Prolégomènes à une encyclopédie inutile du périfécal en hockey

Crottin de cheval

Un esprit non averti pourrait être étonné d’entendre tel vers de la chanson «Le but» de Loco Locass (2009) : «À une époque où les pucks étaient faites de crottin.» Pucks ? Crottin ?

La puck — toujours au féminin, malgré des rumeurs en sens contraire — est la rondelle, élément indispensable au hockey. Exemple : «Passe-moé la puck», chanson des Colocs (1993).

Le crottin — dont il n’est peut-être pas indispensable de donner une définition — était (est ?) la matière utilisée, par grand froid, pour façonner des rondelles. C’est un des lieux communs de la langue du hockey, avec, notamment, fantôme et flambeau. Comme les autres, il a un fort parfum de nostalgie.

Certains évaluent le recours à ce moyen de fortune par des propos techniques. C’est le cas de Frank Selke, l’ancien directeur-gérant des Canadiens de Montréal, dans ses Mémoires, Behind the Cheering (1962), qui évalue au plus près la longévité du crottin gelé : «A well-frozen horse bun would often last a whole period» (p. 8). Trent Frayne, dans ses Mad Men of Hockey (1974), devient presque lyrique quand il se remémore le bon vieux temps de ces rondelles «idéales» :

People who regard the word horseshit merely as an uncouth expletive have led sheltered lives; horses drop round balls when they raise their tails for their morning smile. Frozen, these horse balls serve ideally as pucks (p. 129-130).

C’est par le crottin de cheval que sa grandeur serait venue à Howie Morenz, une des étoiles des années 1920-1930. C’est du moins ce qu’avance un personnage de la courte pièce Life After Hockey de Kenneth Brown (1985) lorsqu’il fait revivre le passé :

‘Course before that, they’d play on any kind of an old slough, piece of horseshit for a puck. Don’t mind I missed it. Mind you, Howie Morenz grew up playing like that, and he was the greatest hockey player ever lived (p. 11).

Roch Carrier, dans sa biographie de Maurice Richard parue en 2000, parle lui aussi de «crotte de cheval gelée» (p. 23).

Selke, Frayne, Brown et Carrier préfèrent les excréments des équidés. Dessin à l’appui (!), Helaine Becker, l’auteure de Drôles d’histoires de hockey (2010), est œcuménique : les premiers joueurs de hockey «ne s’inquiétaient pas trop de savoir ce qu’ils frappaient : des pierres, des morceaux de bois, des vieux fruits tout rabougris, des morceaux de charbon et même des bouses de vache ou du crottin de cheval gelés !» (p. 19) Jason Blake, dans son ouvrage panoramique Canadian Hockey Literature, évoque lui aussi les déjections des bovidés (p. 36). Cela peut paraître contradictoire avec un passage plus tardif de son livre, quand il parle des «road apples» (p. 57), ces «pommes de route» qui sont bien le propre du cheval.

Quoi qu’il en soit, crottin il y eut : preuve de débrouillardise et signe d’amour (du jeu).

Le crottin ne sert pas qu’à la fabrique de rondelles. Selon Jeanot Donfut, dans un documentaire télévisé intitulé Hockey Lessons (2000), il serait aussi possible de mettre cette matière à contribution pour ériger les poteaux des buts. C’est plus rare, et plus hasardeux architecturalement.

Inversement, en quelque sorte, il arrive que des objets divers puissent tenir lieu de rondelle, sans qu’il s’agisse de crottin. Selon Roy MacGregor, dans The Home Team (1995), l’un des joueurs les plus célèbres de tous les temps, Gordie Howe, aurait déjà joué avec un rat mort à l’aréna Joe-Louis de Détroit (p. 147). Diane Dufresne (1973), elle, fait dans le cosmique, dans la chanson «La joute des étoiles», paroles de Luc Plamondon, musique de François Cousineau :

La terre est mise au jeu au milieu de la Voie lactée
Les dieux de l’univers sont venus se la disputer

