L’art de l’assassinat critique

Berthelot Brunet, Histoire de la littérature canadienne-française, 1946, couverture

 

Soit la phrase suivante, tirée de l’Histoire de la littérature canadienne-française de Berthelot Brunet (1946) :

[Mgr Camille Roy] eût vécu en France qu’il aurait été quelque chanoine Lecigne, quelque abbé Calvet, et il aurait reçu des lettres de remerciements et des envois d’auteur de Paul Bourget, Henry Bordeaux, René Bazin, Arsène Vermenouze et, une seule fois, de Maurice Barrès (p. 115).

Le «une seule fois» réjouit l’Oreille tendue. Certes, Camille Roy, vivant en France plutôt qu’au Québec, aurait eu des échanges avec quelques auteurs célèbres, mais Maurice Barrès, lui, ne s’y serait pas fait prendre deux fois. Trois mots, tant de cruauté.

P.-S.—Autre exemple, en six mots : «Blanche Lamontagne ou la Pythie gaspésienne» (p. 95).

 

Référence

Brunet, Berthelot, Histoire de la littérature canadienne-française, Montréal, L’Arbre, 1946, 186 p.

Scène de la vie conjugale numérique

L’Oreille tendue monte dans un taxi, l’oreille pas spécialement tendue. Une sonnerie de téléphone se fait entendre. Une voix féminine sort du système audio de la voiture : «Bonjour, chéri, ça va ?» Lui (le chauffeur, pas l’Oreille tendue) : «J’ai quelqu’un dans la voiture.» Elle : «Ça va ?» Lui : «J’ai quelqu’un dans la voiture. Je vais te rappeler.»

Double explication du chauffeur. C’est parce que son téléphone est en connexion automatique, par Bluetooth, avec son système audio. C’était sa femme. (Qu’il a dit.)

Langue de puck et de Québec

Cet après-midi, l’Oreille tendue sera à Québec, au Musée de la civilisation, pour parler de la langue du hockey (renseignements ici).

Elle utilisera nombre d’exemples, notamment ceux qui suivent.

«Y a des finales jusqu’au mois d’mai» (Dominique Michel, «Hiver maudit : j’haïs l’hiver», chanson 1979).

«Béliveau purgeait une mineure sur le banc des punitions» (phrase citée par Jacques Bobet, «Chronique (sans ironie) sur la presse sportive française», p. 175).

«le gros 61 loge un boulet sous le biscuit du gardien» (Patrick Roy, la Ballade de Nicolas Jones, p. 187).

«La députée libérale Lucienne Robillard a annoncé hier qu’elle accrochait ses patins politiques» (le Devoir, 5 avril 2007).

Dans House of Cards, le personnage de Leann Harvey (Neve Campbell) «joue dur dans les coins de patinoire» (la Presse+, 10 mars 2016).

«Si la nature est ton amie, tu pognes un deux meunutes» (Erika Soucy, les Murailles, p. 30).

«C’était le tombeur de la poly, celui qui niaisait pas avec la puck pis qui t’amenait à son chalet c’était pas trop long» (Erika Soucy, les Murailles, p. 86-87).

«À une époque où les pucks étaient faites de crottin» (Loco Locass, «Le but», chanson, 2009).

«Vite, vite, qu’on en finisse avec ce centenaire qui a duré 100 ans. Leurs bras meurtris ne tendent plus le flambeau, ils nous assomment avec» (Yves Boisvert, la Presse, 4 décembre 2009).

«les fantômes ont failli» (Patrick Roy, la Ballade de Nicolas Jones, p. 16).

Claude Dionne, Sainte Flanelle, gagnez pour nous !, 2012.

«Jeu-questionnaire. Connaissez-vous votre flanelle ?» (la Presse+, 26 décembre 2015)

 

Références

Bobet, Jacques, «Chronique (sans ironie) sur la presse sportive française», Liberté, 57 (10, 3), mai-juin 1968, p. 175-187. https://id.erudit.org/iderudit/60373ac

Dionne, Claude, Sainte Flanelle, gagnez pour nous ! Roman, Montréal, VLB éditeur, 2012, 271 p.

Melançon, Benoît, Langue de puck. Abécédaire du hockey, Montréal, Del Busso éditeur, 2014, 128 p. Préface de Jean Dion. Illustrations de Julien Del Busso.

Roy, Patrick, la Ballade de Nicolas Jones. Roman, Montréal, Le Quartanier, coll. «Polygraphe», 01, 2010, 220 p.

Soucy, Erika, les Murailles, Montréal, VLB éditeur, 2016, 150 p.

Langue de puck. Abécédaire du hockey (Del Busso éditeur, 2014), couverture

Le niveau baisse ! (1880)

(«Le niveau baisse !» est une rubrique dans laquelle l’Oreille tendue collectionne les citations sur le déclin [supposé] de la langue. Les suggestions sont bienvenues.)

 

«Chaque année, ceux qui voient arriver à l’Université les jeunes gens sortis de Rhétorique constatent les plus fâcheux résultats. Fort peu sont en état d’écrire correctement le français […]. Sept années d’études, et, pour conclusion, l’ignorance.»

Source : Vandenkindere, 1880, cité dans Jean-Marie Klinkenberg, la Langue dans la Cité. Vivre et penser l’équité culturelle, Bruxelles, Les Impressions nouvelles, 2015, 313 p., p. 157. Préface de Bernard Cerquiglini.

 

Pour en savoir plus sur cette question :

Melançon, Benoît, Le niveau baisse ! (et autres idées reçues sur la langue), Montréal, Del Busso éditeur, 2015, 118 p. Ill.

Benoît Melançon, Le niveau baisse !, 2015, couverture