Le douanier états-unien : «A conference ? About what ?» L’Oreille tendue : «Eighteenth-century French literature.»
Lui : «No kidding !?»
Elle, intérieurement : «No kidding.»
Apprendre à Santa Barbara la mort de l’homme de radio Stuart McLean. Tristesse.
Le silence n’est plus ce qu’il était. Il n’est plus.
Un hôtel qui fait jouer du Ella Fitzgerald au petit déjeuner ne peut pas être un mauvais hôtel.
Visite guidée de la ville en bus. Le cicérone donne des dates; cela n’étonne pas. Il donne aussi le prix de plusieurs propriétés, à vendre ou pas; cela étonne. Pourtant ce sont des nombres dans les deux cas.
Comment dire ? Il reste encore quelques Français qui ont du mal avec la langue anglaise, et particulièrement avec la façon de la prononcer. Si, si.
Vous avez entendu parler d’un déluge qui aurait frappé le sud de la Californie à la mi-février? C’est vrai. L’Oreille est encore trempée.
Dans un profond petit livre, Montréal-Mirabel. Lignes de séparation (2017), Marie-Pascale Huglo, une collègue de l’Oreille, parle longuement d’un aéroport aujourd’hui disparu, celui de Mirabel. Elle le compare à l’occasion à un autre aéroport montréalais, Montréal-Trudeau, toujours au détriment de celui-ci : «Montréal-Trudeau a évacué toute ambition architecturale; la médiocrité du petit a bénéficié des ratages du gros, l’efficacité a pris le dessus, c’est comme ça» (p. 134). L’Oreille a lu, avec bonheur, ce livre dans l’avion qui la menait vers Montréal-Trudeau. Elle ne contestera pas l’interprétation de son auteure.
Message d’accueil à bord du vol AC 798, Montréal => Los Angeles : «Bon matin.» Un puriste aurait pu se plaindre.
P.-S. — Pourquoi la Californie ? Pour Jean-Jacques Rousseau, bien sûr.
Un mendiant sollicite les passants à distance : sa sébile cartonnée est accrochée au bout d’une canne à pêche. Pour le dire en bourdieusien : voilà quelqu’un qui a parfaitement assimilé la logique de la distinction. Il mendie, mais pas comme tout le monde. On peut imaginer qu’il espère sortir du lot et tirer une plus-value de sa singularité. Cela reste à démontrer. (L’Oreille a le vague sentiment que ce mendiant est là depuis quelques années. La mémoire n’est plus ce qu’elle était.)
Quel rôle a joué l’art dans la quête d’égalité et d’affirmation de l’identité noire dans l’Amérique de la Ségrégation ? L’exposition rend hommage aux artistes et penseurs africains-américains qui ont contribué, durant près d’un siècle et demi de luttes, à estomper cette «ligne de couleur» discriminatoire.
L’Oreille, qui s’attendait à y trouver ses amis Jackie Robinson — c’est du baseball — et Ella Fitzgerald — c’est du jazz —, n’a pas été déçue. Le premier est photographié en compagnie de Branch Rickey. De la seconde, on peut voir un portrait, par Beauford Delaney (1968), que l’Oreille ne connaissait pas.
Il y avait bien plus important et bouleversant, notamment des images de lynchage.
Puis, juste avant de sortir, un exemplaire de la traduction française de Between the World and Me (2015) de Ta-Nehisi Coates, livre qu’admire l’Oreille tendue.
Rue de la Gaieté
Donner quelques pièces à la famille de quatre personnes qui dort sur le trottoir et mesurer l’inanité de ce geste.
Vue tout à l’heure la riche exposition Hergé. Il y a le bédéiste, évidemment, mais aussi l’amateur d’art contemporain et, surtout — découverte pour l’Oreille —, l’illustrateur publicitaire. En plus, le père de Tintin aimait Ella Fitzgerald.
P.-S. — Un mur est fait des éditions de Tintin dans d’autres langues que le français. Heureusement, l’album «en québécois» ne paraît y être. Heureusement.
Rue du Vieux-Colombier
L’Oreille découvre l’expression à l’ouest : «Être à l’ouest, déphasé, complètement désorienté, déboussolé», dit le Petit Robert (édition numérique de 2014). En son premier sens («déphasé»), elle pourrait évoquer le champ gauche prisé au Québec.
22 novembre 2016
L’Oreille ne croit pas en l’idée d’une subversion en art. Encore moins quand la subversion est publicisée par la Monnaie de Paris.
Melançon, Benoît, Diderot épistolier. Contribution à une poétique de la lettre familière au XVIIIe siècle, Montréal, Fides, 1996, viii/501 p. Préface de Roland Mortier. https://doi.org/1866/11382
La première fois, c’était une italienne. Ce soir, une chinoise. Vive les pendaisons de grues de Structures universelles.
Mardi, 12 juillet 2016
Sur le bord du lac, le son d’une tchén’ssâ. Ce n’est que justice.
Découvrir que tu es une icône canadienne…
…mais que vous êtes des milliers.
