De l’écrapou

Ceci, du plus récent Michael Connelly, The Drop (2011) : «The jumpers were called splats.» Les suicidés qui choisissent la voie des airs («jumpers») sont désignés par le son qu’ils font en arrivant au sol («splats»).

Existe-t-il un mot au Québec pour ce qui s’écrabouille ? Oui : écrapou, dont la popularité, sinon l’invention, reviendrait aux humoristes du groupe Rock et belles oreilles (RBO pour les intimes). On a pu dire d’eux qu’ils étaient les «rois de l’écrapou» (Progrès-Dimanche, 19 juillet 2009, p. 34).

«Application mobile RBO 3.0»

Exemples journalistiques : de nombreux amateurs de hockey «assuraient que les Red Wings de Detroit feraient “de l’écrapou” avec le Tricolore» (la Presse, 26 janvier 2012, cahier Sports, p. 2); «je suis aussi en faveur du remplacement de l’échangeur Turcot, ne serait-ce que pour ne pas finir écrapou dans ma vieille Passat sous une dalle de béton pourri» (la Presse, 10 mai 2011, p. A10).

Écrapou est, bien évidemment, l’apocope d’écrapoutir (synonyme : écraser). Le mot — tantôt substantif, tantôt adjectif — peut signifier un fait divers sanglant, notamment du Journal de Montréal, aussi bien que le produit, voire le résidu, de ce type de fait divers. Il est également utilisé pour décrire n’importe quelle chose réduite à sa plus plate expression.

Selon le Wiktionnaire, le féminin d’écrapou serait écrapoue. Spontanément, l’Oreille tendue aurait pensé écrapoute, mais cela n’engage qu’elle.

 

Référence

Connelly, Michael, The Drop. A Novel, New York, Little, Brown and Company, 2011. Édition numérique.

Le sport et la vie

L’US Open — c’est du tennis — vient de se terminer. Souvenir de lecture sportive.

Le 20 août 2006, David Foster Wallace publie son «Federer as Religious Experience» dans The New York Times. Dans une des copieuses notes de son texte — il aime les notes, et longues —, il avoue son bonheur de voir jouer Federer à Flushing Meadows : il ressent «a feeling of deep personal privilege at being alive to get to see this»; il se sent privilégié d’être en vie et de pouvoir admirer ce joueur.

Il y a trois ans cette semaine, le 12 septembre 2008, David Foster Wallace se suicidait.

P.-S. — Aussi sur Federer, le site du New Yorker, en date du 11 septembre, offre une brillante analyse, signée Nick Paumgarten, «Big Shot».

Le génie de la langue

Nicholson Baker, The Anthologist, 2009, couverture

L’Oreille tendue est en train de lire The Anthologist, le plus récent roman de Nicholson Baker.

Comme toujours chez lui, l’invention verbale force l’admiration.

Un seul exemple : «Notes of joy have a special STP solvent in them that dissolves all the gluey engine deposits of heartache» (p. 3). C’est beau comme la rencontre fortuite sur l’établi d’un garagiste de la poésie et du chagrin.

Cela ne peut pas étonner, de la part de quelqu’un qui décrit la ponctuation comme «so pipe-smokingly Indo-European» (The Size of Thoughts, p. 70) ou qui parle de l’«antegoogluvian era» («Google’s Earth», 2009).

 

Références

Baker, Nicholson, The Size of Thoughts. Essays and Other Lumber, New York, Random House, 1996, 355 p. Ill.

Baker, Nicholson, The Anthologist. A Novel, New York, Simon & Schuster, 2009, 243 p. Ill.

Baker, Nicholson, «Google’s Earth», The New York Times, Sunday Book Review, 27 novembre 2009.