Jeu(x) de mains…

En France, chez @fbon : «puits caillou ciseaux papier».

En France toujours, chez @hjeanney : «pierre-ciseaux-feuilles».

Au Québec, chez @JeanSylvainDube comme chez l’Oreille tendue : «roche-papier-ciseaux».

Il y aurait aussi, selon le site GoldenMap : «papier-caillou-ciseaux», «pierre-papier-ciseaux», «feuille-caillou-ciseaux», «shifumi» et «janken».

Wikipédia est encore plus riche :

Pierre-feuille-ciseaux est un jeu effectué avec les mains et opposant un ou plusieurs joueurs. Il existe de nombreuses variantes régionales et appellations : papier-caillou-ciseaux ou chifoumi en France, roche-papier-ciseaux au Québec, pierre-papier-ciseaux en France et Belgique, feuille-caillou-ciseaux en Suisse, Schnick-Schnack-Schnuck en Allemagne, Rock-Paper-Scissors ou Rochambeau aux États-Unis, morra cinese (mourre chinoise) en Italie, Kawi-Bawi-Bo en Corée, Jan-Ken au Japon, Yan-Ken-Po au Pérou.

Tout cela pour un seul et même jeu de mains.

Minute touristique locale

Rawdon est une municipalité québécoise. «Géographiquement localisée à la limite des basses-terres du Saint-Laurent et de la chaîne de montagne des Laurentides dans Lanaudière», dixit le site municipal, «la Municipalité de Rawdon constitue un important carrefour routier situé à soixante (60) kilomètres au nord de Montréal […]». Elle compte 10 241 habitants.

La Commission de toponymie du Québec la présente ainsi, en insistant sur sa diversité ethnique :

Dans les premiers contreforts des Laurentides, à une altitude de plus de 150 m, a été implantée la municipalité bilingue et cosmopolite de Rawdon, près de Joliette. […] Le côté cosmopolite de Rawdon, marqué par les gentilés français et anglais reconnus Rawdonois et Rawdonite, est tributaire de l’origine des colons arrivés au début du XIXe siècle : Irlandais, Écossais (Montréal et New Glasgow), Anglais (Montréal et Terrebonne), Loyalistes américains. Si des terres ont été concédées aussi tôt que 1799 à des Loyalistes, ce n’est que vers 1830 que la colonie reçoit ses premiers colons francophones venus de Saint-Jacques-de-l’Achigan.

Puisque les deux mots y sont — «bilingue et cosmopolite» —, on peut supposer qu’ils ne veulent pas dire exactement la même chose. À y regarder de plus près, c’est un peu moins clair.

Au début du XIXe siècle, les colons parlent anglais; «vers 1830» arrivent les francophones : voilà pour le bilinguisme. Il existe même des «gentilés français et anglais reconnus», en l’occurrence «Rawdonois et Rawdonite».

Qu’en est-il du cosmopolitisme ? Ça se complique. Selon le Petit Robert (édition numérique de 2010), cosmopolite signifie «Qui comprend des personnes de tous les pays; qui subit des influences de nombreux pays (opposé à national). Ville cosmopolite.» Or il y aurait eu, à Rawdon, des Irlandais, des Écossais (du Québec : Montréal et New Glasgow), des Anglais (du Québec : Montréal et Terrebonne) et des Loyalistes américains — bref, pour l’essentiel, des Anglo-saxons proches. Les francophones, eux, arrivaient d’à côté, Saint-Jacques-de-l’Achigan. Il ne faudrait peut-être pas confondre Rawdon avec Paris ou New York.

Mettons fin à la discrimination capillaire

 «calvitie. — Toujours précoce,
est causée par des excès de jeunesse
ou la conception de grandes pensées.»
Flaubert, Dictionnaire des idées reçues

Revitaliser la littérature ? «Des contes qui décoiffent» (la Presse, 18 avril 2004, cahier Lectures, p. 8).

Revivifier l’humour ? «Un frisé qui défrise» (la Presse, 6 juillet 2012, cahier Arts, p. 8).