Jeudi, 14 juillet 2016
En juillet 1976 s’ouvraient les jeux Olympiques de Montréal. Pour des raisons médicales — une histoire de tracteur mal réceptionné —, l’Oreille n’a pu faire autre chose que regarder les compétitions et leurs reprises pendant deux semaines de son lit d’hôpital. (1976, c’était avant Internet et ses choix.) Elle en a eu assez pour toute son existence. Cet été, elle ne suivra pas ce qui se passe à Rio.
Dimanche, 17 juillet 2016
En après-midi, sous un soleil qui tapait, il y avait à Joliette, dans le cadre du Festival de Lanaudière, un hommage à Ella Fitzgerald par Jessica Vigneault, «la fille de Gilles Vigneault», précisait le programme, et l’Orchestre national de jazz de Montréal («national de Montréal» ? Passons). Fan d’Ella, l’Oreille tendue y était. Il serait injuste de comparer Jessica Vigneault, «la fille de Gilles Vigneault», à Ella Fitzgerald. N’essayons même pas.
Mardi, 19 juillet 2016
Qui dit villégiature dit lectures de villégiature, voire lectures de locations de villégiature : des livres découverts dans des maisons inconnues. L’année dernière, à Barcelone, l’Oreille avait ainsi lu un Gérard de Villiers (son premier, et personne n’y feulait). Cet été, ce fut un San-Antonio, Salut, mon pope !, de 1966. L’Oreille n’avait pas lu du Frédéric Dard depuis plus de trente-cinq ans. Elle se souvenait de l’importance de l’incise chez l’auteur, de sa passion pour le calembour, de son enflure verbale assumée, de l’inintérêt des intrigues. Elle a retrouvé le plaisir du zeugme, de la liste, de l’énumération. Elle avait cependant oublié la misogynie et l’homophobie (grec, donc pédé) de l’ensemble. Les vacances servent aussi à cela. (Heureusement, il y avait aussi des Simenon : le Coup de Vague, de 1938, les Fantômes du chapelier, de 1949, et Maigret à l’école, de 1954. C’était nettement mieux que San-A., bien que le deuxième roman soit assez clairement raciste à l’occasion.)
Que seraient des vacances sans un 36 trous (de minigolf) ?
Jeudi, 21 juillet 2016
Centre-ville de Joliette. À l’entrée du restaurant, le drapeau noir-jaune-rouge. Dans les assiettes, des chicons. C’est bien la Fête nationale de la Belgique.
Que seraient les vacances sans quelques parties de quilles (les petites, bien sûr) ?
Dimanche, 24 juillet 2016
Que seraient les vacances sans la baladodiffusion ? Recommandation du jour : Revisionist History de Malcolm Gladwell (ce génie).
Que seraient les vacances sans un animal (daim, écureuil, vacancier de la construction) surpris sur le chemin du chalet ?
Lundi, 25 juillet 2016
Pour la deuxième fois, commentaire du fils cadet de l’Oreille : «Djoke de prof.» Sa progéniture et elle n’ont pas tout à fait le même sens de l’humour.
Que seraient les vacances sans la conduite automobile des mous du bulbe sur les routes régionales du Québec ? (L’excellent @machinaecrire a une explication de ce phénomène; elle est ici.)
Mardi, 26 juillet 2016
Que seraient les vacances sans les souris (et le mulot) du chalet de location ?
Que seraient les vacances sans la fréquentation des classiques ?
Que seraient les vacances sans art religieux (et automobile) ?
Mercredi, 27 juillet 2016
Que seraient les vacances sans ces plaisanciers sans veste de flottaison et sans ces automobilistes sans clignotant ?
Que seraient les vacances sans des saucisses (au fudge) ?
Que seraient les vacances sans un peu de culture latine ?
Jeudi, 28 juillet 2016
Que seraient les vacances sans l’explosion du coût des données mobiles ?
Vendredi, 29 juillet 2016
Que seraient les vacances sans sa rue éventrée au retour ?
Samedi, 30 juillet 2016
Que seraient les vacances sans une longue et tortueuse séance de slalom entre les cônes montréalais ?
Durant le onzième épisode de la quatrième saison de la série télévisée House of Cards («Chapter 50»), le président des États-Unis, le fort vilain Frank Underwood (Kevin Spacey), a une discussion avec un crack des moteurs de recherche sur Internet. Il ne comprend rien au jargon («Façon de s’exprimer propre à une profession, une activité, difficilement compréhensible pour le profane», le Petit Robert, édition numérique de 2014) de son interlocuteur, d’où cet ordre : «Give me English.» L’Oreille tendue compte bien utiliser cette injonction un de ces jours.
P.-S. — Vendredi dernier, l’Oreillea twitté cette phrase, accompagnée du mot-clic #HouseOfCards. Quelques minutes plus tard, son tweet a été aimé par le compte du fantôme de Zoe Barnes. L’Oreillea alors twitté que son tweet avait été aimé. Le fantôme a de nouveau aimé. Joies de la récursivité !