Dictionnaire des séries 18

Sifflet

Il y a beaucoup de raisons d’aimer le hockey. C’est un sport rapide, spectaculaire, excitant.

Il y a pas mal de raisons de ne pas aimer le hockey. Outre la violence et l’ineptie de la Ligue nationale de hockey, on peut notamment signaler la faiblesse de l’arbitrage.

Plus la saison avance, et plus un match avance, et moins les arbitres font leur travail. Cela s’appelle ranger son sifflet. Conséquence ? Le hockey est un des rares sports où la pire crainte d’un arbitre est d’avoir un effet sur le résultat d’un match ou d’une série.

La question se pose dès lors : à quoi servent-ils ?

P.-S. — Uniforme oblige, l’arbitre est un zèbre — un zèbre à sifflet, donc.

 

[Complément du 5 février 2014]

Les 57 textes du «Dictionnaire des séries» — repris et réorganisés —, auxquels s’ajoutent des inédits et quelques autres textes tirés de l’Oreille tendue, ont été rassemblés dans le livre Langue de puck. Abécédaire du hockey (Montréal, Del Busso éditeur, 2014, 128 p., illustrations de Julien Del Busso, préface de Jean Dion, 978-2-923792-42-2, 16,95 $).

En librairie le 5 mars 2014.

Langue de puck. Abécédaire du hockey (Del Busso éditeur, 2014)

À peu près aussi bien que bon

Samuel Cantin, Phobies des moments seuls, 2011, p. 134

Il y a un an, le fils aîné de l’Oreille tendue a passé quelques jours à Paris. Caméléon linguistique, il a réussi à se fondre dans la conversation ambiante sans trop de mal. Il n’y a qu’un signe d’appartenance non autochtone dont il n’était pas parvenu à se défaire : l’emploi passe-partout du mot correct.

Ce qui, chez un Hexagonal, aurait été bien ou bon était correct chez lui — un plat, un comportement, une œuvre d’art. Utilisant correct, il ne sous-entendait aucun (léger) vice caché. On lui demandait s’il appréciait son voyage et il répondait «Correct». Pour lui, ça allait.

On trouve plusieurs bons exemples des usages québécois de correct dans le roman Comme des sentinelles de Jean-Philippe Martel, ce mot qui marque la (quasi-)satisfaction : «un “gars correct” sur qui on pouvait à peu près compter» (p. 57); «Peut-être rien d’extraordinaire, là, mais correct, tu sais ?» (p. 91); «j’ai décidé qu’il n’y avait pas de quoi m’en faire, que ce n’était peut-être pas normal, mais que ça allait, là; que c’était correct» (p. 109); «Elle dit que c’est pas correct pour lui» (p. 124); «—Tu veux peut-être que je te le rappelle ? —Non, ça va être correct» (p. 169).

Synonymes : oui et tiguidou.

Antonyme : moyen.

Remarque : dans certains cas très spécifiques, correct peut avoir valeur d’antiphrase et marquer une désapprobation (qui refuse de s’avouer). Exemple : Les enfants de X refusent de parler à leur mère. C’est correct comme ça.

Prononciation : la prononciation du t final est facultative.

 

[Complément du 19 juin 2015]

Cet usage n’est pas tout récent. On le trouve dans une pièce de théâtre de Jean-Claude Germain montée en 1969, Diguidi, diguidi, ha ! ha ! ha ! : «Bon… C’est corrèque… tu peux rentrer pis t’déshabiller» (p. 48). Sens : ça va aller. (Graphie certifiée d’origine.)

Rebelote dans une pièce de 1971, Si les Sansoucis s’en soucient, ces Sansoucis-ci s’en soucieront-ils ? Bien parler, c’est se respecter ! : «Bon, ben çé corrèque… oubliez toute s’que j’ai dit…» (p. 144). Le mot a ici valeur de concession.

 

[Complément du 26 mars 2019]

En 1937, la brochure le Bon Parler français classait «Correct. O. K.», mis pour «Ça va», parmi les barbarismes (p. 20).

 

[Complément du 29 novembre 2021]

Dans Meurtre au Forum, on peut lire ceci :

«— […] je me préparais justement à te téléphoner pour te demander de venir me rencontrer au Forum.
— C’est correct. Le temps de m’habiller et je saute dans ma voiture. Je vais être là, dans au plus vingt minutes» (p. 4).

Meurtre au Forum date de 1953.

 

[Complément du 23 mai 2022]

Confirmation de la prononciation chez le Michel Ragabliati de Paul à Québec (2009, p. 37) : «Correc !»

 

[Complément du 4 avril 2024]

Il arrive, mais plus rarement, que correct soit employé adverbialement : «Je suis correct intelligent, mais je ne suis pas super intelligent non plus» (la Presse+, 4 avril 2024).

