La clinique des phrases (cccc)

La clinique des phrases, logo, 2020, Charles Malo Melançon

(À l’occasion, tout à fait bénévolement, l’Oreille tendue essaie de soigner des phrases malades. C’est cela, la «Clinique des phrases».)

Le 22 janvier 2018, l’Oreille, au sujet d’un passage d’un essai de Jean-Martin Aussant, expliquait ce qu’elle entendait par «connivence inexistante» ou «syndrome UQAM» :

Quand elle parle de rédaction scientifique à des doctorants, l’Oreille tendue appelle cela la «connivence inexistante» : l’idée, dont il faut toujours se méfier, selon laquelle vos lecteurs partagent nécessairement le même bagage que vous (sigle, terminologie, etc.). Elle appelle aussi cela le «syndrome UQAM» : l’UQAM n’est pas concernée en elle-même, mais plutôt ces gens qui utilisent ce sigle dans leurs textes sans l’expliciter. (On pourrait parler de syndrome FLQ ou FTQ ou CSN ou etc. Vous faites comme vous voulez.)

Bref : le «syndrome UQAM», c’est employer «UQAM» sans s’en expliquer, comme si tout le monde sur la planète devait savoir ce qu’est l’Université du Québec à Montréal.

Bel exemple dans une chronique récente :

J’ai relu récemment des textes de sociologues québécois des années 1960-1970, des figures dominantes comme Dumont, Rocher, Rioux, Dion.

Pourquoi ne pas avoir la politesse d’aider les lecteurs à s’y retrouver ?

J’ai relu récemment des textes de sociologues québécois des années 1960-1970, des figures dominantes comme Fernand Dumont, Guy Rocher, Marcel Rioux, Léon Dion.

À votre service.

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RaccourSci, logo, 13 mai 2021

Pour le site RaccourSci. La communication scientifique sans détour, l’Oreille tendue vient de rédiger le texte «Du bon usage (ou pas) des notes». Il se trouve ici.

RaccourSci est le fruit d’une collaboration entre l’Association francophone pour le savoir (Acfas) et l’Agence universitaire de la Francophonie (AUF). Il s’agit d’une «une plateforme numérique qui a pour but de donner des outils à la communauté universitaire, et à qui en ressent le besoin, pour apprendre à mieux communiquer».

Sic

L’Oreille tendue a déjà été jeune. Elle était alors soucieuse, peut-être exagérément, de philologie. Il lui est donc arrivé plus d’une fois d’avoir recours à des sic (presque) rageurs en recopiant des textes.

Sic ?

C’est, entre autres usages, la convention par laquelle on indique que, dans un texte cité ou recopié, il y a une faute, mais que cette faute n’est pas la responsabilité de celui qui transcrit, mais de l’auteur de la citation ou du texte original. Exemples : «Céline a alors dit qu’elle quittait [sic]»; «René a fait une couille [sic] en retranscrivant le texte.»

(Il ne t’aura pas échappé, Lecteur, que le mot est toujours en italique, dans un texte en romain, et entre crochets.)

L’Oreille s’est assagie depuis sa jeunesse et elle est désormais beaucoup plus parcimonieuse en matière de sic. (Elle n’est cependant pas complètement guérie de ce travers.)

Ce n’est pas le cas au Devoir, du moins pas dans l’édition du 16 septembre. Un article y est consacré au supposé complot fédéraliste au sein de l’équipe de hockey des Canadiens de Montréal : c’est par choix idéologique que cette équipe ne prendrait pas (plus) la peine d’engager des joueurs francophones.

Pauline Marois, la chef du Parti québécois, s’est prononcée là-dessus : «“L’équipe a pris une certaine tendance et j’aimerais qu’elle se redresse un peu. D’ailleurs, il y a beaucoup de chroniqueurs et d’analystes du monde du sport qui partagent le même point de vue que moi [sic]”, a-t-elle dit.»

Pourquoi ce sic ? Ce n’est de toute évidence pas pour des raisons grammaticales : la phrase est correctement écrite. Faut-il comprendre que Pauline Marois, les chroniqueurs et les analyses sont d’accord, mais qu’ils se tromperaient tous ? Ou qu’ils ne diraient pas tous la même chose ? S’agirait-il plutôt de souligner un vice de perspective ? Dans cette optique, si l’Oreille comprend bien, on reprocherait à Pauline Marois de dire que son point de vue a été endossé par les chroniqueurs et les analyses, alors que, dans les faits, c’est elle qui se serait ralliée au leur.

Voilà beaucoup d’interrogations pour trois lettres, et une conception du sic comme forme ramassée du commentaire, voire de l’éditorial.

P.-S. — En revanche, utilisation justifiée dans une «Libre opinion» du Devoir du 30 septembre, p. A8, sous le titre «Parlons cuisine». L’«animatrice» Anne-Marie Withenshaw déplore qu’un article du journal ait écorché son patronyme. Elle cite l’article : «Faut-il comprendre que Mme Whitenshaw [sic] s’est fait payer une cuisinière, voire une cuisine, par GE, dont elle devient en quelque sorte la porte-parole ?»

 

[Complément du 15 avril 2014]

Un collègue de l’Oreille a longtemps utilisé le mot sic entre crochets mais sans l’italique. Il lui écrit : «Si je vous ai bien compris, vous citeriez, à la rigueur, mes nombreux [sic] comme suit : [sic] [sic].» Zactement.

 

[Complément du 29 janvier 2018]

Que dit Umberto Eco de cela dans son Comment écrire sa thèse (Paris, Flammarion, 2016 [1977], 338 p. Ill. «Postface du traducteur», Laurent Cantagrel) ?

«Si l’auteur que vous citez, tout en étant fort intéressant, commet une erreur évidente, de style ou d’information, il vous faut respecter son erreur mais la signaler au lecteur entre crochets, de cette manière : [sic]. Vous direz donc que Savoy affirme qu’“en 1820 [sic], après la mort de Bonaparte, l’Europe était dans une situation assez sombre, avec quelques lumières”. Cela dit, si j’étais vous, ce Savoy, je le laisserais tomber» (p. 253-254).