Le chapeau qui va déborder

«Casque à la coquette», gravure de L.F. Labrousse (?), 1798-1799

Soit trois phrases.

«Je commençais à en avoir plein mon maudit casque de courir, de lever des poids ou de planter des arbres» (Attaquant de puissance, p. 21).

«J’en ai mon casse aussi» (les Singes de Gandhi, p. 30).

«Dans les années soixante-dix, les Québécois commencent à en avoir plein leur casque que des rivières et des forêts soient réservés à l’usage de quelques riches hommes d’affaires souvent originaires des États-Unis» (Taqawan, p. 177).

En avoir plein son casque, donc, «maudit» ou pas, prononcé «casse» ou pas. Au Québec, l’expression signifie qu’on en a marre, qu’on est tanné, qu’on en a plein le dos. L’exaspération et le ras-le-bol règnent.

Ce n’est pas agréable.

 

[Complément du 7 mai 2024]

Explication de François Hébert, dans Holyoke (1978) : «C’est drôle : en France, on dirait ras le bol; au Québec, plein le casque. Les deux ensemble, le bol et le casque, ça fait une sphère, bizarre évidemment : une sorte de tête artificielle…» (p. 41).

 

Illustration : «Casque à la coquette», gravure de L.F. Labrousse (?), 1798-1799, Rijksmuseum, Amsterdam

 

Références

Hébert, François, Holyoke. Les ongles noirs de Pierre. Roman, Montréal, Quinze, coll. «Prose entière», 1978, 300 p.

Hotte, Sylvain, Attaquant de puissance, Montréal, Les Intouchables, coll. «Aréna», 2, 2010, 219 p.

Plamondon, Éric, Taqawan. Roman, Montréal, Le Quartanier, coll. «Polygraphe», 13, 2017, 215 p.

Roy, Patrick, les Singes de Gandhi, Montréal, Le Quartanier, coll. «Nova», 8, 2013, 68 p.

Autopromotion 298

Gravure de Gilbert Schoute, 1715

La 315e livraison de XVIIIe siècle, la bibliographie de l’Oreille tendue, est servie.

Illustration : gravure de Gilbert Schoute pour Johannes Georgius Graevius, Cohors musarum, sive Historia rei literariæ, nec non historia bibliothecalis, Utrecht, J. van Poolsum, 1715, Rijksmuseum, Amsterdam

La culture épistolaire d’Emmanuel Macron

Dans son discours du 17 avril à Bercy, Emmanuel Macron, le candidat à l’élection présidentielle française, a cité — ô surprise ! — une lettre de Denis Diderot à Sophie Volland.

C’était à la 48e minute.

Sous les quolibets et les sifflets grivois de la foule — «Mais ne sifflez pas Diderot !» —, Macron évoque, «de mémoire», sourire aux lèvres, sous-entendus à la bouche, la «formidable» lettre du 10 juin 1759 :

Adieu, ma Sophie, bonsoir. Votre cœur ne vous dit-il pas que je suis ici [Diderot est chez Sophie Volland, qui n’y est pas] ? Voilà la première fois que j’écris dans les ténèbres. Cette situation devrait m’inspirer des choses bien tendres. Je n’en éprouve qu’une, c’est que je ne saurais sortir d’ici. L’espoir de vous voir un moment m’y retient, et je continue de vous parler, sans savoir si je forme des caractères. Partout où il n’y aura rien, lisez que je vous aime (éd. de 1997, p. 107).

Par souvenir épistolaire interposé, Emmanuel Macron dit à ses électeurs, même les absents («toutes celles et ceux qui ce soir ne sont pas là»), qu’il les aime.

Qui a dit que la culture de la lettre était morte ?

P.-S. — Merci à @PhDidi1713 pour le lien.

P.-P.-S. — Jeune homme, l’Oreille tendue avait cité cette lettre, mais pas dans un meeting politique (1996, p. 212).

 

[Complément du 7 mai 2017]

Dans un de ses deux discours de victoire, celui du Louvre, Emmanuel Macron a dit vouloir défendre «l’esprit des Lumières». Par lettre ?

 

[Complément du 10 juin 2020]

L’Oreille a repris ce texte, sous le titre «Emmanuel Macron, Diderot et Sophie Volland», dans le livre qu’elle a fait paraître au début de 2020, Nos Lumières.

 

[Complément du 27 juillet 2024]

Ceci, dans le quotidien le Monde du jour, sous le titre «Macron tente de renouer le fil avec ses députés» (p. 9) :

Faisant acte d’«humilité», aux dires de l’Élysée, Emmanuel Macron écoute aujourd’hui ses députés et s’excuse presque d’avoir été trop pris par sa fonction pour les recevoir plus souvent. Pour justifier ses absences, et parfois ses silences, «le chef de l’Etat évoque souvent la lettre de Diderot à Sophie Volland», dit-on à l’Élysée, celle où, lorsque la bougie s’éteint et que le philosophe écrit dans le noir, Diderot assure à sa bien-aimée : «Partout où il n’y aura rien, lisez que je vous aime.»

Ça devient une habitude.

 

Références

Diderot, Denis, Œuvres. Tome V. Correspondance, Paris, Robert Laffont, coll. «Bouquins», 1997, xxi/1468 p. Édition établie par Laurent Versini.

Melançon, Benoît, Diderot épistolier. Contribution à une poétique de la lettre familière au XVIIIe siècle, Montréal, Fides, 1996, viii/501 p. Préface de Roland Mortier. https://doi.org/1866/11382

Melançon, Benoît, Nos Lumières. Les classiques au jour le jour, Montréal, Del Busso éditeur, 2020, 194 p.