L’incipit de la Guerre, yes sir ! (1968) de Roch Carrier, qui n’est pas encore le biographe de Maurice Richard, raconte l’automutilation du personnage de Joseph (p. 9-10). Par refus d’aller à la guerre, celui-ci se coupe la main gauche à la hache (de la droite, donc). Quelques pages plus loin, sa femme croise des enfants qui jouent au hockey dans la rue. Elle imagine qu’ils se servent d’un crottin chevalin (p. 30). Erreur :

Elle s’agenouilla et ramassa l’objet que se disputaient les gamins avec leurs bâtons, la main coupée de son mari. Les doigts étaient refermés et durs comme la pierre. Les coups de bâtons avaient laissé des marques noires. Madame Joseph la mit dans la poche de son manteau de fourrure et elle rentra chez elle en annonçant aux gamins étouffés de rire que le diable les punirait de l’enfer (p. 32).

De façon moins spectaculaire, plusieurs se contentent de charbon, par exemple chez le Mordecai Richler de Dispatches from the Sporting Life (p. 250) ou chez le Jeanot Donfut déjà cité.

La réalité et l’imagination sportives n’ont guère de limites.

P.-S. — Au Québec, on parle aussi de disque, d’objet, de caoutchouc, voire de «la noire» (dixit Pat Burns). En certaines contrées, on voit, au lieu de rondelle, palet, comme dans la bande dessinée Palet dégueulasse (2004). Non, trois fois non.

 

[Complément du 29 juin 2018]

Dans un livre de souvenirs, De l’avantage d’être né (2018), Jacques Godbout évoque l’Office national du film du Canada : «on trouve parfois une atmosphère ludique créée par les monteurs épuisés, transformés en grands adolescents après une longue journée de travail, cigarette au bec et tasse de café à la main, qui jouent en criant et en riant au hockey bottine avec un noyau de bobine en guise de rondelle».

 

[Complément du 20 août 2018]

Pourquoi pas avec un boîte de conserve ? Voyez la Bête creuse (2017), de Christian Bernard :

Ça allait pas bien chez eux, et il était sorti traîner, pour finir les mains dans les poches au bord d’une patinoire de fond de cour à observer, le vague à l’âme, les Canadiens français chaussés de patins de cuir qui poussaient une canne de conserve avec des bâtons comme t’en retrouves pas en forêt (p. 16).

 

[Complément du 26 décembre 2022]

Il n’y a pas que le hockey dans la vie, comme l’atteste cette citation d’un recueil de chroniques et de monologues de Fabien Cloutier : «Son ballon [de soccer] / c’est de la fiente d’éléphant / qu’y ont sculptée pis faite sécher en boule» (2022, p. 124).

 

[Complément du 2 janvier 2023]

Plus récente occurrence dans le Meilleur de La vie est une puck (2022) : «Guyle Fielder est né en 1930 à Potlach en Idaho. Il n’a pas encore deux ans quand sa famille déménage en Saskatchewan. Comme tout bon jeune Canadien de l’époque, il apprit très tôt à jouer au hockey. Et question de renforcer le mythe du jeune hockeyeur des Prairies, il aurait appris à jouer au hockey avec des crottes de cheval gelées en guise de rondelles» (p. 188-189).

 

[Complément du 3 janvier 2024]

Dans Indian Horse (2012), de Richard Wagamese, le personnage qui donne son titre au roman, Saul Indian Horse, évoque plusieurs rondelles de substitution : des balles (éd. de 2013, p. 112), des boîtes de conserve découpées et remplies de terre (p. 122), une boulette de ruban (p. 220).

Sa préférence — façon de parler — va toutefois au crottin de cheval glacé (la pomme de route au Québec, horse turd dans le roman). Enfant, dans un pensionnat autochtone, il s’entraîne avec ce succédané, ce «substitute puck» (p. 61). Le crottin est précieux et il faut le protéger : «I moved it carefully so I wouldn’t break the turd» (p. 61); «The turds were precious and I worked at not breaking them» (p. 66).

Quand il se met à jouer dans des équipes organisées, la matière fécale devient une des nombreuses formes de racisme dont il est victime. On en lance sur la glace devant lui et ses coéquipiers : «once someone threw horse turds on the ice in front of our bench» (p. 164).

