USB à la mer

L’Oreille tendue, qui n’était pas encore l’Oreille tendue, s’est, en 2005, intéressée aux bouteilles à la mer — les authentiques, mais aussi leurs modernes incarnations : ballons, fusées, billets de banque, livres. (On peut lire cette curiosité épistolaire ici.)

Depuis, il y a eu plus fort. Aram Bartholl, un artiste allemand en résidence à New York, a lancé il y a quelques semaines le projet Dead Drops. Définition : «“Dead Drops” is an anonymous, offline, peer to peer file-sharing network in public space.» Traduction libre : vous achetez une clé USB, vous n’y mettez rien (sauf un fichier texte expliquant le projet), vous la cimentez dans un mur (un arbre, un banc), vous rendez public son emplacement — puis s’y connecte qui le souhaite (dans la langue d’origine : «Plug your laptop to the wall»). Une fois branché, on peut copier sur son propre appareil le contenu de la clé, modifier ce contenu, y ajouter un nouveau contenu.

Une clé USB dans un mur

C’est anonyme («anonymous») — mais pas obligatoirement —, ça ne passe pas par Internet («offline»), c’est un échange entre égaux («peer to peer file-sharing»), c’est un réseau («network») et c’est public («in public space»). C’est une bouteille à la mer, non ?

P.-S. — Pourquoi ce nom de Dead drop ? Réponse de Wikipedia : «A dead drop or dead letter box, is a location used to secretly pass items between two people, without requiring them to meet. This stands in contrast to the live drop, so called because two live persons meet to exchange items or information.» Dans les deux cas, il y a échange. Dans le second, on se rencontre; pas dans le premier. Malgré le nom, personne ne meurt.

 

[Complément du 4 juillet 2013]

Extension, depuis 2011, du domaine des dead drops : le widrop (Wireless dead DROP). De quoi s’agit-il ? «Un widrop est un dispositif simple qui allie un espace de stockage sans droits d’accès particuliers, avec une connectivité Wi-Fi pour y accéder de façon pratique avec un terminal mobile (smartphone ou laptop par exemple).» Il suffisait d’y penser. Explication ici. (Merci à @bibliomancienne.)

 

Ordinateur branché dans un mur

Belgicismes et québécismes

Dictionnaire des belgicismes, 2009, couverture

Dans une note d’un article paru en 2009, Wim Remysen, s’interrogeant sur l’emploi des mots canadianisme et québécisme, écrivait ceci : «Il serait tout à fait intéressant de comparer la situation canadienne avec celle qui prévaut ailleurs dans la francophonie» (p. 207 n. 2). Il se posait notamment la question du belgicisme. Deux événements se tiendront à Montréal cette semaine, qui devraient permettre d’explorer plus avant le statut des mots «régionaux» du français.

Le 18 novembre, à 19 h, l’Oreille tendue animera une table ronde intitulée «Belgicismes et québécismes : même combat ?». Elle réunira Michel Francard et Marie-Éva de Villers.

Michel Francard est professeur ordinaire à l’Université de Louvain (Belgique), où ses recherches et son enseignement portent principalement sur le français et ses différentes variations. Il a fondé le centre de recherche Valibel et il est actif dans différents réseaux internationaux centrés sur la francophonie. Il vient de publier un Dictionnaire des belgicismes aux éditions De Boeck (2010).

Marie-Éva de Villers est chercheuse agrégée à HEC Montréal, où elle dirige l’équipe qui met en œuvre la politique de la qualité de la communication auprès de l’ensemble des étudiants. Une version numérique de son Multidictionnaire de la langue française (Montréal, Québec Amérique, 2009, cinquième édition) sera mise en ligne à l’automne 2010.

La table ronde se tiendra à la librairie Le port de tête, 262, avenue Mont-Royal Est, Montréal. Elle est organisée par le Département des littératures de langue française de l’Université de Montréal, le Centre de recherche interuniversitaire sur la littérature et la culture québécoises (CRILCQ) et la Délégation Québec Wallonie-Bruxelles au Québec, avec la participation de Radio Spirale. L’entrée est libre.

Le lendemain, le 19 novembre, Michel Francard présentera une conférence au Département de linguistique de l’Université du Québec à Montréal. Intitulée «Québécismes, belgicismes, helvétismes… Et le “bon” français dans tout ça ?», elle débutera à 13 h 30 dans la salle N-M210 du pavillon Paul-Gérin-Lajoie (1205, rue Saint-Denis, Montréal).

 

Références

Francard, Michel, Geneviève Geron, Régine Wilmet et Aude Wirth, Dictionnaire des belgicismes, Louvain-la-Neuve et Paris, De Boeck et Duculot, coll. «Langue française – Ouvrages de référence», 2010. Ill. Préface de Bruno Coppens.

Remysen, Wim, «L’emploi des termes canadianisme et québécisme dans les chroniques de langage canadiennes-françaises», dans France Martineau, Raymond Mougeon, Terry Nadasdi et Mireille Tremblay (édit.), le Français d’ici. Études linguistiques et sociolinguistiques sur la variation du français au Québec et en Ontario, Toronto, Éditions du GREF, coll. «Theoria», 13, 2009, p. 207-231.

Villers, Marie-Éva de, Multidictionnaire de la langue française, Montréal, Québec Amérique, 2009 (cinquième édition), xxvi/1707 p.

Marie-Éva de Villers, Multidictionnaire de la langue française, cinquième édition, 2009, couverture

 

De la binette

Marcienne Martin, Dictionnaire des pictogrammes numériques et du lexique en usage sur Internet et les téléphones portables, 2010, couverture

Sous la signature de Marcienne Martin, les Éditions L’Harmattan viennent de faire paraître un Dictionnaire des pictogrammes numériques et du lexique en usage sur Internet et les téléphones portables (2010, 154 p.).

Dans le communiqué de presse, il est précisé que ce dictionnaire «a un caractère non exhaustif étant donné les possibilités illimitées que possède une langue en cours de création». Question, dès lors : pourquoi publier un dictionnaire papier d’un objet aussi mobile, voire éphémère, que les pictogrammes numériques et que le lexique lié à une technologie particulière ? Un site Web interactif ne serait-il pas plus approprié ? Devant un objet qui change aussi rapidement, pourquoi se limiter à un ouvrage imprimé condamné à une prévisible obsolescence ?

Mince consolation : on peut acheter le PDF du livre. (De là à le lire sur son téléphone, c’est une autre histoire.)

P.-S. — Binette ? Plutôt qu’émoticône, c’est la traduction que proposait dès 1995 l’Office québécois de la langue française du mot «smiley».

Bill Gates et mes enfants

Quiconque connaît intimement l’Oreille tendue le sait : elle vit d’amour et de pomme fraîche. Elle ne va cependant pas jusqu’à parler, comme le font par exemple Marin Dacos et Pierre Mounier dans l’Édition électronique (p. 56), de «l’ogre de Redmond» pour désigner Microsoft. Elle ne craint pas que Bill Gates croque ses enfants. Elle espère ne pas avoir tort.

P.-S. — Le livre est excellent. On peut malgré tout lui reprocher d’utiliser, à trois reprises, l’expression «charte qualité» (p. 110 et 112). Une préposition, est-ce si coûteux ?

 

Référence

Dacos, Marin et Pierre Mounier, l’Édition électronique, Paris, La Découverte, coll. «Repères», 549, 2010, 126 p.