À certains égards, l’Oreille tendue n’est pas de son temps. (Ça ne l’inquiète pas outre mesure.)
Ainsi, quand, essentiellement pour des raisons familiales, il lui arrive de texter, elle ne laisse tomber aucun code de ses modes habituels de communication. Elle met toutes les majuscules, elle n’utilise jamais d’abréviation, elle ponctue soigneusement (et avec mesure), aucune binette n’est jamais apparue (ni n’apparaîtra) sous son clavier.
Et elle met un point final. Vous imaginez son étonnement quand elle a appris que ce simple geste, parfaitement banal pour elle, est potentiellement lourd de significations.
Des exemples de gens évoquant ce risque de faux pas ?
Ben Crair, dans The New Republic, le 25 novembre 2013, dans l’article «The Period Is Pissed. When did our plainest punctuation mark become so aggressive ?». (Merci à @jdesjardins1861.)
Des élèves ayant pour la plupart fini leur secondaire, témoignant sur Facebook.
@aurelberra, sur Twitter : «Remarque entendue : le sentiment de la ponctuation change et le point final est perçu comme froid dans les SMS, les courriels».
Jessica Bennett, dans le New York Times du 27 février dernier, dans le texte intitulé «When Your Punctuation Says It All (!)». (L’Oreille remercie @Nonym7 pour le lien, même si elle n’a pas tout bien compris.)
Un banal point final pourrait donc être déplacé dans certaines situations de communication ? Perdre sa neutralité ? Être synonyme de froideur, voire de refus de dialoguer ?
Le fossé des générations se creuse sous nos pas.
[Complément du 10 juin 2016]
Le New York Times d’hier, avec l’aide de David Crystal, remet ça : «Period. Full Stop. Point. Whatever It’s Called, It’s Going Out of Style.»
[Complément du 22 octobre 2021]
Plus tôt cette semaine, l’Oreille tendue est allée voir un match des Canadiens de Montréal — c’est du hockey — en compagnie d’un de ses fils. À l’entracte, il a fallu penser ravitaillement. D’où cet échange :
Ledit fils a été outré : «C’est quoi cette histoire de mettre un point après “Oui” ? Ça va pas la tête ?» (version édulcorée)
Pour le fossé des générations, les choses ne vont pas s’améliorer.