Foi de dégarni, cette obsession du cheveu à traiter a assez duré.

N.B. L’Oreille tendue le sait : la calvitie pourrait être enrayée. Pis ?

«Cardinal Cimol», publicité capillaireSource : Gallica

 

[Complément du 9 juin 2014]

Certains journalistes sont particulièrement portés sur le décoiffant. C’est le cas de Marie-Claude Lortie à la Presse. (Merci à @machinacrire pour le tuyau.)

L’heure du débat

Même l’été, les débats font rage. Mais comment être sûr d’avoir affaire à un débat ? Comment en reconnaître un ?

Il suffit de se poser trois questions.

1. Le débat — sauf s’il s’agit d’une revue — ne vient jamais seul. Du moins au Québec, il est généralement accompagné des mots de société ou d’idées. Exemples : «Pour un débat de société sur l’agriculture» (le Devoir, 1er décembre 2003, p. A2); «Des couvents en héritage. Un colloque international sur un débat de société» (Montréal, octobre 2009); «Le Canada doit s’offrir un débat d’idées» (la Presse, 13 septembre 2000); «Enfin un débat d’idées !» (le Devoir, 14 mars 2003). Votre débat est-il accompagné de l’indispensable formule magique ?

2. Le débat doit être vrai, sinon il ne saurait être. Le faux débat inquiète. Exemple : «Une saveur de faux débat» (le Devoir, 3 avril 2008, p. A6). Votre débat est-il vrai ?

3. Le débat, par la force des choses, ne saurait être consensuel. Mieux (ou pire) : le débat est souvent, et de plus en plus, polarisé. La polarisation, pourrait-on dire, est l’essence du débat et elle mène rapidement à une rupture du dialogue. Pourtant assis à la même table, les opposants dans un débat campent sur leur position. Or ils n’en ont généralement qu’une. Exemples : «C’est cela qui polarise le débat entre libéraux et conservateurs» (la Presse, 8 avril 2011); «Ce livre risque de vieillir très vite, mais en attendant, il suscite un débat, polarise les interventions dans les médias ce qui, au final, provoque un brassage d’idées fort utile» (la Presse, 10 février 2012). Votre débat est-il polarisé ?

Si, au sujet de la discussion qui vous intéresse, vous avez répondu oui à ces trois questions, vous êtes bel et bien devant un débat. Il s’agit donc, sans aucun doute possible, d’un vrai débat de société (d’idées) où les positions sont de plus en plus polarisées.

N.B. Merci à Cartésie pour polarisation.

Merci de votre constante collaboration

Ces jours derniers, les médias ont été bons pour l’Oreille tendue. Démonstration.

Rubrique ville urbaine. Le critique théâtral du Devoir qui recense une «tragédie urbaine» (7-8 juillet 2012, p. C7) se fait damer le pion par la critique gastronomique de la Presse. Elle a pris un lunch «urbain» sur terrasse «très urbaine». Était-ce en ville ? Oui : «On est en ville et on ne se le cache pas» (7 juillet, cahier Maison, p. 13). Cette chroniqueuse fait concurrence à l’animatrice de la radio de Radio-Canada qui, jeudi dernier, parlait d’«une bande-annonce énergique, presque urbaine». «Presque» ? «Urbaine» ? «Presque urbaine» ?

Rubrique extrême. Le Devoir de la fin de semaine compare la «prédiction politique» à un «sport extrême» (7-8 juillet 2012, p. B2) et la Presse raconte des «rénovations extrêmes» (7 juillet, cahier Maison, p. 6).

Rubrique à saveur. Peut-on décrire un «Plan de campagne à saveur minière» ? Le Devoir peut (7-8 juillet 2012, p. B1).

Rubrique jupon. Si le jupon d’Amir Kadir dépasse, on ne verrait que «poindre» celui du «procédé» chez Éric Plamondon. C’est la Presse qui le dit (7 juillet 2012, cahier Arts, p. 15).

Tant de médiatics, si peu de temps.