Autopromotion 019

L’Oreille tendue a récemment consacré trois textes à des prolégomènes à propos de la bande dessinée (BD) sur le hockey (H), principalement au Québec (Q). C’était le 12 décembre, le 23 décembre et le 28 décembre.

Elle causera de cette BDHQ au micro de Franco Nuovo, à l’émission Dessine-moi un dimanche, à la radio de Radio-Canada, ce matin, entre 9 h et 10 h.

 

[Complément du jour]

On peut (ré)entendre l’entretien ici, à partir de la seizième minute.

 

[Complément du 2 juin 2016]

L’Oreille tendue vient de publier un article sur ce sujet :

Melançon, Benoît, «BDHQ : bande dessinée et hockey au Québec», dans Benoît Melançon et Michel Porret (édit.), Pucks en stock. Bande dessinée et sport, Chêne-Bourg (Suisse), Georg, coll. «L’Équinoxe. Collection de sciences humaines», 2016, p. 101-117. https://doi.org/1866/28749

L’Oreille trouve enfin un pouce

Le premier courriel provenait d’un lecteur du Dictionnaire québécois instantané. Le second, de l’agent de l’Oreille tendue qui a infiltré la capitale de la Belle Province. Les deux parlaient du nouveau sens de l’expression faire du pouce

(Nouveau sens ? Au Québec, faire du pouce ou partir sur le pouce revient habituellement à pratiquer l’autostop.)

L’Oreille tendue avait noté la chose, mais elle n’avait jamais rencontré elle-même cette nouvelle acception. Depuis un tweet de @cvoyerleger du 4 janvier, c’est chose faite : «Le spécialiste, c’est vous! Vraiment? http://t.co/tpHVU0ys La Fondation Chagnon fait du pouce sur un lieu commun.» Voilà : faire du pouce sur. Mais qu’est-ce à dire ?

Les deux épistoliers de l’Oreille lui proposaient des définitions semblables : dans une réunion, qui fait du pouce sur quelqu’un reprend l’idée d’un autre, la prolonge, voire se l’approprie. C’est précisément à cela que pense Catherine Voyer-Léger dans ses réflexions sur la publicité de la Fondation Chagnon, celle à laquelle renvoie son tweet : «C’est que cette publicité fait du pouce sur un des lieux communs les plus nocifs à avoir cours dans l’espace public actuellement : l’idée que toutes les opinions, et, par le fait même, toutes les expertises, se valent.»

Un synonyme ? Surfer, peut-être, que Catherine Voyer-Léger utilise plus loin dans son texte : «Cette légitimation de la parole expérientielle au détriment de la parole spécialiste, c’est exactement ce sur quoi surfe le Sénateur Boisvenu dans le cadre du projet de loi C-10.»

En matière de pouce, l’Oreille avait besoin d’autres oreilles que la sienne. Merci à ces petites mains.

 

[Complément du 7 janvier 2011]

Cela est immortalisé sur YouTube : l’Oreille tendue n’est pas vite sur ses patins — au sens littéral du terme. Elle ne pourra jamais rejouer la fabuleuse séquence d’ouverture du film Mystery, Alaska (1999), et elle le déplore.

Au sens figuré, elle espère ne pas l’être. Pourtant.

Partie hier en expédition de patin — ça ne s’invente pas — dans la nature, avec sa progéniture, elle a eu une illumination tardive, sur l’autoroute. Un synonyme hexagonal de faire du pouce sur ? Bon sang : rebondir fait parfaitement l’affaire.

Le proverbe le dit : vieux motard que jamais.

 

[Complément du 22 janvier 2016]

Variation entendue en réunion cette semaine : «Je vais faire du millage sur ce qui vient d’être dit.»

 

[Complément du 28 juillet 2019]

Entendu hier soir pendant la télédiffusion du match de l’Impact de Montréal — c’est du soccer, donc du football — sur les ondes de TVA sports : «Je vais faire du surf sur ça.» Variante estivalo-nautique.

 

Référence

Melançon, Benoît, en collaboration avec Pierre Popovic, Dictionnaire québécois instantané, Montréal, Fides, 2004 (deuxième édition, revue, corrigée et full upgradée), 234 p. Illustrations de Philippe Beha. Édition de poche : Montréal, Fides, coll. «Biblio-Fides», 2019, 234 p.

