C’est tout

Comment, au Québec, dire que quelque chose est fini, et bien fini ?

«Jane’s Addiction : final bâton» (la Presse, 30 juin 2004, cahier LP2, p. 2).

«Fait que c’est ça qui est ça, final bâton» (Des histoires d’hiver […], p. 22).

Qui dit final bâton met un terme à la discussion.

N.B. Le second exemple est (quasi) pléonastique : «c’est ça qui est ça» a (presque) la même valeur que «final bâton» — une limite a été atteinte.

 

[Complément du 20 février 2017]

On peut même imaginer final bâton comme un terme, ainsi que le fait Marie-Pascale Huglo dans Montréal-Mirabel (2017) : «La mort circulait dans mon corps par tous les vaisseaux jusqu’à final bâton, je coulais» (p. 19).

 

[Complément du 27 juin 2019]

Variation musicale sur ce thème dans le Devoir du jour : «C’est Réal Desrosiers, le batteur de Beau Dommage, qui l’affirme sans hésiter une nanoseconde. Steve Gadd ? “Le meilleur batteur au monde, point final !” Final bâton, comme on disait. Final baguettes, en l’occurrence.»

 

Références

Huglo, Marie-Pascale, Montréal-Mirabel. Lignes de séparation. Récit, Montréal, Leméac, 2017, 152 p.

Robitaille, Marc, Des histoires d’hiver avec encore plus de rues, d’écoles et de hockey. Roman, Montréal, VLB éditeur, 2013, 180 p. Ill.

Vingt-septième article d’un dictionnaire personnel de rhétorique

Jean-François Vilar, Bastille tango, 1986, couverture

Style indirect libre

Définition

Façon de rapporter les paroles qui n’est ni le style direct («Je vous aime», dit-il) ni le style indirect (Il dit qu’il vous aime).

«C’est un discours qui se présente à première vue comme un style indirect (ce qui veut dire qu’il comporte les marques de temps et de personne correspondant à un discours de l’auteur), mais qui est pénétré, dans sa structure sémantique et syntaxique, par des propriétés de l’énonciation, donc du discours du personnage» (Dictionnaire encyclopédique des sciences du langage, p. 387).

«L’indirect libre […] a une légèreté qui l’apparente au discours direct, mais sa forme renvoie à une présence du narrateur derrière le personnage» (Gradus, éd. de 1980, p. 284).

Exemples

«Samedi, j’ai commencé par appeler le grand Pete mais ç’aurait été vraiment mieux que j’appelle pas parce que le père du grand Pete aime ça se lever tard au moins une maudite journée par semaine» (Des histoires d’hiver […], p. 15).

«Pierre arrêta sa voiture devant la maison des Boisrosé. C’était la consigne. Cependant, comme il était sept heures et demie passées et qu’Hedwige lui avait recommandé de ne pas monter “vu qu’on entrait chez elle par une impasse obscure mal éclairée par de vieux lumignons enfoncés dans le lierre, pas de pipelet et qu’il se perdrait certainement”, il se mit à corner, d’abord discrètement, puis à klaxoner à grand fracas» (l’Homme pressé, p. 93).

«Mon vélo cahotait sur les pavés disjoints. J’aime bien ce passage. Encore maintenant.
— Julio ? Il vient d’où ?
— Buenos-Aires.
Il terminait son travail tard le soir et il ne pouvait jamais s’endormir tout de suite. Il préférait passer ses nuits à bricoler des pellicules.
— Des pellicules ?
— Des films qu’il tourne lui-même, des chutes qu’il récupère» (Bastille Tango, p. 22).

«Mais, cette fois, elle s’emporta : il ne l’aimait donc pas qu’il la faisait traîner ainsi ? Qu’est-ce qu’il y avait, après tout, de si compliqué dans un mariage ?» (Happe-chair, p. 82)

 

Références

Ducrot, Oswald et Tzvetan Todorov, Dictionnaire encyclopédique des sciences du langage, Paris, Seuil, coll. «Points. Sciences humaines», 110, 1972, 470 p.

Dupriez, Bernard, Gradus. Les procédés littéraires (Dictionnaire), Paris, Union générale d’éditions, coll. «10/18», 1370, 1980, 541 p.

Lemonnier, Camille, Happe-chair, Bruxelles, Labor, coll. «Espace Nord», 92, 1994, 395 p. Préface d’Hubert Nyssen. Lecture de Michel Biron. Édition de 1908.

Morand, Paul, l’Homme pressé, Paris, Gallimard, coll. «L’imaginaire», 240, 1990, 332 p. Édition originale : 1941.

Robitaille, Marc, Des histoires d’hiver avec encore plus de rues, d’écoles et de hocke. Roman, Montréal, VLB éditeur, 2013, 180 p. Ill.

Vilar, Jean-François, Bastille tango. Roman, Paris, Presses de la Renaissance, 1986, 279 p.

La bibliothèque idéale de l’amateur de hockey

Jeff Lemire, Essex County, 2009, couverture

Quels livres l’amateur de hockey devrait-il impérativement avoir dans sa bibliothèque ? Voici cinq suggestions de l’Oreille tendue, par ordre alphabétique d’auteur.

Ken Dryden, The Game (1983).

Un Canadien anglais en visite ethnographique chez les Québécois. Un cérébral du côté du corps.

Ce livre a été traduit en français sous le titre l’Enjeu (1983), puis sous le titre le Match (2008). Les (ré)éditions anglaises pullulent.

Ken Dryden, qui a été gardien de but pour les Canadiens de Montréal, a aussi écrit la préface à la pièce de théâtre les Canadiens de Rick Salutin (1977) et collaboré à un ouvrage avec Roy MacGregor, Home Game. Hockey and Life in Canada (1989), entre autres publications (livres, articles, etc.).

François Gravel, le Match des étoiles (1996).

François Gravel est un auteur prolifique, pour les jeunes et les autres. Plusieurs de ses livres portent sur le hockey. Le Match des étoiles est le plus fin, le moins appuyé.

Jeff Lemire, Essex County (2009).

La meilleure bande dessinée sur le hockey. En anglais.

Roy MacGregor, The Last Season (1983).

L’auteur est journaliste et l’auteur de plusieurs livres sur le hockey, seul ou avec d’autres. Il a notamment signé la série de romans pour la jeunesse «Screech Owls»; certains ont été traduits en français dans la collection «Carcajous» (Boréal).

The Last Season raconte la dernière saison d’un goon, Felix Batterinski, et bien plus encore.

(Roy MacGregor a préfacé la traduction anglaise d’un livre de l’Oreille.)

Marc Robitaille, Des histoires d’hiver, avec des rues, des écoles et du hockey. Récit (1987); nouvelle édition sous le titre Des histoires d’hiver avec encore plus de rues, d’écoles et de hocke. Roman (2013).

C’est un roman (la couverture le dit), sous la forme de souvenirs d’enfance (l’année scolaire et la saison de hockey 1966-1967 au Québec). Le hasard fait que ce pourraient être, en bonne partie, ceux de l’Oreille.

L’iconographie, en 2013 mieux encore qu’en 1987, est somptueuse.

Voir aussi le film qu’en a tiré François Bouvier en 1998, Histoires d’hiver.

Quelle serait la liste des lecteurs de l’Oreille ? Propositions bienvenues.

 

[Complément du 27 octobre 2014]

L’Oreille tendue, dans son panthéon, fera dorénavant place à Numéro six d’Hervé Bouchard (2014). Pourquoi ? Voyez ici.