«faites-lui votre cour, jouez avec lui, gagnez sa confiance, et son argent si vous pouvez, et enfin portez-le à s’en revenir ici»
Courtilz de Sandras, Mémoires de M. le marquis de Montbrun, Paris, Desjonquères, coll. «XVIIIe siècle», 2004, 250 p., p. 206. Texte établi, annoté et indexé par Érik Leborgne. Préface de René Démoris. Édition originale : 1701.
Dans le Devoirdu jour, Éric Desrosiers et Isabelle Porter racontent l’histoire du jeu de société Trivial Pursuit, sans évoquer sa double dimension voltairienne. Allons-y voir.
D’une part, le jeu, uniquement dans sa version québécoise, s’appelait à sa création Quelques arpents de pièges. (En France, c’était Remue-méninges. C’est dorénavant, partout, le titre anglais qui prime.)
L’allusion voltairienne est directe. Au début du vingt-troisième chapitre de Candide, le conte de Voltaire publié pour la première fois en 1759, «Candide et Martin vont sur les côtes d’Angleterre; ce qu’ils y voient», au moment où Candide discute avec Martin sur le pont d’un navire hollandais, on lit : «Vous connaissez l’Angleterre; y est-on aussi fou qu’en France ? — C’est une autre espèce de folie, dit Martin. Vous savez que ces deux nations sont en guerre pour quelques arpents de neige vers le Canada, et qu’elles dépensent pour cette belle guerre beaucoup plus que tout le Canada ne vaut.» (Pour une vidéo explicative sur l’expression «arpents de neige», c’est ici. Pour un florilège, là.)
D’autre part, sur le coffret de l’édition 1983 du Trivial Pursuit («Jeu maître – Édition Genus», Horn Abbot Ltée, Downsview, Ontario, Canada), il y avait cette inscription répétée deux fois : «Le superflu, chose très nécessaire, Voltaire.» On aura reconnu un vers célèbre du Mondain (1736).
Où est Voltaire ? Voltaire est partout.
P.-S.—En anglais, on renvoyait aussi au XVIIIe siècle : «“What mighty contests rise from trivial things.” Alexander Pope.»
P.-P.-S.—L’Oreille tendue a publié un petit texte sur cette double allusion en 2003 et elle le reprend partiellement dans un livre à paraître le 27 janvier 2020, Nos Lumières.
[Complément du 4 janvier 2020]
L’Oreille est parfois oublieuse. Ne faisant pas confiance à sa mémoire, elle conserve donc toutes sortes de choses. Ceci, par exemple, tiré de la Presse+ du 28 février 2016, dont elle avait oublié l’existence au moment de rédiger les lignes ci-dessus…