De Stockholm à Montréal

L’Oreille le disait hier : la fin de semaine dernière, la Ligue nationale de hockey a mis ses joueurs en lock-out.

Certains ont déjà accusé les uns (les propriétaires) ou les autres (les joueurs), voire les deux, de «prendre en otage» les partisans.

Cela pose un problème.

Habituellement, quand on les prend, les otages ne sont pas sympathiques à ceux qui les prennent. S’il leur arrive de le devenir, on parle du syndrome de Stockholm. Celui-ci, selon Wikipédia, «désigne la propension des otages partageant longtemps la vie de leurs geôliers à développer une empathie, voire une sympathie, ou une contagion émotionnelle avec ces derniers».

Au hockey, la situation est bien différente : en temps normal, les otages (les partisans) partagent, en quelque sorte, «la vie de leurs geôliers» (joueurs et propriétaires) et, souvent, sympathisent avec eux. Ils ne les privent de leur empathie et de leur émotion qu’au moment des conflits de travail.

Pour résumer : d’une part, des personnes qui ne sont pas sympathiques à leurs kidnappeurs, mais qui, une fois enlevées, le deviennent et le restent; de l’autre, des personnes sympathiques à leurs ravisseurs, qui s’en éloignent pendant la «prise d’otage», pour s’en rapprocher une fois le conflit terminé (si le passé est garant de l’avenir).

Comment appeler cette étrange attitude ? Le syndrome de l’aréna ? Le syndrome de Montréal ?

Langue de lock-out

La Ligue nationale de hockey a mis ses joueurs en lock-out. Comment dire les conséquences de cela ?

Il y a le registre biblique : «Avec le lock-out vient l’exode» (Métro, 17 septembre 2012, p. 1).

Un partisan, interrogé dans un vox-pop, préférait la culture grecque : «Tragique. Ouin. Tragique » (merci à @OursAvecNous).

En matière littéraire, on peut faire appel à George Orwell : «Le lock-out de Big Brother

L’Oreille tendue ne sait pas si René Homier-Roy est fin psychologue, mais, le 17 septembre, à son émission radiophonique, C’est bien meilleur le matin, l’animateur disait du lock-out qu’il était un «psychodrame».

Il était prévisible qu’apparaissent de mauvais jeux de mots propres au sport concerné. La Presse : «La saison sur la glace» (17 septembre 2012, cahier Sports, p. 1).

Le lock-out pourrait pourtant avoir du bon : «Sans lock-out, le renvoi de Louis Leblanc à Hamilton aurait été la source d’une guerre civile autour du Centre Bell et dans les tribunes téléphoniques» (la Presse, 18 septembre 2012, cahier Sports, p. 3). Heureusement, on aura évité cette «guerre civile».

On pourrait donc «Survivre au lock-out de la LNH» (la Presse, 19 septembre, cahier Arts, p. 1).

Le lock-out a six jours. La saison ne devait commencer qu’au début octobre. Ça sera long longtemps.

P.-S. — Une chose est sûre : comme le faisait remarquer @PimpetteDunoyer sur Twitter, si le conflit dure quelques jours, ce sera une «saga».

Festival (orange)

On le sait : rien de tel que les festivals pour rassembler les Québécois. Il y en a de toutes sortes dans la Belle Province, à l’année longue.

La chose est tellement populaire que le mot qui la désigne a migré de ses usages circonscrits (le Festival du cochon de Sainte-Perpétue, par exemple) vers un emploi plus extensif. Deux exemples.

Au football (le canadien ou l’américain, pas le soccer), quand l’arbitre jette (trop) souvent son mouchoir (orange) — c’est le signe qu’une infraction a été commise —, on parle, du moins dans l’environnement sportif de l’aîné de l’Oreille tendue, de «festival du mouchoir».

À la radio de Radio-Canada, le 18 septembre, une mairesse d’arrondissement montréalais(e) se plaignait de la difficulté de circuler à Montréal. Ce serait la faute au «festival des cônes orange».

Des festivals ? Il y en a pour tous les goûts.

Restauration italienne + cônes orange = corruption ?

Autopromotion 037

L’Oreille tendue en pleine gloire adolescente
L’Oreille tendue en pleine gloire adolescente

Tout à l’heure, entre 9 h et 10 h, au micro de Franco Nuovo (Dessine-moi un dimanche), à la radio de Radio-Canada, l’Oreille tendue causera langue et baseball.

Il sera question de ceci.

Il ne devrait pas être question de la photo ci-dessus.

 

[Complément du jour]

On peut (ré)entendre l’entretien et l’Oreille s’emmêler les pinceaux en latin ici.

La situation pourrait-elle devenir problématique ?

Daniel Grenier, Malgré tout on rit à Saint-Henri, 2012, couverture

Degré zéro de l’expression, sans adresse.

«C’est quoi le problème ?» (Hockey de rue, p. 108)

On monte d’un cran quand l’interlocuteur est visé.

«C’est quoi ton problème ? demanda Anou en enfilant son chandail» (Meurtres sur la côte, p. 149).

L’ajout d’un juron rend la menace plus nette.

«C’est quoi ton estie de problème ?» (Malgré tout on rit à Saint-Henri, p. 237)

Dans ces exemples, le / ton problème ? est une interrogation purement rhétorique : il ne s’agit ni de s’enquérir ni de compatir, mais de faire taire — avec des degrés d’intensité divers.

 

Références

Grenier, Daniel, Malgré tout on rit à Saint-Henri. Nouvelles, Montréal, Le Quartanier, coll. «Polygraphe», 07, 2012, 253 p.

MacGregor, Roy, Meurtres sur la côte, Montréal, Boréal, coll. «Carcajous», 12, 2008, 162 p. Traduction de Marie-Josée Brière. Édition originale : 2000.

Skuy, David, Hockey de rue, Montréal, Hurtubise, 2012, 232 p. Traduction de Laurent Chabin. Édition originale : 2011.