Autopromotion 236

Entre 14 h et 15 h, l’Oreille tendue sera à la radio de Radio-Canada, à l’émission Plus on est de fous, plus on lit !, au micro de Marie-Louise Arsenault, pour parler d’un mot bien populaire aujourd’hui : expert.

En guise de préambule, une citation tirée d’Oreille rouge d’Éric Chevillard :

À son retour, [cet écrivain voyageur] est l’Africain. Dès qu’il entend le mot Mali, il intervient, il est question de lui. Laissez parler l’expert. Et lorsque le Mali n’est pas dans la conversation, il l’y met, on peut compter sur lui. L’été au Mali, les fruits au Mali, les moustiques au Mali, l’école au Mali, la nuit au Mali, la démocratie au Mali, la pollution au Mali, la musique au Mali.

Et si l’on parle de vin, il dit qu’il n’y a pas de vin au Mali (éd. 2007, p. 145).

L’Oreille a souvent écrit sur le statut de l’intellectuel, question qui croise celle de l’expert :

Melançon, Benoît, «Un intellectuel heureux ?», dans Pour Jacques. Du beau, du bon, Dubois [Mélanges en l’honneur du professeur Jacques Dubois], Bruxelles, Éditions Labor, coll. «Espace Nord», 1998, p. 169-174. https://doi.org/1866/32050

Melançon, Benoît, «Notice sur la précarité romanesque ou ANPE, ASSEDIC, CDD, CV, DDASS, HLM, IPSO, RATP, RMI, SDF, SMIC et autres TUC», dans Pascal Brissette, Paul Choinière, Guillaume Pinson et Maxime Prévost (édit.), Écritures hors-foyer. Actes du Ve Colloque des jeunes chercheurs en sociocritique et en analyse du discours et du colloque «Écritures hors-foyer : comment penser la littérature actuelle ?». 25 et 26 octobre 2001, Université de Montréal, Montréal, Université McGill, Chaire James McGill de langue et littérature françaises, coll. «Discours social / Social Discourse», nouvelle série / New Series, 7, 2002, p. 135-158. https://doi.org/1866/13815

Melançon, Benoît, «De l’intellectuel et de l’expert», blogue l’Oreille tendue, 12 juillet 2011. https://oreilletendue.com/2011/07/12/de-l%E2%80%99intellectuel-et-de-l%E2%80%99expert/

Melançon, Benoît, «L’universitaire dans la Cité», blogue l’Oreille tendue, 5 avril 2013. https://oreilletendue.com/2013/04/05/luniversitaire-dans-la-cite/

 

[Complément du jour]

On peut (ré)entendre l’entretien ici.

On peut méditer ce tweet :

 

Référence

Chevillard, Éric, Oreille rouge, Paris, Éditions de Minuit, coll. «Double», 44, 2007, 158 p. Édition originale : 2005.

Contacts de langues

Une langue ne vient jamais seule. Comment décrire les contacts des langues entre elles ?

Banalement, on peut parler de bilinguisme, même si Paul Zumthor ou François Grosjean ont montré la complexité des phénomènes que recouvre ce mot.

D’autres termes sont venus se subsituer à lui, ou le compléter : colinguisme (Renée Balibar), plurilinguisme (Lise Gauvin), hétérolinguisme (Rainier Grutman), multilinguisme (François Ost), mixtilinguisme (Jeanne Bem et Albert Hudlett).

Ce matin, l’Oreille tendue découvre translingue (Cecilia Allard et Sara De Balsi).

On n’arrête pas le progrès.

 

Références

Allard, Cecilia et Sara De Balsi (édit.), le Choix d’écrire en français. Études sur la francophonie translingue, Amiens, Encrage, coll. «Agora», 2016, 122 p.

Balibar, Renée, Histoire de la littérature française, Paris, Presses universitaires de France, coll. «Que sais-je ?», 2601, 1993 (deuxième édition corrigée), 127 p.

Bem, Jeanne et Albert Hudlett (édit.), Écrire aux confins des langues. Actes du Colloque de Mulhouse (30, 31 janvier et 1er février 1997), Mulhouse, Université de Haute-Alsace, Centre de recherche sur l’Europe littéraire (CREL), coll. «Créliana», hors série I, automne 2001, 206 p. Ill.

Gauvin, Lise (édit.), les Langues du roman. Du plurilinguisme comme stratégie textuelle, Montréal, Presses de l’Université de Montréal, coll. «Espace littéraire», 1999, 176 p.

Grosjean, François, Parler plusieurs langues. Le monde des bilingues, Paris, Albin Michel, 2015, 228 p. Ill.

Grutman, Rainier, Des langues qui résonnent. L’hétérolinguisme au XIXe siècle québécois, Montréal, Fides — CÉTUQ, coll. «Nouvelles études québécoises», 1997, 222 p.

Ost, François, Traduire. Défense et illustration du multilinguisme, Paris, Fayard, coll. «Ouvertures», 2009, 421 p.

Zumthor, Paul, «Moyen Âge (langue et littérature)», dans Daniel Couty, Jean-Pierre de Beaumarchais et Alain Rey (édit.), Dictionnaire des littératures de langue française : G – O, Paris, Bordas, 1984, tome 2, p. 1576-1579.