Pourquoi ? Parce que l’entraînement d’Indian Horse a porté fruit. Il est le meilleur sur la glace. À cause de ses origines, on ne le lui pardonne pas.

 

Illustration : «Horse feces of free-roaming basque mountain horses. Sierra de Badaia, Los Goros Canyon. Álava, Basque Country, Spain», 2016, photo déposée sur Wikimedia Commons

 

Références

Becker, Helaine, Drôles d’histoires de hockey, Toronto, Éditions Scholastic, 2010, 148 p. Illustrations de Bill Dickson. Texte français de Dominique Chichera-Mangione.

Bernard, Christophe, la Bête creuse. Roman, Montréal, Le Quartanier, coll. «Polygraphe», 14, 2017, 716 p.

Blake, Jason, Canadian Hockey Literature. A Thematic Study, Toronto, University of Toronto Press, 2010, x/265 p.

Brown, Kenneth, Life After Hockey, Toronto, Playwrights Union of Canada, 1985, 36 p. Texte polycopié.

Carrier, Roch, la Guerre, yes sir ! Roman, Montréal, Éditions du Jour, coll. «Les romanciers du Jour», R-28, 1970 124 p. Rééditions : Montréal, Stanké, coll. «10/10», 33, 1981, 137 p.; Montréal, Stanké, 1996, 141 p.; dans Presque tout Roch Carrier, Montréal, Stanké, 1996, 431 p.; Montréal, Éditions internationales Alain Stanké, coll. «10/10», 2008, 112 p. Édition originale : 1968.

Carrier, Roch, le Rocket, Montréal, Stanké, 2000, 271 p. Réédition : le Rocket. Biographie, Montréal, Éditions internationales Alain Stanké, coll. «10/10», 2009, 425 p. Version anglaise : Our Life with the Rocket. The Maurice Richard Story, Toronto, Penguin / Viking, 2001, viii/304 p. Traduction de Sheila Fischman.

Cloutier, Fabien, l’Allégorie du tiroir à ustensiles. Chroniques et monologues pour se replonger dans les années 2018-2022, Montréal, Lux éditeur, 2022, 224 p. Dessins de Samuel Cantin.

Les colocs, «Passe-moé la puck», les Colocs, 1993, 3 minutes 27 secondes, disque audionumérique, étiquette Disques ITI et Éditions Solodarmo.

Dolbec, Michel et Leif Tande, le Poulpe. Palet dégueulasse, Montpellier, 6 pieds sous terre Éditions, coll. «Céphalopode», 12, 2004, 89 p. Bande dessinée.

Dufresne, Diane, «La joute des étoiles», À part de d’ça j’me sens ben. Opéra cirque, 1973, 1 minute 39 secondes, disque 33 tours, étiquette Barclay 80172.

Frayne, Trent, The Mad Men of Hockey, Toronto, McClelland & Stewart Limited, 1974, 191 p. Ill.

Godbout, Jacques, De l’avantage d’être né, Montréal, Boréal, 2018, 288 p. Édition numérique.

Gravel, Mathieu, Étienne Hallé, Benoit Harbec et Martin Sasseville, le Meilleur de La vie est une puck. Une collection de quelques-uns des meilleurs textes, billets, articles ou niaiseries parus sur le blogue La Vie Est Une Puck depuis sa création en 2009, (s.l.), La vie est une puck, 2022, 284 p. Ill.

Hockey Lessons, émission de télévision de 25 minutes, 2000. Réalisation : John Hudecki. Production : Paul Hunt et Five Corners Communications, en association avec Vision TV. Série «Living Memories».

Loco Locass, «Le but», 2009, 5 minutes 8 secondes, fichier audionumérique.

MacGregor, Roy, The Home Team. Fathers, Sons and Hockey, Toronto, Viking, 1995, 325 p. Ill.

Richler, Mordecai, Dispatches from the Sporting Life, Toronto, Vintage Canada, 2003, xxii/295 p. Foreword by Noah Richler. Édition originale : 2002.

Selke, Frank J., with H. Gordon Green, Behind the Cheering, Toronto, McClelland and Stewart, 1962, 191 p. Ill.

