Le zeugme du dimanche matin et de Denis Montebello

«D’aucuns y vont pour rafraîchir leur coloration, leur frange, leurs idées en bavardant avec la coiffeuse, en écoutant ses bavardages, moi je n’ai pas besoin qu’on me lise le journal, les faits divers, je me les invente en ouvrant toujours l’œil, et grand mes oreilles» (Denis Montebello, «Le jour d’après», blogue Cotojest, 6 février 2012, cité par Philippe Didion dans la livraison du 1er juillet de ses Notules dominicales de culture domestique).

 

(Une définition du zeugme ? Par .)

Une table loin de l’âtre

L’Oreille tendue a déjà eu l’occasion de le dire et de le répéter, et plus d’une fois : le Québec est grégaire. Voilà pourquoi il aime tant les tables (où s’asseoir).

Passons rapidement sur la naissance de la Table de développement social de LaSalle (la Presse, 7 mars 2012, cahier Affaires, p. 14) et sur celle de la Table de concertation sur la qualité de la langue dans les médias québécois.

Signalons toutefois l’arrivée de la Table pour la récupération hors foyer (la Presse, 3 juillet 2012, p. A10, publicité). On ne confondra pas ce «foyer» avec l’âtre; il s’agit plutôt de ne rien jeter inutilement quand on s’éloigne de chez soi («À l’extérieur comme à la maison»). On peut dorénavant recycler où que l’on soit, sans être auprès de sa table préférée. C’est à cela que veille la Table.

«La table pour la récupération hors foyer», 2012

Hautes distinctions

En ces temps de fêtes du Québec et du Canada, les occasions ne manquent pas de rappeler que le Québec est une société distincte. Comment ?

«Le Québec se distingue dans l’univers de l’insolvabilité» (le Devoir, 4 juillet 2012, p. B1).

«Tourisme distinct» (le Devoir, 24-25 avril 2004, p. D4).

«Le Québécois : un mangeur distinct» (Québec science, été 2009).

«Un régime [d’assurance automobile] distinct qui doit le demeurer» (le Devoir, 14 avril 2004, p. A7).

«Le meuble québécois : un design distinct» (la Presse, 28 août 2004, Mon toit, p. 7).

Pétons-nous les bretelles. (Plastronnons.)

La situation pourrait-elle devenir problématique ?

Daniel Grenier, Malgré tout on rit à Saint-Henri, 2012, couverture

Degré zéro de l’expression, sans adresse.

«C’est quoi le problème ?» (Hockey de rue, p. 108)

On monte d’un cran quand l’interlocuteur est visé.

«C’est quoi ton problème ? demanda Anou en enfilant son chandail» (Meurtres sur la côte, p. 149).

L’ajout d’un juron rend la menace plus nette.

«C’est quoi ton estie de problème ?» (Malgré tout on rit à Saint-Henri, p. 237)

Dans ces exemples, le / ton problème ? est une interrogation purement rhétorique : il ne s’agit ni de s’enquérir ni de compatir, mais de faire taire — avec des degrés d’intensité divers.

 

Références

Grenier, Daniel, Malgré tout on rit à Saint-Henri. Nouvelles, Montréal, Le Quartanier, coll. «Polygraphe», 07, 2012, 253 p.

MacGregor, Roy, Meurtres sur la côte, Montréal, Boréal, coll. «Carcajous», 12, 2008, 162 p. Traduction de Marie-Josée Brière. Édition originale : 2000.

Skuy, David, Hockey de rue, Montréal, Hurtubise, 2012, 232 p. Traduction de Laurent Chabin. Édition originale : 2011.