Néologisme estrien

Gilles Marcotte, le Manuscrit Phaneuf, 2005, couverture

Soit la phrase suivante, tirée du roman policier (façon de parler) le Manuscrit Phaneuf de Gilles Marcotte (2005) :

Il alla voir les villages de Melbourne et d’Ulverton, dont un ami lui avait déjà vanté les charmes vétéro-britanniques (p. 73).

«Vétéro-britanniques» ? Le préfixe renvoie à l’ancien, comme dans vétérotestamentaire (relatif à l’Ancien Testament). Britanniques rappelle que les Cantons-de-l’Est, où se trouvent, au sud de Montréal, Melbourne et Ulverton, sont des lieux de vieille implantation anglophone.

Que faut-il retenir de cet assemblage néologique ? La profondeur historique (l’Ancien Testament) ? L’histoire plus récente (les Britanniques) ? Leur union en un seul espace ? Le mariage de la Bible et de la couronne d’Angleterre, de la religion et de la politique, de l’hébreu et de l’anglais ? Tout cela ?

Saluons à tout le moins la pénétration du regard et le sens de la formule.

 

Référence

Marcotte, Gilles, le Manuscrit Phaneuf. Roman, Montréal, Boréal, 2005, 216 p.

Réédition du jour

Élisabeth Bourguinat, Persifler au Siècle des lumières, 2016, couverture

 

En 1999, dans les pages de la revue savante Eigteenth-Century Fiction, l’Oreille tendue disait tout le bien qu’elle pensait de l’ouvrage d’Élisabeth Bourguinat le Siècle du persiflage (1998). Cet ouvrage était tiré de la thèse de doctorat de l’auteure (1995).

Extraits du compte rendu :

Le Siècle du persiflage est de ces ouvrages qui changent la façon commune de lire. Au sortir de sa lecture, l’on voit en effet le mot persiflage partout dans les œuvres du XVIIIe siècle et l’on ne peut cesser de s’interroger sur ses sens multiples !

[…]

Par son attention aux écrits mineurs comme aux grandes œuvres, par sa capacité à lier explication de texte et regard panoramique, par la nouveauté de ses hypothèses, par la précision de sa langue, par la fécondité des problèmes qu’elle soulève, par la qualité de sa documentation, par son attention à la moindre inflexion lexicale, Élisabeth Bourguinat mérite non seulement d’être lue, mais d’être contestée, interrogée, prolongée. C’est le signe d’un ouvrage stimulant et nécessaire.

Quelques mois plus tard, l’Oreille apprenait qu’Élisabeth Bourguinat avait mis fin à sa carrière universitaire (voir ici le texte d’une conférence de 2000 dans laquelle l’Oreille revient sur cet ouvrage «witty as hell»).

Bonne nouvelle au courrier d’aujourd’hui : l’ouvrage reparaît, chez Créaphis, avec une préface d’Arlette Farge.

Vous devriez le lire.

 

Références

Bourguinat, Élisabeth, «Le persiflage dans la littérature française du XVIIIe siècle (1735-1810) : modernité d’un néologisme», Paris, Université de Paris IV-Sorbonne, thèse de nouveau doctorat, 1995. Dir. : Jean Dagen

Bourguinat, Élisabeth, le Siècle du persiflage. 1734-1789, Paris, Presses universitaires de France, coll. «Perspectives littéraires», 1998, 228 p.

Bourguinat, Élisabeth, Persifler au Siècle des lumières. Histoire du mot «persiflage» 1734-1789, Garne, Créaphis, coll. «Poche», 2016, 320 p. Préface d’Arlette Farge. Édition originale : 1998.

Melançon, Benoît, compte rendu d’Élisabeth Bourguinat, le Siècle du persiflage. 1734-1789 (Paris, Presses universitaires de France, coll. «Perspectives littéraires», 1998, 228 p.), Eighteenth-Century Fiction, 11, 4, juillet 1999, p. 511-514.

Melançon, Benoît, «I’d Love to be Thrilled. The Current State of Eighteenth-Century French Studies», conférence présentée devant le Eighteenth-Century Studies Group, University of Saskatchewan, Saskatoon, 9 mars 2000. http://www.mapageweb.umontreal.ca/melancon/saskatoon2000.html

Trente-deuxième article d’un dictionnaire personnel de rhétorique

Substitution

Définition

«Dans une formule attendue, cliché, syntagme figé, proverbe, citation, idée “reçue”, on remplace certains lexèmes par d’autres, inverses, ou étonnants» (Gradus, éd. de 1980, p. 426).

Exemples

«Le Québec brillait par sa présence à la Journée de la Francophonie, plus de 700 participants à l’Institut français !» (@QuebecJapon)

«J’aime la chanson actuelle de toute ma faiblesse» («La rue s’allume», éd. de 1966, p. 28).

 

Références

Belleau, André, «La rue s’allume», Liberté, 46 (8, 4), juillet-août 1966, p. 25-28; repris dans Y a-t-il un intellectuel dans la salle ? Essais, Montréal, Primeur, coll. «L’échiquier», 1984, p. 17-19; repris dans Surprendre les voix. Essais, Montréal, Boréal, coll. «Papiers collés», 1986, p. 59-63; repris dans Surprendre les voix. Essais, Montréal, Boréal, coll. «Boréal compact», 286, 2016, p. 59-64. https://id.erudit.org/iderudit/30058ac

Dupriez, Bernard, Gradus. Les procédés littéraires (Dictionnaire), Paris, Union générale d’éditions, coll. «10/18», 1370, 1980, 541 p.