Un avant-dernier hommage

Chapelle ardente, Maurice Richard, 30 mai 2000, centre Molson

Maurice Richard, le plus célèbre joueur de la plus célèbre équipe de hockey en Amérique du Nord, voire au monde, meurt le 27 mai 2000.

À l’annonce de sa mort, des partisans se rassemblent spontanément en quelques lieux de Montréal pour honorer sa mémoire. D’autres activités, plus officielles, sont également organisées.

Le 30 mai 2000, de 8 heures à 22 heures, le corps de Richard est exposé en chapelle ardente au Centre Molson de Montréal. Ce centre sportif, devenu depuis le Centre Bell, a remplacé le Forum de Montréal en 1996 et Richard n’y a jamais joué, mais il est le domicile des Canadiens et, à ce titre, il s’imposait comme lieu de recueillement.

Le cercueil reposait sur la surface de jeu. La mise en scène insistait sur la solennité de l’événement. La famille de Richard se tenait près du cercueil. Deux affiches géantes représentaient le Rocket : l’une, en noir et blanc, était une photo ancienne qui mettait en valeur le regard du joueur; l’autre, en couleurs, montrait Richard revêtu du chandail rouge des Canadiens, le chandail numéro 9 bien sûr, un flambeau à la main. La bannière bleu-blanc-rouge rappelant que le numéro 9 de Maurice Richard avait été retiré et que plus personne ne pouvait le choisir parmi les joueurs des Canadiens avait été ramenée des cintres à la hauteur de la patinoire. La musique d’ambiance était classique : Mahler, Gounod, Brahms, Satie, Massenet, Mozart, Vivaldi, Bach. Plus de 115 000 fidèles auraient défilé devant le cercueil ouvert de l’idole du lieu. Ils pouvaient laisser un témoignage en signant un registre installé dans un chapiteau situé près du Cours Windsor, à côté du Centre Molson.

L’ensemble des registres disposés sous ce chapiteau n’a pas été rendu public, mais une anthologie a paru en 2008, Maurice Richard. Paroles d’un peuple. Pour saisir la familiarité ressentie par le public envers Richard, il s’agit d’un document essentiel. On y saisit une triple représentation du joueur.

Quand Maurice Richard meurt en 2000, à 78 ans, il pris sa retraite depuis 40 ans (sa carrière a duré de 1942 à 1960). Parmi les gens venus lui rendre hommage se trouvent certes des personnes qui l’ont vu jouer, mais plusieurs n’ont aucune connaissance directe de l’athlète. Les messages destinés à Richard et à sa famille proviennent souvent des enfants de ceux qui l’ont vu jouer, voire de leurs petits-enfants. Parfois ce sont des parents qui écrivent pour leur enfant, après avoir tracé le contour de sa main :

Voici ma petite main
prête à recevoir le
Flambeau !!!
«Merci Rocket !»
Alexis
Ouellette
2 ans (p. 128).

La transmission mémorielle est une transmission familiale, de père en fils ou en petit-fils.

Cette transmission s’incarne dans un objet, le flambeau que se passeraient les partisans de génération en génération, lui qui incarne l’histoire du club. Ce flambeau est tantôt métaphorique — il est le passé glorieux de l’équipe surnommée la sainte flanelle —, tantôt concret — il fait partie de la stratégie de marketing de l’équipe et, à ce titre, il est désormais présent sur la glace avant le début des matchs des Canadiens à Montréal. Il trouve son origine dans un passage d’un poème écrit en 1915, «In Flanders Field», par le militaire John McCrae : «Nos bras meurtris vous tendent le flambeau, à vous toujours de le porter bien haut» («To you from failing hands we throw / The torch ; be yours to hold it high»). Cette exhortation orne les murs des vestiaires de l’équipe depuis plusieurs décennies.

Mort, Richard peut rejoindre un groupe très sélect, celui des fantômes du Forum. De quoi s’agit-il ? Ces «fantômes» seraient les esprits des anciens joueurs des Canadiens de Montréal. Ils aideraient, dans l’ombre, les joueurs venus après eux. Leur intervention expliquerait certaines victoires tout à fait imprévisibles de l’équipe de Montréal. Les pèlerins du 31 mai 2000 avaient cette confrérie à l’esprit en s’adressant à leur héros :

Merci pour ce que tu as fait
Le Forum avait ses fantômes
Le Centre Molson a une ame (p. 52).

Famille, flambeau, fantôme : le Rocket, même dans la mort, reste aux côtés des siens.

(À suivre.)

P.-S.—Ce qui précède vient (en partie) de l’ouvrage que l’Oreille tendue a fait paraître pour la première fois en 2006, les Yeux de Maurice Richard.

Extrait de Maurice Richard. Paroles d’un peuple (2008)

 

 

Références

Foisy, Michel et Maurice Richard fils, Maurice Richard. Paroles d’un peuple, Montréal, Octave éditions, 2008, 159 p. Ill.

Melançon, Benoît, les Yeux de Maurice Richard. Une histoire culturelle, Montréal, Fides, 2006, 279 p. 18 illustrations en couleurs; 24 illustrations en noir et blanc. Nouvelle édition, revue et augmentée : Montréal, Fides, 2008, 312 p. 18 illustrations en couleurs; 24 illustrations en noir et blanc. Préface d’Antoine Del Busso. Traduction : The Rocket. A Cultural History of Maurice Richard, Vancouver, Toronto et Berkeley, Greystone Books, D&M Publishers Inc., 2009, 304 p. 26 illustrations en couleurs; 27 illustrations en noir et blanc. Traduction de Fred A. Reed. Préface de Roy MacGregor. Postface de Jean Béliveau. Édition de poche : Montréal, Fides, coll. «Biblio-Fides», 2012, 312 p. 42 illustrations en noir et blanc. Préface de Guylaine Girard.

