Langue de campagne (11)

Où la politique se fait-elle ?

Jean Charest (Parti libéral du Québec) est formel : ce n’est pas dans la rue.

D’autres se méfient des officines : des créatures de l’ombre y prendraient des décisions sans consulter qui que ce soit.

Tous ne s’entendent pas sur la place des médias dits «sociaux» dans la présente campagne électorale québécoise. Est-elle, ou bien pas, «2.0» ? Internet est-il le nouveau lieu du politique ?

En revanche, les assemblées de cuisine ont toujours la cote. Aller voir des gens chez eux, serrer des mains, répondre directement aux questions, embrasser (et pas seulement des bébés) : ça continue, comme dans le bon vieux temps.

Langue de campagne (10)

Du passé, on ne peut jamais faire complètement table rase. La campagne électorale qui se déroule actuellement au Québec le rappelle à tous les jours.

Nous vivons à l’ère du numérique ? On reproche pourtant aux politiciens de toujours répéter les mêmes discours, de laisser tourner la cassette, alors que la cassette n’a plus technologiquement cours. Ex. : «Sur le terrain, les gens de toutes tendances font le même constat : assez de la langue de bois, de la cassette et des promesses qui ne se réaliseront pas. Le moindre vox pop s’en fait l’écho» (le Devoir, 21 août 2012, p. A6).

Le Parti québécois, et notamment sa chef Pauline Marois, se complique inutilement la vie en se contredisant, ou en se faisant contredire, sur les référendums, la citoyenneté, les souverainistes conservateurs (cette liste n’est qu’indicative) ? C’est que le PQ est historiquement hanté par l’autopeluredebananisation. Patrick Lagacé le rappelle ici.

Vous n’êtes pas porté sur la faune nordique ? Peu importe : grâce au chef de la Coalition avenir Québec, François Legault, il est de nouveau question sur toutes les tribunes des caribous, ces indépendantistes réputés purs et durs. Sur Twitter, Tristan Malavoy a d’ailleurs proposé de rebaptiser la CAQ : Caribou Attend le Québec.

Parodie de Tintin (Caribous !)Source : @lemotzuste

Qu’avait promis le Parti libéral de Jean Charest lors de son élection de 2003 ? La réingénierie de l’État. On croyait le mot disparu, explulsé des programmes, mais il revient périodiquement sous la plume des journalistes (le Devoir, 18-19 août 2012, p. B3; la Presse, 23 août 2012, p. A12).

Nous vivons entourés des mots du passé.

Langue de campagne (9)

Elle parle, conjugalement, de «notre gars» (débat des chefs, 19 août) et elle revendique sa maternité : «J’en ai quatre [des enfants]. Ch’pas mal contente» (face-à-face avec François Legault, 22 août). Pauline Marois (Parti québécois) est une mère.

Il annonce que sa fille attend un enfant. Jean Charest (Parti libéral) sera grand-père.

Sentant le besoin de solliciter plus activement le vote féminin, il fait maintenant sa tournée électorale avec sa femme. François Legault (Coalition avenir Québec) est un mari. Il sait qu’il arrive aux enfants de vedger. François Legault est un père.

Ce n’est pas tout.

Tous les chefs politiques québécois disent travailler pour le bien des générations à venir, «nos enfants et nos petits-enfants». François Legault a même exigé de Pauline Marois, lors de leur face-face du 22 août, qu’elle regarde «nos petits-enfants en pleine face». (L’Oreille tendue n’ose pas imaginer ce que ferait un esprit tordu de ce «nos», bien évidemment collectif et non pas personnel.)

Stéphane Laporte, enfin, dans la Presse du 17 août, rappelle qu’il y a, surtout au Parti québécois, des belles-mères : «“Ce n’est pas parce que tu t’es séparé de ma fille que je ne suis plus ta belle-mère !” — Bernard Landry à François Legault» (p. A1).

Les élections québécoises sont une affaire de famille.

Langue de campagne (8)

L’Oreille tendue a surtout parlé, jusqu’à maintenant, du vocabulaire de la campagne, de son lexique. Qu’en est-il de sa syntaxe ?

Trois modèles de phrase ont été beaucoup utilisés.

Je n’ai pas de leçon à recevoir de vous sur X, dit celui qui veut défendre sa réputation. Ex. : «Monsieur Charest, je n’ai pas de leçon d’intégrité à recevoir de vous» (Pauline Marois, Parti québécois, 20 août 2012).

Voter pour Y, c’est voter pour Z, attaque celui qui craint la dispersion de ses ouailles électorales. Jean Charest, le chef du Parti libéral du Québec, est friand de ces accusations de votes dévoyés.

Vous n’avez pas le monopole du W, riposte celui qui se souvient de Valéry Giscard d’Estaing et du «Vous n’avez pas le monopole du cœur» qu’il adressa à François Mitterrand en 1974. Ex. : «Madame Marois, vous n’avez pas le monopole de l’amour du Québec» (François Legault, Coalition avenir Québec, 19 août 2012 et 22 août 2012).

Les principaux candidats aux élections québécoises qui se déroulent actuellement maîtrisent bien ces structures. On ne peut pas toujours en dire autant de leur vocabulaire.

Langue de campagne (7)

Qui dirige la vie politique au Québec ? Qui la dirigera après les élections ? Tout dépend de la personne à laquelle on pose la question.

Le chef du Parti libéral, Jean Charest, craint que ce ne soit «la rue», et la rue, pour lui, c’est Pauline Marois, la chef du Parti québécois.

La même Pauline Marois, selon François Legault, de la Coalition avenir Québec, aurait «les mains attachées avec les syndicats». Il l’a dit plusieurs fois durant les débats télévisés de la semaine dernière.

Le parti de Jean Charest aurait trempé dans des histoires de corruption / collusion / scandale, s’inquiètent le caquiste et la péquiste en chef. Qui se cache derrière tout cela ?

Une chose est sûre : la «majorité silencieuse», qui, sauf erreur, ne dirige rien, en a marre, elle, qu’on ne cesse de lui faire dire ceci, puis cela. Elle exige, sans le dire, qu’on la laisse retourner à son mutisme.