Benoît Melançon, en collaboration avec Pierre Popovic, Dictionnaire québécois instantané, 2004, couverture

BDHQ : prolégomènes — troisième partie

Pierre Huet, la Patinoire en folie, 2011, couverture

En post-scriptum à un texte récent au sujet de la bande dessinée (BD) sur le hockey (H), surtout au Québec (Q), l’Oreille tendue annonçait qu’elle allait bientôt lire le recueil la Patinoire en folie de Pierre Huet (2011). C’est fait.

D’abord parues en 1980-1983, puis en 1991-1992, dans le magazine Croc, ces bandes dessinées jouent des cordes habituelles : humour (supposé) et violence (effective). On y trouve des allusions aux joueurs du passé (Bernard «Boum-Boum» Geoffrion) ou du présent (Guy Lafleur, Vladislav Tretiak), comme à un entraîneur (Claude Ruel). Celui des Aimants valeureux, Napoléon (…) Arcand (), n’étant pas très cordial, il ressemble à… Hitler; ce n’est malheureusement pas la première fois que cela se voit au Québec, s’agissant du hockey. L’équipe d’Arcand, comme celle du Canada en 1972, affronte celle de la Russie; tous les clichés ethniques y sont.

Sur le plan de la langue, on notera un double flou. Le même juron a plusieurs graphies : «’stie» (p. 7 et 8), «s’tie» (p. 13), «asti» (p. 14), «osties» (p. 50). La rondelle est soit du féminin — «la pock» (p. 54) — soit du masculin — «le poque» (p. 58). Ça fait désordre.

Jeff Lemire peut dormir en paix. Ce n’est pas Pierre Huet qui le détrônera au panthéon de la BDHQ.

 

[Complément du 2 juin 2016]

L’Oreille tendue vient de publier un article sur ce sujet :

Melançon, Benoît, «BDHQ : bande dessinée et hockey au Québec», dans Benoît Melançon et Michel Porret (édit.), Pucks en stock. Bande dessinée et sport, Chêne-Bourg (Suisse), Georg, coll. «L’Équinoxe. Collection de sciences humaines», 2016, p. 101-117. https://doi.org/1866/28749

 

Référence

Huet, Pierre, la Patinoire en folie, Montréal, Les 400 coups, coll. «Strips», 2011, 62 p. Avec la participation de Patrick Moerell.

BDHQ : prolégomènes — deuxième partie

Jeff Lemire, Essex County, 2009, couverture

Il était question l’autre jour de quelques bandes dessinées (BD) mettant en récits et en images le hockey (H), surtout au Québec (Q). Une des fidèles lectrices de l’Oreille tendue, @PimpetteDunoyer, a alors attiré son attention sur l’œuvre de Jeff Lemire : ses «romans graphiques» accordent en effet une place considérable au sport national canadien. Le premier volume de la trilogie Essex CountyTales from the Farm (2007) — et le troisième — The Country Nurse (2008) — en parlent souvent, mais c’est dans le deuxième — Ghost Stories (2007) — qu’il est le plus présent.

La trilogie ?

La géographie des trois volumes est la même. D’une part, et surtout, le comté d’Essex, en Ontario, près de Windsor (voir la carte, p. 121). De l’autre, à quatre heures de voiture, Toronto. La campagne et la ville.

Les personnages sont les mêmes, à différents moments de leur vie. Les principaux sont Lester Papineau, les Lebeuf (Vince, Lou et Jimmy) et une infirmière en milieu rural, Anne Quenneville (voir l’arbre généalogique, p. 447).

La narration et le graphisme sont complexes. L’auteur est particulièrement doué pour rendre le croisement des temporalités, soit en passant du noir et blanc au gris, soit en glissant d’un temps dans un autre. La solitude et le silence, qu’il soit volontaire ou imposé, sont des thèmes récurrents, comme le poids de la mémoire. Sauf dans le troisième album, où Jeff Lemire rassemble ce qui avait été épars jusque-là, on trouve dans la trilogie un sens de l’ellipse fort développé.

Le hockey dans tout ça ?

Il apparaît sous ses deux espèces. Il est lié à l’enfance et aux grands espaces : c’est le monde du «shinny», cette version du hockey sans règles fixes (nombre de joueurs, dimension de la surface de jeu, manœuvres prescrites ou interdites, etc.), joué à l’extérieur, sur de la glace naturelle. Par ailleurs, c’est aussi une activité normée sportivement (on porte les couleurs d’une équipe, celle d’un village ou d’une ville) et socialement (atteindre la Ligue nationale de hockey confère du prestige). L’équipe derrière laquelle on se rassemble dans Essex County est celle des Maple Leafs de Toronto et de ses grands joueurs (Tim Horton, Frank Mahovlich, Dave Keon, Mats Sundin).