 

Illustration : Samuel Cantin, Phobies des moments seuls. Les carnets du docteur Marcus Pigeon, Montréal, Éditions Pow Pow, 2011, 157 p., p. 134.

 

Références

Le Bon Parler français, La Mennais (Laprairie), Procure des Frères de l’Instruction chrétienne, 1937, 24 p.

Germain, Jean-Claude, Diguidi, diguidi, ha ! ha ! ha ! [suivi de] Si les Sansoucis s’en soucient, ces Sansoucis-ci s’en soucieront-ils ? Bien parler, c’est se respecter !, Montréal, Leméac, coll. «Théâtre québécois», 24, 1972, 194 p. Ill. Introduction de Robert Spickler.

Martel, Jean-Philippe, Comme des sentinelles. Roman, Montréal, La mèche, 2012, 177 p.

Rabagliati, Michel, Paul à Québec, Montréal, La Pastèque, 2009, 187 p.

Verchères, Paul [pseudonyme d’Alexandre Huot ?], Meurtre au hockey, Montréal, Éditions Police journal, coll. «Les exploits policiers du Domino Noir», 300, [1953], 32 p.

Autopromotion 068

Autour de 9 h 20 ce matin, l’Oreille tendue participera, dans le cadre de l’émission radiophonique Médium large de Catherine Perrin (Radio-Canada), à une table ronde sur les mots et expressions que, les uns et les autres, nous ne pouvons plus souffrir. Ce n’est pas le choix qui va manquer.

 

[Complément du jour]

On peut (ré)entendre l’entretien ici.

L’Oreille tendue avait droit à trois expressions.

En deuxième place, elle est revenue sur son perroquet d’argent de 2012, le mot urbain — pour de nouveaux exemples, voir le blogue Vivez la vie urbaine —, puis, en troisième, sur l’expression faire du pouce sur.

En premier lieu, elle avait retenu les décaleurs temporels d’énoncés : tous ces mots qui servent à dire que l’on va parler, mais qui, du fait même de leur existence, retardent le moment où l’on va enfin dire ce que l’on aurait à dire. Les exemples sont nombreux : écoutez, j’ai le goût de vous dire que, je vous dirais que, je voudrais vous dire que, j’ai envie de vous dire que, j’aurais envie de vous dire que, on parle de, etc.

Ces décaleurs et urbain sont des médiatics, plus que faire du pouce sur.

Il a aussi été question de festif, de je l’aime d’amour, de problématique, de citoyen, de ça l’a, des internets, de lol, de au niveau de, de check, de l’avenir nous le dira, de songé, de 2.0, de trop c’est comme pas assez, de O My God, de dans mon livre à moi, de ça fait du sens, de dans le paysage, de péter une coche, de on s’entend, de moi, personnellement, je, de plusieurs autres mots et expressions.

Si l’on se fie au nombre de courriels d’auditeurs et à leurs commentaires, ce sujet a touché une corde très sensible.

 

[Complément du 2 janvier 2014]

L’Oreille vient de repérer un nouveau décaleur temporel d’énoncé : on va se le dire.

On va se le dire, dit Pénélope McQuade

Dictionnaire des séries 17

Il existerait, au hockey, des tirs sans avertissement. En bonne logique, il faudrait donc postuler l’existence de tirs avec avertissement. Or l’Oreille tendue n’a jamais entendu parler de cette seconde catégorie de tirs.

Sur Twitter, @vercasso lui faisait cependant remarquer, à juste titre, qu’à une autre époque, pour désigner une manœuvre prévisible, on parlait de tir télégraphié.

Faudrait-il conclure que télégraphié est l’antonyme hockeyistique (et daté) de sans avertissement ? Si peu d’heures, tant de questions.

 

[Complément du 15 novembre 2020]

En Italie et en France, on parlerait plutôt de tir téléphoné. À chacun son appareil.

 

[Complément du 5 février 2014]

Les 57 textes du «Dictionnaire des séries» — repris et réorganisés —, auxquels s’ajoutent des inédits et quelques autres textes tirés de l’Oreille tendue, ont été rassemblés dans le livre Langue de puck. Abécédaire du hockey (Montréal, Del Busso éditeur, 2014, 128 p., illustrations de Julien Del Busso, préface de Jean Dion, 978-2-923792-42-2, 16,95 $).

En librairie le 5 mars 2014.

Langue de puck. Abécédaire du hockey (Del Busso éditeur, 2014)

RAO, bis

© Ernesto TimorPhoto : © Ernesto Timor

Le 19 mars 2012, l’Oreille tendue recommandait à son aimable clientèle quatre sites consacrés à la RAO (rédaction assistée par ordinateur). Rebelote.

Il vous faut un titre de livre et sa couverture ? Venez ici. (Si le look Martine vous suffit, allez .)

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Pour le contenu, pourquoi pas des proverbes ?

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