Dans les appartements de location (barcelonais), on trouve des lectures étonnantes. (Non, personne ne feule dans Otages en Irak [2005].)
Après Wikipédia, Wikimedia Commons, Wikibooks, Wikidata, Wikinews, Wikiquote, Wikisource et Wikivoyage, voici, à Barcelone, Wikinails. Un bar à ongles ?
L’Oreille tendue est donc allée se promener. Notes.
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Adolescente, l’Oreille a séjourné quelques heures à Baie-Saint-Paul. Elle se souvient clairement y avoir entendu pour la première fois le mot gourgane. Elle y a récemment passé deux jours. Elle en rapporte plutôt le mot champignon, celui sur lequel on appuie. Touristes ou non, au volant, on ne ralentit pas. On n’est quand même pas en Nouvelle-Angleterre ici !
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Pour qui souhaite remplacer ses quatre roues par deux, il existe un service appelé Baiecycle (bécik => bicycle => bicyclette => vélo — de Baie-Saint-Paul). L’Oreille se demande ce qu’en penserait le créateur de jeuxdemotsdemarde.tumblr.com.
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Elle séjournait dans le bel, et cher, hôtel La Ferme. On y prétend qu’il faut dire «en Charlevoix». Snobisme.
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Au Musée d’art contemporain de la petite ville, une exposition de Marc Séguin. Sur l’un des murs, on peut lire ceci, de la commissaire invitée : «Peintre des failles d’une humanité à la fois démiurge et autodestructrice [etc.].» Une «humanité démiurge» ? Plus loin, il est question d’une «dimension de sublimité». Snobisme, bis. C’est la variante picturale de la langue de margarine.
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Parlant gastronomie et peinture, au menu d’un casse-croûte de La Malbaie, le hamburger est un hamberger. On peut supposer que cette graphie a été retenue pour évoquer la prononciation «hambeurgeur», fréquente chez l’autochtone. Ce n’est pas particulièrement réussi.
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À table, ce matin-là, du fils cadet de l’Oreille : «Papa, tes yeux sont verts comme des câpres.» Elle est restée sans réponse.
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Toujours à table, le même soir, autre expérience, pas seulement linguistique : ce moment où ton fils de quinze ans te dit que sa sauce goûte la vodka et où tu lui demandes comment il connaît le goût de la vodka.
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Ceci, saisi dans les toilettes d’un restaurant Normandin de Donnacona, près de l’autoroute 40, entraîne deux questions : s’agit-il, «piles incluses», d’une information (utile) sur les mœurs sexuelles des habitants des environs ou de l’idée qu’on se fait des celles des voyageurs en transit ?
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Être en vacances, c’est, souvent, faire de la route. De nos jours, c’est aussi l’occasion, technologie oblige, d’écouter, en direct, le Masque et la plume ou, en différé, nombre de balados : les Lundis de l’histoire, Des Papous dans la tête, The New Yorker Out Loud, etc. C’est aussi le moment où entendre du Chateaubriand et se rendre compte de la boursoufflure un peu ridicule de son écriture.
Erin McKean suit de très près l’évolution de la langue anglaise. Elle a exposé ses positions lexicographiques dans le cadre d’une conférence présentée par TED; l’Oreille tendue en a parlé ici. Elle dirige un dictionnaire en ligne, Wordnik. Et elle publie des livres.
Aftercrimes, Geoslavery, and Thermogeddon (2011) recense et définit quelques dizaines de néologismes (en anglais), beaucoup venus du monde des sciences. Des exemples ?
«Displace fallacy» : l’idée fausse selon laquelle une nouvelle technologie (le livrel) remplace les anciennes (le livre).
«E-mail apnea» : le fait de ne (presque) plus respirer (temporairement) quand on est absorbé par ses courriels. (On doit l’expression à Linda Stone.)
«Thanatourism» : forme de tourisme à destination de lieux associés à la souffrance et à la mort, particulièrement à la mort violente.
C’est réjouissant d’inventivité.
[Complément du 22 octobre 2011]
On peut facilement imaginer le plaisir qu’aurait Erin McKean devant tel mot-valise d’un tweet publié hier par @dancohen, qui l’emprunte lui-même à @ncschistory : «“Scannabago” [Scan / Numérisation + Winnebago / Autocaravane] = mobile scanning unit to digitize local materials.»
[Complément du 30 janvier 2012]
Au lieu de thanatourism, on peut aussi dire dark tourism. L’expression est chez Julien Blanc-Gras dans Touriste (2011, p. 43). On y découvre également le tourisme chez les pauvres, le poorism (p. 115).
Une catastrophe ferroviaire fait 45 morts à Lac Mégantic. Quelques semaines plus tard, @rdimatin parle du «tourisme de catastrophe» qui se pratique dans cette petite ville du Québec.
[Complément du 31 décembre 2015]
Dans la neuvième livraison de l’émission The New Yorker Radio Hour, datée du 18 décembre 2015, David Remnick évoque le «crisis tourism».
Références
Blanc-Gras, Julien, Touriste, Vauvert, Au diable vauvert, 2011, 259 p.