Les Yeux de Maurice Richard, édition de 2012, couverture

Autopromotion 123

Extrait du journal Métro : «Un policier du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) recevra des sanctions disciplinaires, après qu’une photo le montrant dans son véhicule de patrouille avec une jeune femme sur ses genoux a circulé sur les réseaux sociaux.»

Les transports amoureux dans les moyens de transport ont une longue histoire. Dans sa jeunesse, l’Oreille tendue a écrit un texte savant sur la question, «Faire catleya au XVIIIe siècle».

Pourquoi «faire catleya» ? Parce que Proust, bien sûr.

À votre service.

 

Référence

Melançon, Benoît, «Faire catleya au XVIIIe siècle», Études françaises, 32, 2, automne 1996, p. 65-81. https://doi.org/1866/28660

Dix questions d’avant-match

Les Canadiens de Montréal — c’est du hockey — risquent l’élimination ce soir contre les Rangers de New York. Cela oblige l’amateur, ce gérant d’estrade, à se poser des questions.

(Ces questions ne sont pas sans rapport avec les clichés énumérés par l’Oreille tendue le 14 mai dernier.)

Les Montréalais pourront-ils forcer la tenue d’un septième match ?

Y aura-t-il des passagers ou tous les joueurs seront-ils impliqués ?

Seront-ils capables de puiser dans leurs ressources ? Joueront-ils du hockey inspiré ?

Qui se lèvera et élèvera son jeu d’un cran ? Le joueur clutch, cet homme des grandes occasions, ce money player, se manifestera-t-il ?

Un gardien sera-t-il plus fumant que l’autre ?

Le personnel d’entraîneurs saura-t-il apporter les ajustements nécessaires ?

Quelle équipe réussira la première à se forger une avance, voire une avance confortable ? Cette équipe pourrait dicter l’allure du match. Pour cela, il n’est pas plus mal de sortir des blocs gonflé à bloc (oui, c’est une diaphore).

Qui fermera les livres ?

Tant de questions, si peu de temps de glace.

P.-S. — Les expressions en italique ci-dessus rejoignent celles qui se trouvent dans Langue de puck. Abécédaire du hockey, le petit livre que faisait paraître l’Oreille tendue chez Del Busso éditeur en mars dernier.

 

Référence

Melançon, Benoît, Langue de puck. Abécédaire du hockey, Montréal, Del Busso éditeur, 2014, 128 p. Préface de Jean Dion. Illustrations de Julien Del Busso.

Langue de puck. Abécédaire du hockey (Del Busso éditeur, 2014), couverture

 

Non, encore

Il y eut une première salve, négative, le 9 septembre 2013, suivie d’une série positive, le lendemain. Nouvelle série de «non» ci-dessous.

Les binettes (les smileys) ? Non.

La croyance en la «subversion» artistique ? Non.

Michel Rabagliati ? Non.

LinkedIn ? Non.

«Paradigme» ? Non.

Pierre Falardeau ? Non.

Les films qui font peur ? Non.

L’industrie de l’humour ? Non (évidemment).

Marcel Sabourin ? Non.

Les titres de colloques avec chiasme («Critique de la culture, culture de la critique») ? Non.

Autopromotion 122

Transmettre la culture, 2014, couverture

Entre 2010 et 2012, l’Académie des lettres du Québec a organisé une série de colloques sous le titre général Transmettre la culture. Enjeux et contenus de l’enseignement secondaire au Québec.

2010 : État des lieux. Actes publiés en 2011.

2011 : Devoir ou contrainte ? Actes publiés en 2012.

2012 : À la recherche d’un socle.

Les Actes de cette troisième journée viennent de paraître. On y trouvera un texte de l’Oreille tendue.

Lise Bissonnette, «Transmettre la culture — À la recherche d’un socle», p. 5-9.

Micheline Dumont, «L’histoire, envers et contre tout», p. 10-22.

Martin Brousseau, «Point de repère : entre continuité et discontinuité (réflexions polémique sur l’enseignement en art)», p. 23-31.

Micheline Labelle, «Qu’est-ce que la citoyenneté ?», p. 32-41.

«Discussion de ces trois exposés», p. 42-53.

Benoît Melançon, «Confessions d’un optimiste (numérique)», p. 54-70. https://doi.org/1866/13165

«Discussion de cet exposé», p. 71-80.

«Table ronde avec des enseignants» (Étienne Rouleau [animation], Christian Bouchard, Jean Danis, Michel Stringer, Sylvain Fournier). «Aperçu des propos de chaque intervenant et discussion» (synthèse par Pascale Ryan), p. 81-97.

 

Référence

Académie des lettres du Québec. XXXe Colloque des écrivains. Transmettre la culture. Enjeux et contenus de l’enseignement secondaire au Québec. À la recherche d’un socle. Synthèse et Actes du colloque d’octobre 2012, Montréal, Académie des lettres du Québec, [2014], 97 p. (Cahier photocopié)