradoxale pudeur

Il y a quelques jours, l’Oreille tendue a reconnu — avoué aurait été trop fort — qu’elle aimait sacrer. Le chanteur Claude Dubois se trouve aujourd’hui dans une position partiellement semblable : il ne cache pas qu’il jure, mais il ne veut pas qu’on l’entende.

Contexte. Dubois et sa famille sont les héros (?) d’une téléréalité diffusée par le réseau québécois V. Mieux encore, le «docu-feuilleton» Dubois en réalité serait destiné à la famille (??). Voilà le nœud du problème.

Le personnage éponyme sacre dans la vie de tous les jours, ce que révèle la téléréalité, mais il exige qu’on masque ses jurons au moment de la diffusion, histoire de ne pas blesser les chastes (???) oreilles que lui tendent ses téléspectateurs. Exemple hypothétique : «Je m’en [bip], ma [bip].»

Cela l’oppose à ses producteurs et à son diffuseur : «On parle de quelques sacres, ce qui n’est rien en télévision, estime Tim Ringuette», le porte-parole de V. «Il y a des enfants à l’écoute», rétorque l’avocate de Dubois; «Et des blasphèmes, ce n’est pas acceptable dans une émission familiale.» Car l’affaire s’est retrouvée devant les tribunaux.

Pour récapituler : Claude Dubois accepte de vivre sous l’œil des caméras, mais il voudrait contrôler les micros. On a déjà vu des pudeurs plus convaincantes.

Le chant du tabarnac/k

Deux citations pour clore (temporairement ?) le cycle du tabarnac/k.

La première — une fois ne sera pas coutume — de Lynda Lemay, de sa chanson «Les maudits Français» (Du coq à l’âme, 2000).

Et quand ils arrivent chez nous
I s’prennent une tuque et un Kanuk
Se mettent à chercher des igloos
Finissent dans une cabane à sucre
I tombent en amour sur le coup
Avec nos forêts et nos lacs
Et i s’mettent à parler comme nous
Apprennent à dire «tabarnac»

La seconde de Richard Dubois, dans son essai Un Québec si lointain. Histoire d’un désamour. En sept points, sur deux pages, il évoque ce qu’est le mot «Tabarnak» pour un Québécois vivant, lui, chez «Les maudits Français». Deuxième point :

Peut-être le mot le plus ému, le plus émouvant, le plus riche en émotions du vocabulaire québécois (p. 212).

 

Référence

Dubois, Richard, Un Québec si lointain. Histoire d’un désamour, Montréal, Fides, 2009, 213 p.