Un nouveau disque d’Ella Fitzgerald

Ella Fitzgerald, The Moment of Truth. Ella at the Coliseum, 2025, pochette

The Moment of Truth. Ella at the Coliseum a récemment paru. Le disque contient neuf pièces enregistrées au Oakland Coliseum le 30 juin 1967. Il dormait, inédit, dans les archives de Norman Granz, le fondateur des disques Verve et l’agent de Fitzgerald pendant de nombreuses années. Il s’agit de la partie finale d’un spectacle collectif (elle annonce «our part of the show»).

Accompagnée par ses musiciens (Jimmy Jones, Bob Cranshaw et Sam Woodyard) et par le Duke Ellington Orchestra (Cat Anderson, Cootie Williams, Harry Carney, Paul Gonsalves, Jimmy Hamilton, Johnny Hodges et Russell Procope), la chanteuse interprète des pièces classiques de son répertoire, «Mack The Knife», «In a Mellow Tone» et «You’ve Changed». Elle actualise la fin de «Let’s Do It (Let’s Fall In Love)» en y faisant apparaître les Beatles, les Animals, Sonny and Cher, Elizabeth Taylor et Richard Burton, et James Bond, Elle reprend aussi des pièces populaires des années 1960, «Alfie» (Burt Bacharach et Hal David) et «Music To Watch Girls By» (Andy Williams).

Fitzgerald s’amuse sur scène. Après la première pièce, «The Moment of Truth», elle apostrophe un spectateur en retard : «You missed the first song.» Elle remercie la personne qui lui apporte à boire : «Merci beaucoup, dear. Thank you.» Pour «In a Mellow Tone», elle demande un éclairage tamisé à un technicien : «Sexy lights, dear

Une chose étonne à l’écoute de «Don’t Be That Way». Fitzgerald est reconnue pour sa pratique du scat, ce style vocal, par nature improvisé, fait de sons plutôt que de mots. La définition de Wikipédia est un peu dure, mais juste : «the use of nonsense syllables in jazz music». Ici, elle mêle le scat aux paroles de la chanson, par exemple en se lançant dans un scat qui se termine par des mots parfaitement clairs : il ne s’agit donc pas seulement de «syllabes sans sens». L’Oreille tendue ne connaît pas d’autres cas où Fitzgerald chante de cette façon.

Il nous reste des choses à apprendre sur la First Lady of Jazz.

P.-S.—Pour en savoir plus, on va de ce côté.

Correction bienvenue

Portrait de Barack Obama avec des écouteurs, Spotify, 2023

L’ancien président états-unien Barack Obama aime faire des recommandations de lectures et de pièces musicales. Parmi ces dernières, il y a souvent du Ella Fitzgerald.

En 2015, il y avait «Let It Snow ! Let It Snow ! Let It Snow !» En 2016, 2017 et 2018, rien. En 2019, «How High the Moon». En 2020, rien. En 2021, «Lush Life». En 2022, rien. En 2023, «Cry Me a River» — voilà qui est mieux.

P.-S.—Fitzgerald, une chanteuse pour années impaires (sauf 2017) ?

L’adolescence d’Ella

Fiche d’Ella Fitzgerald à son arrivée à la New York State Training School for Girls en avril 1933

Quand on l’interrogeait sur son adolescence, Ella Fitzgerald a souvent eu recours à une ellipse. Elle racontait que sa mère était morte quand elle avait quinze ans, puis qu’elle avait commencé à participer à des concours d’amateurs au Apollo Theater d’Harlem; c’est là qu’on l’a découverte.

Dans ces entretiens, il semblait y avoir une continuité nette entre deux évènements : la mort de sa mère; son entrée dans le monde de la musique. Ce n’est pas tout à fait le cas, ainsi que le rappelle «Acting Out», l’épisode du 7 juillet 2023 du podcast Revisionist History, de Malcolm Gladwell. Entre les deux, Ella Fitzgerald a passé plusieurs mois dans ce qu’on appellerait au Québec une école de réforme.

Ben Naddaff-Hafrey raconte à Gladwell comment la future star a vécu à la New York State Training School for Girls, à Hudson (New York), à partir d’avril 1933, avant de s’en évader, quand cet établissement est géré par Fannie French Morse. Le racisme y était évident. Ces informations ne sont pas nouvelles : Nina Bernstein avait déjà écrit sur le sujet en 1996 dans le New York Times.

Comme toujours, chez Gladwell, cet épisode biographique s’inscrit cependant dans un cadre bien plus large, celui de l’apparition de la théorie des réseaux (social network theory) en sciences sociales, et des expériences de Jacob Levy Moreno (1889-1974) et de Helen Hall Jennings (1905-1966).

À écouter.

Découverte bien tardive

Claude Steben, dans le rôle du Capitaine Cosmos, les Satellipopettes, 1978-1987

L’Oreille tendue savait déjà que l’expression «Deux morceaux de robot», au Québec, récompensait une bonne réponse.

Exemple :

«— Tu veux dire que le projet de troisième lien destiné aux automobiles à Québec n’a jamais eu de sens ?
— Deux morceaux de robot pour toi !»

L’Oreille ne s’était jamais toutefois demandé d’où venait cette expression.

L’exposition De Pépinot à la Pat’ patrouille. Notre enfance télévisuelle du Musée canadien de l’histoire lui a fourni l’explication.

Dans l’émission pour enfant les Satellipopettes (1978-1987, soit bien après l’enfance de l’Oreille), le Capitaine Cosmos, joué par Claude Steben, «est l’animateur d’un populaire jeu de questions et d’adresse opposant des élèves de deux écoles primaires. / Lorsqu’une équipe gagne, elle remporte un ou des morceaux en vue de construire son robot.»

À votre service.

Quiz télévisuel du jour

Un motel de Lac Mégantic offre la télévision couleur, 31 août 2021

L’Oreille tendue s’interroge : ses bénéficiaires et elle partagent-ils une culture télévisuelle états-unienne commune ?

Pour le savoir, prière de répondre à quelques questions dans la section des commentaires ci-dessous. (Attention : l’Oreille cite de mémoire.)

«Prison [jail ?] doesn’t count.» Un point pour le nom de la série.

«His life is a fantasy camp.» Un point pour le nom de la série et un point pour le nom du personnage décrit.

«He doesn’t like brocoli.» Un point pour le nom de la série et un point pour le nom du personnage évoqué.

«Yo-Yo Ma. Boutros Boutros-Ghali.» Un point pour le nom de la série.

Total des points : 6.