Wagamese, Richard, Indian Horse. A Novel, Madeira Park, Douglas & McIntyre, 2013, 220 p. Édition originale : 2012.

Transformation de l’extrême

Que le mot extrême nous assaille quotidiennement ne devrait plus être à démontrer. En son honneur, l’Oreille tendue inaugure aujourd’hui une nouvelle catégorie (en bas, à droite).

L’on sait peut-être moins que ce mot, en son acception actuelle, a une (courte) histoire.

Prenons le cas de sports extrêmes, paire banale entre toutes. À l’origine, sports de l’extrême lui faisait concurrence. On voit les deux formes cohabiter dans le dossier de la revue Terminogramme (mai 1997) intitulé «Le français et les sports».

Dans le même ordre d’idées, Christiane Tetet, en 2000, recense «jeux de l’extrême» (p. 508) à côté d’«acrobatie extrême» en motocyclisme (p. 514), et «alpinisme extrême» (p. 520) en même temps qu’«alpinisme/escalade de l’extrême» (p. 524 n. 44).

L’histoire, elle, a tranché.

P.-S. — Que sont ces sports (de l’)extrême(s) ? ULM, canyoning, parapente, funboard, bodyguard et surf. Rien là pour l’Oreille tendue.

 

Références

Terminogramme. Bulletin de recherche et d’information en aménagement linguistique et en terminologie, 82, mai 1997, p. 2-13. Dossier «Le français et les sports».

Tetet, Christiane, «Le vocabulaire des sports et des loisirs sportifs», dans Gérald Antoine et Bernard Cerquiglini (édit.), Histoire de la langue française 1945-2000, Paris, CNRS éditions, 2000, p. 503-526.

Pléonasme sportif du jour ?

Peut-être l’ignoriez-vous, mais Alexander Avtsin, l’ailier russe repêché par les Canadiens de Montréal, «demeure un projet hypothétique». C’était écrit dans la Presse du 4 février (cahier Sports, p. 5).

Qu’est-ce qu’un «projet hypothétique», vous demandez-vous ?

En termes de hockey, un projet est un joueur dont on espère beaucoup, mais dont on n’est pas sûr qu’il donnera le rendement escompté. L’équipe qui l’embauche doit donc s’armer de patience, car son développement est… hypothétique.

Soit, dans la Presse, il s’agit d’un banal pléonasme, soit Avtsin devrait s’inquiéter pour son avenir, peut-être plus encore hypothétique que celui des autres projets de son club.

Héritage hockeyistique

L’autre jour, l’Oreille tendue rappelait la place tenue par les fantômes du Forum dans la mythologie — et le vocabulaire — entourant, au hockey, les Canadiens de Montréal. Or qui dit fantôme dit flambeau. Allons-y voir.

***

Les murs du vestiaire des Canadiens, du temps de l’ancien Forum, comportaient nombre de citations. Certaines étaient en anglais («There’s always a reason» / «Il y a toujours une raison»), d’autres en latin («Celeritas—Auctoritas—Æternaque» / «Rapidité—Autorité—Éternité»). À côté d’une phrase d’Abraham Lincoln, les joueurs pouvaient lire une exhortation du militaire John McCrae dans «In Flanders Field» apparue sur les murs du vestiaire au mitan du XXe siècle : «Nos bras meurtris vous tendent le flambeau, à vous toujours de le porter bien haut» («To you from failing hands we throw / The torch; be yours to hold it high»). Cette citation, en français d’un côté, en anglais de l’autre, orne encore aujourd’hui les murs du vestiaire de l’équipe locale au Centre Bell, l’ex-Centre Molson; on peut la voir ici ici [nouveau lien]. [Complément du 9 mai : on trouve la même citation dans le vestiaire du centre d’entraînement des Canadiens à Brossard.]

Voilà le flambeau que les joueurs de l’équipe devraient se passer de génération en génération. C’est un des symboles les plus ressassés de la geste hockeyistique montréalaise, voire l’«image suprême» selon Daniel Lemay, qui raconte l’histoire du poème dont sont tirés ces vers en 2009.

Contentons-nous de quelques exemples, ou séries d’exemples, venus de domaines variés, histoire de montrer que le flambeau fait désormais partie du vocabulaire sportif à Montréal. L’expression passer le flambeau y a un sens connoté plus fortement qu’ailleurs.

