Accouplements 107

Article «Moustache», Encyclopédie, 1751-1772, incipit

(Accouplements : une rubriquel’Oreille tendue s’amuse à mettre en vis-à-vis deux œuvres, ou plus, d’horizons éloignés.)

Pérez-Reverte, Arturo, Deux hommes de bien. Roman, Paris, Seuil, 2017, 501 p. Traduction de Gabriel Iaculli. Édition originale : 2015.

«Et sur le mur, au-dessus de cette bibliothèque éclectique, trois estampes en couleur forment une insolite combinaison d’effigies : Voltaire, Catherine de Russie et Frédéric de Prusse. À tous les trois Bringas a peint des moustaches, des cornes et autres attributs grotesques» (p. 282).

Senécal, Patrick, Malphas 2. Torture, luxure et lecture, Québec, Alire, coll. «GF», 18, 2012, 498 p.

«Je souris en poursuivant mon examen et tombe sur deux rangées remplies d’œuvres de Voltaire. Je lis les titres, impressionné. Bien sûr, j’y retrouve les incontournables, comme Candide, Zadig et Micromégas, mais plus de la moitié me sont parfaitement inconnus, comme Les Deux Consolés, L’Homme aux 40 écus ou Cosi-Sancta. Bref, il y a bien là une cinquantaine de livres, ce qui doit représenter tout près de l’œuvre complète de fiction de l’écrivain. Archlax est manifestement un exégète du célèbre auteur. Le littéraire en moi est tout à coup fasciné et je ne peux m’empêcher d’enlever mes gants, de prendre quelques bouquins du philosophe et de les feuilleter… Je tombe alors sur un exemplaire de L’Ingénu, édition qui comporte en quatrième de couverture un portrait de Voltaire… et je remarque qu’on lui a ajouté, à l’aide d’un crayon-feutre noir, des lunettes, une moustache et une verrue. Sans doute qu’Archlax a déniché ce livre dans une librairie d’occasion et que le visage était déjà barbouillé. Mais j’imagine mal DP acheter un volume qu’on aurait ainsi outragé. Pour en avoir le cœur net, je me mets à la recherche d’autres titres affichant la gueule de Voltaire et en trouve six. Trois des portraits sont intacts, mais les trois autres ont aussi été défigurés» (p. 249-250).

 

Illustration : incipit de l’article «Moustache» de l’Encycopédie de Diderot et D’Alembert, 1751-1772

 

P.-S.—L’Oreille tendue a étudié la présence du XVIIIe siècle dans les quatre volumes de la série Malphas : Melançon, Benoît, «Pot-pourri. Le projet Voltaire», Cahiers Voltaire, 16, 2017, p. 189-192; repris, sous le titre «Drame sadovoltairien chez Patrick Senécal», dans Nos Lumières. Les classiques au jour le jour, Montréal, Del Busso éditeur, 2020, p. 82-88.

De l’économie avant toute chose

«On oublie trop souvent de respecter son lecteur.»

Pour le bénéfice (?) de ses étudiants, il arrive à l’Oreille tendue de pontifier en pinaillant (exemples ici).

Un de ses chevaux de bataille est la lutte, toujours perdue, contre l’abus des mots de transition. Elle est donc contente quand elle se trouve des alliés, par exemple Henri Bescherelle jeune, l’auteur de l’Art de la correspondance, nouveau manuel complet, théorique et pratique du style épistolaire et des divers genres de correspondance, suivi de modèles de lettres familières pour tous les usages de la correspondance. Premier volume — préceptes (Paris, E. Dentu, 1838).

Méditons-le :

Il faut faire une attention particulière à l’emploi des mots qui servent à lier soit les phrases, soit les membres de phrases; tels que mais, si, donc, car, et, etc. Ces mots, et d’autres semblables, reviennent souvent; ils déterminent la tournure d’un grand nombre de phrases, les joignent ensemble et marquent l’enchaînement et la suite des raisonnements. Il faut n’employer ces mots qu’au besoin, ne pas les multiplier, et en faire toujours un usage conforme à leur véritable destination (p. 49-50, cité par Sybille Grosse, p. 225 et p. 287).

P.-S.—L’épigraphe est aussi de ce Bescherelle-là (p. 203, cité par Sybille Grosse, p. 287).

 

Référence

Grosse, Sybille, les Manuels épistolographiques français entre traditions et normes, Paris, Honoré Champion, coll. «Linguistique historique», 8, 2017, 417 p.

La non-lettre du jour

«P.S. Je ne crois pas, mon père, que tu sois fâché de ne plus recevoir de lettres de bonne année. C’est un usage que le républicain doit annuler. Les bienfaits d’un père sont autrement; il n’y a point de jour marqué pour lui en témoigner la reconnaissance qui, dans un fils, doit être continuelle. N…

(Cette lettre peut servir en substituant le mot mère à celui de père.)»

Le Secrétaire des Républicains ou nouveaux modèles de lettres sur différens sujets, Paris, Barba, [1793], p. 10, cité dans Sybille Grosse, les Manuels épistolographiques français entre traditions et normes, Paris, Honoré Champion, coll. «Linguistique historique», 8, 2017, 417 p., p. 213.

 

[Complément du 9 janvier 2018]

Le duo féminin Garfunkel and Oates est beaucoup plus radical que le Secrétaire des Républicains dans son refus des lettres de fin d’année («Year End Letter», 2009).

(Merci à Jean-Patrice Martel pour le lien.)