Accouplements 71

Patin

(Accouplements : une rubriquel’Oreille tendue s’amuse à mettre en vis-à-vis deux œuvres, ou plus, d’horizons éloignés.)

Le 28 août et le 4 septembre, Serge Bouchard et Jean-Philippe Pleau ont consacré deux livraisons de leur émission radiophonique C’est fou… (Société Radio-Canada, Montréal) au thème du silence.

Il y a vingt ans, un ami de l’Oreille tendue, Michel Porret, publiait un texte passionnant sur la représentation du silence dans la bande dessinée, en particulier chez Hergé.

À écouter et à lire.

P.-S. — Il arrive aussi à l’Oreille de réclamer du silence. Cela se passe souvent quand elle est en patins.

 

Référence

Porret, Michel, «Tintin au pays du tintamarre. Bruits et silences de la ligne claire», Équinoxe. Revue romande de sciences humaines, 14, automne 1995, p. 187-204. Ill.

 

[Complément du 23 novembre 2021]

Texte repris dans Michel Porret, Objectif Hergé. «Tintin, voilà des années que je lis tes aventures», Montréal, Presses de l’Université de Montréal, coll. «Champ libre», 2021, 160 p. Ill.

Michel Porret, Objectif Hergé, 2021, couverture

Accouplements 70

Jean Echenoz, Un an, 1997, couverture

(Accouplements : une rubriquel’Oreille tendue s’amuse à mettre en vis-à-vis deux œuvres, ou plus, d’horizons éloignés.)

L’Oreille tendue a toujours eu un faible pour la scène d’ouverture d’Un an de Jean Echenoz (1997) :

Gare Montparnasse, où trois notes grises composent un thermostat, il gèle encore plus fort qu’ailleurs : l’anthracite vernissé des quais, le béton fer brut des hauteurs et le métal perle des rapides pétrifient l’usager dans une ambiance de morgue. Comme surgis de tiroirs réfrigérés, une étiquette à l’orteil, ces convois glissent vers des tunnels qui vous tueront bientôt le tympan. Victoire chercha sur un écran le premier train capable de l’emmener au plus vite et le plus loin possible : l’un, qui partait dans huit minutes, desservirait Bordeaux (p. 7-8).

Choix des verbes («composer un thermostat», «pétrifier l’usager», «tuer le tympan»), variations sur le gris («trois notes grises», «anthracite vernissé», «béton fer brut», «métal perle»), musique ferroviaire («trois notes»), impression de froid («thermostat», «gèle», «pétrifient l’usager», «morgue», «tiroirs réfrigérés»), urgence de la fuite («rapides», «surgis», «au plus vite et le plus loin possible») : on y est — à la Gare Montparnasse et chez Echenoz. Puis il y a, en point d’orgue, cet admirable conditionnel : «desservirait», là où l’imparfait aurait pu être employé, mais ne l’est surtout pas.

Ce conditionnel, n’est-ce pas celui de Flaubert, dans Bouvard et Pécuchet : «Et [Pécuchet] se laissa conduire, en face de l’Hôtel de Ville, dans un petit restaurant où l’on serait bien» (éd. de 1966, p. 34) ?

P.-S. — Ce n’est pas la première fois que l’Oreille s’intéresse à Echenoz, au temps de ses verbes et à son rapport à Flaubert.

 

Références

Echenoz, Jean, Un an. Roman, Paris, Éditions de Minuit, 1997, 110 p.

Flaubert, Gustave, Bouvard et Pécuchet, Paris, Garnier-Flammarion, coll. «GF», 103, 1966, 378 p. Chronologie et préface par Jacques Suffel. Édition originale : 1881 (posthume).

Accouplements 69

(Accouplements : une rubriquel’Oreille tendue s’amuse à mettre en vis-à-vis deux œuvres, ou plus, d’horizons éloignés.)

Tu accompagnes ton fils aîné à un match de football chez les bleuets. Tu prends une photo à partir de ta chambre. Tu la mets sur Twitter.

Presque trois ans plus tard, tu vois passer ceci, encore sur Twitter.

Alors, il n’y avait pas d’autobus et les travaux n’étaient pas finis.

Accouplements 68

Sylvain Hotte, Échappée, 2010, couverture

(Accouplements : une rubriquel’Oreille tendue s’amuse à mettre en vis-à-vis deux œuvres, ou plus, d’horizons éloignés.)

En 2013, l’Oreille tendue a commencé à s’intéresser à la série hockeyistique «Aréna» de Sylvain Hotte, notamment à son usage du français populaire québécois. Hotte est particulièrement porté sur le verbe virer (voir ici). C’était vrai des deux premiers volumes de la série; ce l’est encore du troisième (et dernier, à ce jour), Échappée (2010). Un seul exemple suffira, s’agissant du moteur d’un chalutier : «La grosse Bertha tenait bon. Mais, quoiqu’elle virât à bas régime, sa température grimpait lentement, près du point de saturation, et ce, même si nous laissions couler de l’eau sur la culasse» (p. 106-107).

Après cette lecture, l’Oreille s’est plongée, crayon à la main, dans l’Éducation sentimentale de Flaubert. Elle y a trouvé ceci : «Et elle l’introduisit dans une salle que remplissaient des cuves, où virait sur lui-même un axe vertical armé de bras horizontaux» (éd. de 1961, p. 195).

Cela ne l’a pas viré à l’envers, mais elle a noté la coïncidence.

 

Références

Flaubert, Gustave, l’Éducation sentimentale. Histoire d’un jeune homme, Paris, Classiques Garnier, 1961, xii/473 p. Ill. Introduction, notes et relevé de variantes par Édouard Maynial. Édition originale : 1869.

Hotte, Sylvain, Échappée, Montréal, Les Intouchables, coll. «Aréna», 3, 2010, 215 p. Ill.

Accouplements 67

Gustave Flaubert, l’Éducation sentimentale, éd. de 1961, couverture

(Accouplements : une rubriquel’Oreille tendue s’amuse à mettre en vis-à-vis deux œuvres, ou plus, d’horizons éloignés.)

Au Québec, aujourd’hui, à part quelques-uns, l’ignorance religieuse des gens qui vont rarement à l’église est si profonde que le maître des cérémonies, de temps à autre, doit leur faire signe de se lever, de s’agenouiller, de se rasseoir.

Gustave Flaubert, l’Éducation sentimentale, 1869 : «À part quelques-uns, l’ignorance religieuse de tous était si profonde que le maître des cérémonies, de temps à autre, leur faisait signe de se lever, de s’agenouiller, de se rasseoir» (éd. de 1961, p. 381).

 

Référence

Flaubert, Gustave, l’Éducation sentimentale. Histoire d’un jeune homme, Paris, Classiques Garnier, 1961, xii/473 p. Ill. Introduction, notes et relevé de variantes par Édouard Maynial. Édition originale : 1869.