***

Le 30 mai 2000, de 8 heures à 22 heures, le corps du joueur le plus célèbre de l’histoire des Canadiens de Montréal, Maurice Richard, est exposé en chapelle ardente au Centre Molson de Montréal. (Il est mort le 27.) Le cercueil reposait sur la surface de jeu. La mise en scène insistait sur la solennité de l’événement. La famille de Richard se tenait près du cercueil. Deux affiches géantes représentaient celui que l’on surnomme «le Rocket» : l’une, en noir et blanc, était une photo ancienne qui mettait en valeur le regard du joueur; l’autre, en couleurs, montrait Richard revêtu du chandail rouge des Canadiens, son chandail numéro 9 bien sûr, un flambeau à la main. Plus de 115 000 fidèles auraient défilé devant le cercueil ouvert de leur idole. Ils pouvaient laisser un témoignage en signant un registre installé dans un chapiteau situé près du Cours Windsor, à côté du Centre Molson. Paul Daoust, en 2006, puis Michel Foisy et Maurice Richard fils, en 2008, ont donné à lire quelques-uns des textes inscrits sur ces registres. Il y est doublement question de flambeau : Maurice Richard était lui-même un flambeau; il faut désormais transmettre le flambeau qu’il vient de laisser aux siens.

Les chansons en français qui, «bras meurtris» à l’appui, portent le flambeau sont nombreuses, et récentes : «J’irai au sommet pour toi» (Marie-Chantal Toupin, 2005), «Le fantôme du Forum» (Mes Aïeux, 2008), «La 25ième» (Annakin Slayd, 2009), «Les Habitants (GO Habs GO !)» (Vilain Pingouin, 2009), «Le but» (Loco Locass, 2009), «Toronto» (Jean-François Lessard, 2010). Il y en a aussi en anglais, par exemple «Maurice Richard» de Mike Ford, sur l’album Canada Needs You. Volume Two (2008) :

Maurice Richard
They’ll never drag you down
We’ll carry your torch high
All through this town

La série de films intitulée les Boys regorge d’allusions aux traditions, grandes et petites, du hockey. Dans le quatrième titre de la série (2005), pendant le mariage (gai) de Jean-Charles (Yvan Ponton) et Christopher (Jean Petitclerc), Bob (Marc Messier) adoube par le feu Martin, le personnage joué par Réal Béland. Il est explicitement question du flambeau de l’équipe tricolore.

Enfin : le fondateur du site tricolore.ca, Daniel Bigras, en avril 2009, fournissait au journal la Presse une photo de son bras droit. Il s’y est fait tatouer la version française du poème de McCrae, surmontée de deux mains, l’une passant un flambeau à l’autre. (Sur le bras gauche, il s’est fait tatouer le chandail de Maurice Richard et le drapeau du Québec.) Difficile d’être plus clair dans ses allégeances.

Tatouage, flambeau, Canadiens de Montréal

Cette accumulation de références au flambeau — dont on ne trouve ici que quelques traces parmi une foule d’autres — explique peut-être la réaction d’Yves Boisvert dans la Presse du 4 décembre 2009 : «Vite, vite, qu’on en finisse avec ce centenaire qui a duré 100 ans. Leurs bras meurtris ne tendent plus le flambeau, ils nous assomment avec.»

 

[Complément du 26 septembre 2011]

Vous cherchez une lecture théologique des vers de John McCrae ? Elle existe, bien sûr, dans Une théologie du Canadien de Montréal (2011) d’Olivier Bauer (p. 146-151).

 

[Complément du 29 octobre 2013]

Le flambeauthe torch»), depuis plusieurs années, fait partie de la stratégie de mise en marché des Canadiens. Exemple récent : la page d’accueil du site de l’équipe en date d’aujourd’hui.

Site des Canadiens de Montréal

On notera aussi la forte présence du langage religieux. En français : «fidèles», «pèlerinages», «sacrifices», «miracles», «sacrés», «temple», «sainte-flanelle», «levez-vous». En anglais : «sainte-flanelle», «passion», «faith», «pilgrimages», «sacrifices», «miracles», «sacred», «grace», «temple», «rise».