Autopromotion 294

Les Neveux de Voltaire, à André Magnan, 2017, couverture

Des amis du professeur André Magnan se sont regroupés pour lui rendre hommage. L’Oreille tendue est heureuse d’en être.

Gavoty, Stéphanie Géhanne et Alain Sandrier (édit.), les Neveux de Voltaire, à André Magnan, Ferney-Voltaire, Centre international d’étude du XVIIIe siècle, coll. «Publications de la Société Voltaire», 4, 2017, xxvi/296 p. ISBN : 978-2-84559-124-0; ISSN : 2104-6425.

Table des matières

«Avant-propos», p. vii-viii.

«“Je suis fidèle à toutes mes passions”. Biobibliographie d’André Magnan», p. xi-xxii.

Tabula gratulatoria, p. xxiii-xxvi.

Lire avec André Magnan

Dumesnil, Pierre, «Magnan», p. 3-4.

Saint Girons, Baldine, «La tendresse de Monsieur de V***», p. 5-8.

Duranton, Henri (et André Magnan), «Une bien étrange lettre de Frédéric II à Voltaire», p. 9-14.

Abramovici, Jean-Christophe, «À propos de quelques Magnan», p. 15-18.

Génétique des œuvres et des éditions voltairiennes

Brown, Andrew et Ulla Kölving, «Émilie Du Châtelet imprimeur ?», p. 21-33.

Smith, David, «La publication des Œuvres de Voltaire par Walther, 1752-1770», p. 35-44.

Van Strien, Kees, «Jean Neaulme et l’Abrégé de l’histoire universelle», p. 45-53.

Stenger, Gerhardt, «Voltaire annoté par lui-même : marginalia inédits sur la Collection complète envoyée à George Keate», p. 55-69.

Langille, Édouard, «Le “grand copiste”, ou deux sources de Zadig», p. 71-78.

Ferrier, Béatrice, «Un nouveau manuscrit de Pandore : genèse d’un opéra philosophique infléchi en ballet de cour, 1739-1745», p. 79-89.

Jacob, François, «Le sixième acte de l’Orphelin de la Chine», p. 91-95.

Penser comme Voltaire

Goldzink, Jean, «L’Orient à l’assaut de l’Infâme», p. 99-104.

Menant, Sylvain, «Voltaire écrivain : un dialogue à une voix», p. 105-108.

Sager, Alain, «Voltaire ou la dialectique du “ceci” et du “cela”», p. 109-116.

Masseau, Didier, «Voltaire et le bon ton», p. 117-120.

Herman, Jan, «Dimensions romanesques d’une définition voltairienne de l’Histoire. Autour de Charles XII», p. 121-130.

Droit d’inventaire : résonances et relectures

Décotte, Alain, «C’est qui, Voltaire ?», p. 133-135.

Melançon, Benoît, «Voltaire, Paris, 2015», p. 137-146. (Ce texte développe l’entrée de blogue qui se trouve ici.) https://doi.org/1866/28761

Pascal, Jean-Noël, «Un pasteur-poète anglican face à Voltaire et aux philosophistes modernes, Jean-Guillaume de La Fléchère, 1729-1785», p. 147-154.

Leufflen, Pierre, «De Voltaire à Victor Hugo, l’abbé Claude-Edmond Cordier de Saint-Firmin, 1743-1826, trait d’union entre le XVIIIe et le XIXe siècle», p. 155-162.

Carassou, Jérôme, «“Les philosophes ont dit aux rois, aux nobles, et aux prêtres…”», p. 163-166.

Métayer, Guillaume, «Voltaire, “l’Euripide de la France” ? Tragédie classique et philosophie selon Nietzsche et Benjamin Constant», p. 167-175.

Zaborov, Piotr, «Les vicissitudes de Candide en Russie», p. 177-181. Traduction de Jacques Prébet.

Commerces épistolaires

Bessire, François, «Le “phénomène” Voltaire vu par des contemporains 1769-1778», p. 185-191.

Siess, Jürgen, «Un jeu de rôles sur la scène épistolaire : Voltaire dans ses lettres à Maupertuis», p. 193-199.

Buffat, Marc, «Tancrède au jugement de Diderot», p. 201-211.

Richard-Pauchet, Odile, «Lettre ou ne pas l’être (à Sophie Volland) : le chef d’œuvre posthume de Diderot ?», p. 213-224.

Leca-Tsiomis, Marie, «L’affaire Calas de Diderot», p. 225-229.

Gil, Linda, «Lettres inédites de Voltaire et de Mallet de La Brossière, médecin de Montpellier, sur l’affaire Calas», p. 231-237.

Rieucau, Nicolas, «“Ne disons donc pas de mal des athées”. Une lettre originale de Condorcet à Voltaire», p. 239-243.

Par-delà Voltaire

Candaux, Jean-Daniel, «Mais non, les Dialogues chrétiens ne sont pas de Voltaire !», p. 247-254.

Hersant, Marc, «Les Infortunes de la vertu : le pathos foudroyé», p. 255-264.

Delon, Michel, «Le dérèglement des Cent vingt journées de Sodome», p. 265-270.

Leroy, Claude, «Congestion de lumière. Cendrars au chevet de Baudelaire», p. 271-278.

Auteurs, p. 279-280.

Index, p. 281-294.