Langue de campagne (12)

À la suite des débats entre les chefs des principaux partis politiques du Québec tenus la semaine dernière, on doit signaler quelques disparitions, peut-être temporaires.

La féminisation automatiqueles Québécois et les Québécoises, les citoyens et les citoyennes —, omniprésente dans les conférences de presse des politiques de tout acabit en temps normal, avait été laissée au vestiaire les soirs du 19, du 20, du 21 et du 22 août. (Elle ne devrait pas y rester longtemps.)

On ne s’en étonnera pas : quitter n’a pas retrouvé ses compléments.

Pendant de longues minutes des débats auxquels il a participé, François Legault, le chef de la Coalition avenir Québec, n’arrivait plus à retrouver le pronom relatif dont. Cela donnait d’innombrables «C’que l’Québec a besoin». Il n’est pas le premier homme politique à être ainsi dépossédé : Robert Bourassa l’a précédé durant sa campagne de 1989, où des publicités télévisées utilisaient exactement la même formule. (L’Oreille tendue, alors dans la fleur de l’âge, avait même consacré un texte, notamment, à cette question, dans le magazine culturel Spirale.)

À chacun ses modèles (linguistiques).

Langue de campagne (9)

Elle parle, conjugalement, de «notre gars» (débat des chefs, 19 août) et elle revendique sa maternité : «J’en ai quatre [des enfants]. Ch’pas mal contente» (face-à-face avec François Legault, 22 août). Pauline Marois (Parti québécois) est une mère.

Il annonce que sa fille attend un enfant. Jean Charest (Parti libéral) sera grand-père.

Sentant le besoin de solliciter plus activement le vote féminin, il fait maintenant sa tournée électorale avec sa femme. François Legault (Coalition avenir Québec) est un mari. Il sait qu’il arrive aux enfants de vedger. François Legault est un père.

Ce n’est pas tout.

Tous les chefs politiques québécois disent travailler pour le bien des générations à venir, «nos enfants et nos petits-enfants». François Legault a même exigé de Pauline Marois, lors de leur face-face du 22 août, qu’elle regarde «nos petits-enfants en pleine face». (L’Oreille tendue n’ose pas imaginer ce que ferait un esprit tordu de ce «nos», bien évidemment collectif et non pas personnel.)

Stéphane Laporte, enfin, dans la Presse du 17 août, rappelle qu’il y a, surtout au Parti québécois, des belles-mères : «“Ce n’est pas parce que tu t’es séparé de ma fille que je ne suis plus ta belle-mère !” — Bernard Landry à François Legault» (p. A1).

Les élections québécoises sont une affaire de famille.

Langue de campagne (8)

L’Oreille tendue a surtout parlé, jusqu’à maintenant, du vocabulaire de la campagne, de son lexique. Qu’en est-il de sa syntaxe ?

Trois modèles de phrase ont été beaucoup utilisés.

Je n’ai pas de leçon à recevoir de vous sur X, dit celui qui veut défendre sa réputation. Ex. : «Monsieur Charest, je n’ai pas de leçon d’intégrité à recevoir de vous» (Pauline Marois, Parti québécois, 20 août 2012).

Voter pour Y, c’est voter pour Z, attaque celui qui craint la dispersion de ses ouailles électorales. Jean Charest, le chef du Parti libéral du Québec, est friand de ces accusations de votes dévoyés.

Vous n’avez pas le monopole du W, riposte celui qui se souvient de Valéry Giscard d’Estaing et du «Vous n’avez pas le monopole du cœur» qu’il adressa à François Mitterrand en 1974. Ex. : «Madame Marois, vous n’avez pas le monopole de l’amour du Québec» (François Legault, Coalition avenir Québec, 19 août 2012 et 22 août 2012).

Les principaux candidats aux élections québécoises qui se déroulent actuellement maîtrisent bien ces structures. On ne peut pas toujours en dire autant de leur vocabulaire.

Langue de campagne (7)

Qui dirige la vie politique au Québec ? Qui la dirigera après les élections ? Tout dépend de la personne à laquelle on pose la question.

Le chef du Parti libéral, Jean Charest, craint que ce ne soit «la rue», et la rue, pour lui, c’est Pauline Marois, la chef du Parti québécois.

La même Pauline Marois, selon François Legault, de la Coalition avenir Québec, aurait «les mains attachées avec les syndicats». Il l’a dit plusieurs fois durant les débats télévisés de la semaine dernière.

Le parti de Jean Charest aurait trempé dans des histoires de corruption / collusion / scandale, s’inquiètent le caquiste et la péquiste en chef. Qui se cache derrière tout cela ?

Une chose est sûre : la «majorité silencieuse», qui, sauf erreur, ne dirige rien, en a marre, elle, qu’on ne cesse de lui faire dire ceci, puis cela. Elle exige, sans le dire, qu’on la laisse retourner à son mutisme.

Langue de campagne (6)

En campagne électorale, le choix de son vocabulaire par un candidat est souvent révélateur de sa personnalité et de ses valeurs.

Prenons François Legault, le chef de la Coalition avenir Québec, qui n’hésite pas à dire qu’il a une formation de comptable.

Que proposait-il lors des débats télévisés d’août 2012 ? Que les médecins de famille devaient faire «plus de volume» ou «du volume additionnel». Que des «gains d’efficacité» étaient attendus des employés de l’État. Qu’il fallait «appliquer [tel revenu] contre la dette». Qu’il allait, lui, «charger 5 %» à telle catégorie de producteurs. Qu’en matière de création d’emplois il aurait un «compteur» sur son bureau de premier ministre.

Michel David du Devoir le faisait remarquer, s’agissant de ce «compteur» : «Même ses plus féroces détracteurs n’ont jamais illustré de façon aussi éclatante que François Legault lui-même la vision essentiellement comptable qui l’anime» (23 août 2012, p. A1).

Comptable un jour, comptable toujours.