Merci à @bauer_olivier d’avoir attiré l’attention de l’Oreille sur ce texte.

 

[Complément du 21 avril 2014]

Le troisième match des séries éliminatoires entre les Canadiens et le Lightning de Tampa Bay, mais le premier disputé à Montréal, a été présenté hier soir.

Durant la cérémonie d’avant-match, le flambeau a joué un rôle important, notamment quand un jeune garçon, flambeau à la main, a «allumé» la glace du Centre Bell. À voir ci-dessous. (Merci à @NieDesrochers pour le lien.)

 

 

 

[Complément du 27 octobre 2014]

Le flambeau passe aussi de main de gardien (Ken Dryden, à droite) à main de gardien (Carey Price). Cérémonie d’avant-match, match d’ouverture, Centre Bell, Montréal, 16 octobre 2014.

Ken Dryden passe le flambeau à Carey Price, Centre Bell, 16 octobre 2014

 

 

[Complément du 21 juin 2017]

On annonce le lancement d’un nouveau chandail des Canadiens. L’intérieur de son col réjouira les amateurs de devises.

Col intérieur du nouveau chandail des Canadiens

 

[Complément du 11 novembre 2018]

À défaut de bras meurtris, Twitter connaît les mains meurtries.

Compte Twitter Nos mains meurtries

 

[Complément du 18 juin 2021]

Variation pandémique : «Nos bras vaccinés vous tendent le flambeau, à vous toujours de le porter bien haut» (la Presse+).

 

Références

Bauer, Olivier, Une théologie du Canadien de Montréal, Montréal, Bayard, coll. «Religions et société», 2011, 214 p. Ill.

Boisvert, Yves, «La maudite nostalgie du CH», la Presse, 4 décembre 2009, p. A5.

Bujold, Miguel, «Le CH dans la peau», la Presse, 16 avril 2009, cahier Sports, p. 7.

Daoust, Paul, Maurice Richard. Le mythe québécois aux 626 rondelles, Paroisse Notre-Dame-des-Neiges, Éditions Trois-Pistoles, 2006, 301 p. Ill.

Foisy, Michel et Maurice Richard fils, Maurice Richard. Paroles d’un peuple, Montréal, Octave éditions, 2008, 159 p. Ill.

Lemay, Daniel, «Le flambeau ? Les bras meurtris ?», la Presse, 15 avril 2009, cahier Sports, p. 4.

Effets de lames

Patiner — chacun le sait — est un des grands plaisirs de la vie. L’Oreille tendue pense bien sûr au patinage décontracté, et non au patinage «extrême» (la Presse, 28 janvier 2007, p. S8; le Devoir, 3-4 mars 2007, p. A6; le Devoir, 12 janvier 2010, p. A4).

Les sceptiques n’ont qu’à revoir la scène d’ouverture du film Mystery, Alaska (1999) : il faudrait avoir un cœur de glace pour ne pas être convaincu.

À Montréal, on peut patiner à l’intérieur — c’est toujours un brin compliqué — ou à l’extérieur. Dans la Presse du 22 janvier, Daniel Lemay, sous le titre «Sur les ronds de Montréal» (p. A18-A19), dresse un utile état des lieux. (Un reproche, cependant : il faudrait dire, et déplorer, que le patinage en silence est de plus en plus difficile, sinon carrément impossible, aujourd’hui, à Montréal, où la musique paraît être de rigueur sur beaucoup des plus belles patinoires, celle du lac aux Castors, par exemple.) On peut aussi cliquer ici pour une carte.

Pourquoi parler de «ronds» ? Parce que le mot désigne, au Québec, une patinoire extérieure, quelle qu’en soit la forme.

Le vocabulaire de la glace a aussi donné naissance à l’expression (ne pas) être vite sur ses patins. On imagine aisément qu’il vaut mieux l’être, que pas.

Si ne pas être vite sur ses patins existe au figuré, c’est que cela existe au sens propre. L’Oreille, en plein air et en pleine action, le démontre clairement ici. Âmes sensibles s’abstenir.