Plusieurs personnages se retrouvent dans les deux espaces de jeu. Les frères Vince et Lou ont appris le sport sur une rivière gelée d’Essex County, avant de le pratiquer, en 1951-1952, dans une équipe semi-professionnelle de Toronto, les Grizzlies. Jimmy, le petit-fils de Vince, joue aussi au «shinny», avec le jeune Lester, mais c’est après sa brève carrière chez les grands. Il a été blessé durant son unique match professionnel avec les Maple Leafs, et il n’a plus jamais été le même par la suite. Jimmy, mais aussi Vince, à un degré moindre, incarne la violence si caractéristique des représentations culturelles du hockey.

Le hockey n’est pas seulement un sport qu’on pratique; c’est un sport que les amateurs suivent à la télévision, d’abord et avant tout, dans les journaux ou par les cartes représentant les joueurs. Que l’on joue au hockey ou qu’on le suive dans les médias, une chose ne change jamais : ce sont des activités familiales (frères, grand-père, père, fils).

La description ci-dessus devrait l’avoir fait comprendre : Essex County, s’agissant de hockey, est une œuvre forte, qui se distingue de presque toutes les expériences tentées au Québec pour mettre en scène ce sport. Elle n’y a pas d’équivalent.

 

[Complément du 2 juin 2016]

L’Oreille tendue vient de publier un article sur ce sujet :

Melançon, Benoît, «BDHQ : bande dessinée et hockey au Québec», dans Benoît Melançon et Michel Porret (édit.), Pucks en stock. Bande dessinée et sport, Chêne-Bourg (Suisse), Georg, coll. «L’Équinoxe. Collection de sciences humaines», 2016, p. 101-117. https://doi.org/1866/28749

 

Référence

Lemire, Jeff, Essex County, Atlanta et Portland, Top Shelf Productions, 2009, 510 p. Introduction de Darwyn Cooke.

Jeff Lemire, Essex County, 2009, p. 282, case

Patiner sur l’eau

Samedi dernier, les Canadiens de Montréal — c’est du hockey — ont congédié leur entraîneur-chef, Jacques Martin, et l’ont remplacé — ô sacrilège ! — par un unilingue anglophone, Randy Cunneyworth. Depuis, psychanalyse nationale.

Même les ministres du gouvernement du Québec s’en mêlent et s’en prennent à celui qui a pris cette décision, Pierre Gauthier, le directeur général du club. La ministre de la Culture, des Communications et de la Condition féminine, Christine Saint-Pierre, qui est également responsable de l’application de la Charte de la langue française, a déclaré que c’était inacceptable, puisque «Le Canadien est dans nos gènes». Sa collègue du sport, Line Beauchamp, va dans le même sens : «le Canadien est une institution, ça fait partie de notre patrimoine, on a ça dans notre ADN, cela commande des impératifs». Deux ministres généticiennes : on n’en espérait pas tant.

Les journalistes, qui sèment à tout vent, ont leur propre registre métaphorique.

Lyrique comme lui seul sait l’être, Jean Dion, dans le Devoir, fait dans l’aquatique :

À Montréal, le navire ne coule jamais, mais il ne fend jamais l’écume non plus. Il se laisse bercer par les flots, et cela donne des changements de cap qui mènent à laisser partir Saku Koivu, Alexei Kovalev et Michael Ryder pour les remplacer par Michael Cammalleri, Brian Gionta et Scott Gomez. Pas loin du sur-place (19 décembre 2011, p. A1-A8).

À la Presse, François Gagnon saute sur le pont avec lui :

Quand le bateau affronte une tempête, une grosse, une vraie, c’est près du timonier qui s’éreinte à maintenir le cap que le capitaine doit se tenir et non dans les chics salons pour partager champagne et amuse-gueules avec les riches passagers pour les rassurer et prétendre que tout va bien (20 décembre 2011, cahier Sports, p. 3).

C’était prévisible. Dès 2007, Alain-François le chantait dans «C’est pour quand la coupe Stanley ?» :

On part en lion on finit en poisson
I a un problème dans’cage ou de repêchage
C’t’un gros bateau qui prend l’eau
Depuis qu’on a perdu Casseau

Le maître nageur — le sauveur — est tout trouvé : ce sera Patrick Roy («Casseau», pour les intimes). N’a-t-il pas les Canadiens dans son ADN ?