Voler sans Jean Echenoz

Jean Echenoz, Bristol, 2025, couverture

On l’a vu il y a plusieurs années, Jean Echenoz n’aime pas les pigeons.

Dans Cherokee (1983), il les appelle des «rats de l’espace» (p. 168).

Ça ne va pas mieux pour eux dans Au piano (2003) — «une bande de pigeons trempés, hirsutes et froissés qui — preuve qu’ils sont conscients d’être sales — venaient de prendre un bain lustral dans un caniveau d’eau courante avant de s’envoler pesamment» (p. 187) — ni dans Des éclairs (2010) —«Le pigeon couard, fourbe, sale, fade, sot, veule, vide, vil, vain» (p. 142).

Qu’en est-il du récent Bristol (2025) ? Les colombophiles risquent de se récrier une fois de plus : «souvent ces animaux roucoulent et c’est exaspérant, parfois même ils s’accouplent et c’est inacceptable» (p. 15).

Heureusement, Echenoz a un faible pour les chiens (voir ici ou ) et pour les mouches (Luc Jodoin vous le confirmera).

P.-S.—Autant l’avouer : l’Oreille tendue, dans son jeune temps, a publié un petit quelque chose sur les pigeons voyageurs.

 

Références

Echenoz, Jean, Cherokee. Roman, Paris, Éditions de Minuit, 1983, 247 p.

Echenoz, Jean, Au piano. Roman, Paris, Éditions de Minuit, 2003, 222 p.

Echenoz, Jean, Des éclairs. Roman, Paris, Éditions de Minuit, 2010, 174 p.

Echenoz, Jean, Bristol. Roman, Paris, Éditions de Minuit, 2025, 205 p.

Melançon, Benoît, «Le cabinet des curiosités épistolaires. Sur les pigeons», Revue de l’AIRE (Association interdisciplinaire de recherche sur l’épistolaire, Paris), 27, hiver 2001, p. 171-172; repris, sous le titre «Du pigeon voyageur», dans Écrire au pape et au Père Noël. Cabinet de curiosités épistolaires, Montréal, Del Busso éditeur, 2011, p. 33-36. https://doi.org/1866/32393

Autopromotion 812

Publicité de la pièce Oh ! Canada — Chapitre 1 : L’Est du pays, de Danielle Le Saux-Farmer et Noémie F. Savoie, février 2025

La salle Fred-Barry du Théâtre Denise-Pelletier présente actuellement la pièce Oh ! Canada — Chapitre 1 : L’Est du pays, de Danielle Le Saux-Farmer et Noémie F. Savoie.

En voici le résumé :

Le français au Canada est-il sur le respirateur artificiel ? Premier chapitre d’un vaste projet documentaire qui sonde l’état du fait français sur le territoire canadien, Oh ! Canada plonge au cœur de l’explosive question linguistique à travers une enquête dans les provinces maritimes et l’Ontario, en passant par la nation québécoise, là où loge la majorité francophone.

Avec humour et lucidité, se déploient un état des lieux statistique et une cartographie des terrains les plus minés, parmi lesquels la francisation, l’immigration et la montée de l’anti-bilinguisme.

Avec ce Chapitre 1 : L’Est du pays, le Théâtre Catapulte (Avant l’archipel) tente de saisir l’insaisissable : au-delà des spécificités culturelles et éminemment émotives de chaque territoire, sommes-nous vraiment dans l’expectative d’une assimilation linguistique ?

L’Oreille tendue interviendra à la suite de la pièce ce jeudi, le 20 février.

Renseignements ici.

Portrait prétéritionnel du jour

Jean Echenoz, Bristol, 2025, couverture

«Corps longiligne et thorax trapézoïdal, lèvres lascives et lunettes noires polarisantes sur nez grec, Jacky Pasternac serait assez facile à décrire mais on n’en a pas tellement envie. Notons seulement qu’il n’est pas mal de sa personne. On s’attardera d’autant moins sur son physique qu’il s’en occupe lui-même, magnétisé par le premier miroir venu. Passons donc sur Pasternac qui ôte déjà ses lunettes pour s’admirer dans leurs verres à revêtement réfléchissant, s’y examine longuement, lisse l’arc d’un sourcil, corrige l’angle d’une mèche et se presse un bouton, passons.»

Jean Echenoz, Bristol. Roman, Paris, Éditions de Minuit, 2025, 205 p., p. 95.

P.-S.—«Prétérétionnel» ? Comme dans «prétérition».

Autopromotion 811

Carte-drapeau du Canada et des États-Unis

Vendredi dernier, l’Oreille tendue était au micro d’Annie Desrochers pour parler des huées récentes lors des matchs de hockey au Canada. On peut (ré)entendre l’entretien ici.

Elle a tiré de cette intervention un texte que publie aujourd’hui le Devoir sous le titre «La guerre des huées». Ça se lit de ce côté.

Accouplements 255

Jean Echenoz, Bristol, 2025 et Yves Beauchemin, le Matou, éd. 2007, couvertures, collage

(Accouplements : une rubriquel’Oreille tendue s’amuse à mettre en vis-à-vis deux œuvres, ou plus, d’horizons éloignés.)

Echenoz, Jean, Bristol. Roman, Paris, Éditions de Minuit, 2025, 205 p.

«Bristol vient de sortir de son immeuble quand le corps d’un homme nu, tombé de haut, s’écrase à huit mètres de lui. Bristol n’y prête pas attention et se dirige vivement vers la Seine. C’est un premier matin d’automne, très tôt pour lui, trop frais pour la saison, neuf heures dix et six degrés Celsius» (p. 9, incipit).

Beauchemin, Yves, le Matou. Édition définitive, Montréal, Fides, 2007, 669 p. Édition originale : 1981.

«Vers huit heures un matin d’avril, Médéric Duchêne avançait d’un pas alerte le long de l’ancienne succursale postale “C” au coin des rues Sainte-Catherine et Plessis lorsqu’un des guillemets de bronze qui faisaient partie de l’inscription en haut de la façade quitta son rivet et lui tomba sur le crâne. On entendit un craquement qui rappelait le choc d’un œuf contre une assiette et monsieur Duchêne s’écroula sur le trottoir en faisant un clin d’œil des plus étranges» (p. 11, incipit).